Vendredi 15 avril, à 18 heures, six activistes du collectif Dernière Rénovation ont bloqué la circulation d’une portion de l’autoroute A13, près de Paris, pour appeler le gouvernement français à accélérer la rénovation énergétique des logements.
À la veille du week-end de Pâques et des vacances scolaires, cette action était censée « assurer une perturbation maximale » du trafic, indique le journal Reporterre, d’autant que l’autoroute de Normandie, qui relie la capitale à Caen via Rouen, est l’une des plus fréquentées par les Parisiens.
Aux abords de Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine, les militants se sont ainsi agenouillés en plein milieu de la chaussée, banderole « Dernière Rénovation » en main, sous le regard furibond et parfois les injures des automobilistes, ulcérés.
Au bout d’une petite demi-heure, des unités motorisées de la police ont finalement délogé les manifestants, qui ont passé la nuit du 15 avril en garde à vue.
En quinze jours, c’est la troisième fois que les activistes de Dernière Rénovation bloquent un tronçon routier.
Le matin du 1er avril, sous la neige, une dizaine d’entre eux s’étaient mis en travers du périphérique parisien et avaient déjà fini au poste de police. Ce passage par la case commissariat ne les avait pas empêchés de réitérer leur action le 5 avril, au même endroit, et de nouveau à une heure de pointe.
À la suite de ce second blocage, le collectif avait déclaré que les manifestations « ne prendr[aient] fin que lorsqu’une victoire législative aura[it] été obtenue ».
23 % des émissions de GES
Créé il y a quelques mois, Dernière Rénovation a une demande très claire : « Que le gouvernement s’engage immédiatement à assurer et financer intégralement la rénovation énergétique des logements de tous les ménages en situation de précarité énergétique d’ici à 2030, et à rendre obligatoire sous six mois la rénovation globale du parc immobilier français d’ici 2040. »
À lui seul, le secteur du bâtiment représente 43 % de la consommation d’énergie en France et 23 % des émissions directes de gaz à effet de serre. Souvent négligé dans les débats, le logement constitue donc un maillon crucial de la lutte contre le réchauffement climatique.
Parmi les 37 millions de résidences que compte le pays, environ 5 millions seraient classées comme passoires énergétiques, c’est-à-dire notées F ou G sur le diagnostic de performance officiel de l’État.
Pour honorer les accords de Paris – la neutralité carbone en 2050 –, le gouvernement devrait procéder à 370 000 rénovations globales par an à partir de 2022, et 700 000 par an à partir de 2030, selon les préconisations du Haut Conseil pour le Climat.
Pour l’instant, le rythme des rénovations énergétiques s’élèverait à 0,2 % par an en moyenne, alors qu’il devrait déjà s’établir autour de 1 %.
En réponse à la Convention citoyenne pour le climat (CCC), qui proposait de « rendre obligatoire la rénovation énergétique globale des bâtiments d’ici 2040 », la loi climat et résilience d’août 2021 s’est contentée de mettre en place un dispositif d’aide à la rénovation sans contrainte réelle, parcellaire et insuffisant, notamment pour les propriétaires modestes qui occupent leur logement.
Jusqu’au-boutisme
Partis comme nous le sommes, la totalité du parc français n’atteindra pas les catégories A, B ou C du diagnostic de performance d’ici vingt à trente ans. Pire, les passoires énergétiques pourraient être les dernières à bénéficier d’une rénovation globale, étant donné qu’avec le dispositif d’aide actuel, « les ménages précaires doivent encore financer un reste à charge important ».
C’est pourquoi Dernière Rénovation a adressé, le 9 mars, un ultimatum au président de la République : si le gouvernement n’appliquait pas les mesures de la CCC avant le 28 du même mois, le collectif promettait « d’entrer en résistance civile » pour « prévenir le crime » que son inaction commet « à l’encontre de notre pays, de l’humanité et de la vie sur terre ».
N’ayant pas reçu de réponse, les activistes de Dernière Rénovation ont déclenché leur série d’actions, déclarant qu’ils étaient « prêts à risquer la prison » pour obtenir gain de cause :
« Le gouvernement lui-même n’est pas au-dessus des lois, ont-ils écrit le 1er avril, et nous retournerons sur les routes pour faire appliquer le droit dans notre pays autant qu’il le faudra. »
Ce mouvement de résistance civile s’inscrit dans une mouvance internationale. Des opérations similaires sont menées dans une dizaine de pays, sur plusieurs continents. À Lausanne, en Suisse, le collectif Renovate Switzerland a par exemple bloqué une sortie d’autoroute le 11 avril, pour réclamer la rénovation d’un million de logements énergivores. Aux États-Unis, Declare Emergency organise également des actions coups de poing visant à forcer le gouvernement à prendre en compte l’urgence climatique.