Portée par des eurodéputés, des économistes, des millionnaires et des citoyens, l’initiative citoyenne européenne « Tax the Rich » est lancée. L’objectif : récolter 1 million de signatures pour taxer les 1% les plus riches, ceux qui polluent le plus, afin de financer la transition écologique de l’UE.
Aux origines de l’ICE : la taxe sur les superprofits des entreprises
Depuis 2020, les 1 % les plus riches ont accaparé les deux tiers des richesses créées, soit près de deux fois plus que les 99 % restant. Pire, ces mêmes 1 % émettent également plus d’émissions de CO2 que la moitié la plus pauvre de la planète.
Documenté par Oxfam, ce double constat est au cœur de l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) « Tax the Rich », enregistrée en juillet dernier par la Commission. Décryptage avec Aurore Lalucq, eurodéputée Place Publique et co-dépositaire du projet.
« Cette ICE, qui date d’avril dernier, est une idée de Paul Magnette [Président du Parti socialiste de Belgique]. Il m’a sollicitée car j’avais déjà travaillé sur la course au moins-disant fiscal des multinationales. Nous avons donc voulu répéter l’opération, cette fois-ci, au niveau, des grandes fortunes des individus » explique Aurore Lalucq pour La Relève et la Peste.
D’autant plus que, souligne l’eurodéputée, c’est un moment propice pour légiférer sur le sujet.
« Comme le Parlement européen vient d’adopter une taxe sur les superprofits des entreprises, nous n’avons rencontré aucune opposition. De même, au niveau de la Commission, plusieurs signaux nous ont indiqué que la question de la taxation des grandes fortunes était pertinente, tant sur la forme que sur le fond, puisqu’il permettra de créer un débat politique dont peuvent se saisir les sociétés civiles européennes ».
L’injustice fiscale, un sujet qui fait consensus
C’est donc un groupe de sept personnalités européennes issues de tout horizon qui ont collaboré afin de mettre sur pied une ICE recevable par l’Union européenne. Parmi elles, rien d’autre que : l’économiste français Thomas Piketty, la multimillionnaire autrichienne Marlène Hegelhorn, le secrétaire général d’Oxfam Danemark Lars Koch, le chef économiste de la Confédération finlandaise des professionnels (STTK) Lainà Patrizio…
Cette diversité socio-professionnelle a particulièrement été recherchée, souligne l’eurodéputée Place Publique.
« Nous voulions que le panel de personnes déposant l’ICE soit représentatif de la population, pour montrer à la Commission qu’un consensus est en train de se créer au niveau européen, d’autant plus que 67 % de la population de l’UE pense qu’il faut taxer la fortune. »
C’est que, du fait du décrochage de l’inflation par rapport aux salaires, cette question prend de plus en plus d’espace dans l’opinion publique.
« Il y a un véritable ras-le-bol de l’injustice fiscale et de ces deux systèmes de taxation parallèles : celui de Monsieur et Madame tout le monde, qui travaillent, paient leurs impôts là où ils sont domiciliés et ne vivent pas dans l’opulence ; et celui pour les grandes fortunes, qui ont la capacité d’avoir des avocats fiscalistes mettant en place des stratégies de contournement et qui, finalement, payent beaucoup moins d’impôts et accumulent du capital », analyse Aurore Lalucq.
« La taxation minimale des multinationales? C’est l’Europe.
La lutte contre les sociétés écrans? L’Europe.
La taxe sur les superprofits ? Encore et toujours l’Europe. » pic.twitter.com/EmraLd0Xt3
— Aurore Lalucq 🇪🇺 (@AuroreLalucq) September 15, 2023
L’un des derniers moyens pour financer la transition écologique…
Pourquoi ?
« Car pour financer la transition écologique, l’UE a besoin de ressources propres conséquentes. Or, pour l’instant, malgré le fait qu’elle soit la première puissance économique mondiale, l’UE n’a pas le ‘budget’ suffisant pour mettre en place des politiques de soutien » poursuit Aurore Lalucq.
Que ce soit au niveau européen ou au niveau national, la transition écologique s’impose comme une nécessité immédiate. Du développement des énergies renouvelables à la modernisation des réseaux de transports, en passant par le soutien aux ménages les plus précaires pour l’acquisition de voitures électriques ou la rénovation thermique des logements, les besoins sont énormes.
« D’autant plus que 60 % des investissements dans la transition écologique ne sont pas rentables à court terme, ce qui signifie qu’il va nous falloir une puissance publique en capacité d’investir et que les grandes fortunes participent davantage au budget de l’État », analyse Aurore Lalucq.
L’objectif de l’ICE est donc véritablement de recréer de la solidarité.
« La transition écologique doit être sociale, sinon elle échouera » finit-elle par conclure.
Si celle-ci vient à être adoptée, trois interventions législatives seraient alors nécessaires : la mise en place d’une stratégie commune afin de mener une action coordonnée pour éviter le dumping fiscal ; l’élargissement du système de ressources propres de l’UE au nouvel impôt ; le renforcement des fonds pour la facilité et la résilience, pour le Green Deal et la politique de cohésion afin de permettre le financement de la transition écologique.
L’ICE a maintenant un an pour réunir à minima 1 million de signatures, afin de permettre une saisine de la Commission. Un rendez-vous à ne pas manquer !