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Stocamine : la justice suspend l’enfouissement des déchets toxiques

Le rapporteur public, Stéphane Barreaux, a exigé son annulation pure et simple. Les MDPA devront ainsi verser un dédommagement aux associations Alsace Nature, à la CLCV et à la collectivité européenne d’Alsace d’une hauteur de 3000 euros chacune.

Le vendredi 15 octobre, les juges de la Cour d’appel de Nancy ont rendu leur décision : l’arrêté préfectoral autorisant le confinement des 42 000 tonnes de déchets toxiques enfouis par la filiale StocaMine, à Wittelsheim (Haut-Rhin), est annulé. L’exploitant, la société Mines de potasse d’Alsace, devait couler les premiers mètres cubes de béton pour former une zone étanche cet automne. Les travaux sont dorénavant suspendus. Une victoire pour les habitants opposés au projet. L’enfouissement menaçait l’une des plus grandes nappes phréatiques d’Europe.

42 000 tonnes de déchets toxiques

Filiale de la société Mines de potasse d’Alsace (MDPA) détenue par l’État, StocaMine a été aménagée en centre de stockage de déchets toxiques et dispose de galeries situées à -535 mètres, sous 300 mètres de sel.

Entre février 1999 et septembre 2002, un peu plus de 44 000 tonnes de déchets dangereux ou toxiques y ont été stockés, jusqu’à la déclaration d’un incendie qui à mis fin à l’exploitation. Le feu a duré deux mois.

Entre 2015 et 2017, 3000 tonnes des déchets mercuriels (parmi les plus toxiques pour les eaux souterraines) sont retirées des galeries minières et sont envoyées en Allemagne pour être stockées dans des mines de sel. Aujourd’hui, 42 000 tonnes de déchets industriels sont toujours enfouies sur place (arsenic, amiante, résidus d’incinération), et les conditions des opérations sont rendues difficiles par des mouvements de terrain.

En effet, la mine se referme sur le sous-sol d’environ un centimètre par an, ce qui entraine des difficultés exponentielles dans la gestion et le déroulement des travaux. L’urgence est de plus en plus grande chaque jour.

Le Bureau de recherches géologiques et minières a mené une étude en 2019 : à partir de 2029, le déstockage risque d’être infaisable dans certaines zones à cause des dangers liés à la géomécanique. Ils établissent la fermeture du site en toute sécurité sur 7 à 8 ans au plus tard.

Le déstockage est encore possible, mais il doit être immédiat, et commencer au maximum en 2022.

La décision est d’autant plus impérative que l’enfouissement se situe juste en dessous de la nappe rhénane, la plus grande nappe phréatique d’Europe. Etienne Chamik, mineur retraité, présentait en 2017 pour le journal Reporterre les potentiels en vue de la nature friable du terrain :

« De l’eau va s’infiltrer dans les galeries, se mélanger aux déchets toxiques et envahir toute la mine. Ensuite, cette eau polluée va remonter jusqu’à la nappe phréatique située au-dessus »

Les MDPA reconnaissaient à l’époque que l’ennoiement était inévitable, mais annonçaient qu’un barrage allait être construit pour retarder de plus de mille ans la sortie de la saumure polluée. Mais cette méthode n’a encore jamais prouvé être efficace, en plus d’être une bombe à retardement.

Les galeries dans les mines en Allemagne, où ont été restockés les déchets, sont plus stables, bien que le stockage souterrain soit difficilement contrôlable. Un membre de la CFDT préconise des stockages en surface en ce qui concerne les déchets de classe 1.

Lire aussi : Stocamine : 42 000 tonnes de déchets toxiques définitivement enfouis par le gouvernement

Une victoire pour la population

Le jugement rendu le 15 octobre donne raison au département du Haut-Rhin, à la Collectivité européenne d’Alsace, à la région Grand Est, à l’association de défense de l’environnement Alsace Nature et à la confédération CLCV (Consommation Logement Cadre de vie).

L’arrêté préfectoral du 23 mars 2017 autorisait de nouveau le stockage des 42 000 tonnes de déchets « pour une durée illimitée ». Le rapporteur public, Stéphane Barreaux, a exigé son annulation pure et simple. Les MDPA devront ainsi verser un dédommagement aux associations Alsace Nature, à la CLCV et à la collectivité européenne d’Alsace d’une hauteur de 3000 euros chacune.

La Cour administrative d’appel de Nancy estime que les MDPA, en liquidation depuis 2009, ne disposent pas des capacités financières pour mener à bien le projet, notamment de la surveillance nécessaire du site sur le long terme et la possibilité d’intervenir en cas de besoin.

Le président de la Cour précise que la société a indiqué que le financement s’opérait seulement sur des subventions, sans préciser leur origine ou leur montant. Les juges considèrent également que le public, notamment en Allemagne, n’a pas été suffisamment informé des conditions de stockage et des risques depuis l’incendie de 2002.

La Collectivité européenne d’Alsace, au côté des associations locales et des régions du Grand Est, demandent désormais que les questions d’information et de financement pour la sécurisation du site soient remises en avant :

« Nous demandons à disposer d’éléments précis sur la montée de l’eau et sur ce qui se trouve exactement au fond de la mine. Il est possible de déstocker sans risquer de vies humaines, avec des machines, et la collectivité est prête à s’impliquer », explique Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace.

D’après François Zind, avocat d’Alsace Nature : « Sans déstockage des déchets, nous ne maîtrisons pas les conséquences sur l’eau. Il nous est impossible de nous résigner à laisser un tel héritage aux générations futures. »

La nappe phréatique rhénane prodigue 75% des besoins en eau potable d’Alsace, et alimente 7 millions d’européens en eau potable. Ce revirement est donc un soulagement mais qui nécessite aussi pour les militants, le collectif Destocamine, la création d’un groupe de travail solide.

Jean Rottner, le président de la région Grand Est, estime que la décision de la Cour « repose avec force la question des moyens octroyés à la sécurisation du site et de nature à préserver l’intégrité de la nappe phréatique dans le temps. A l’évidence, l’engagement financier de l’État doit être réévalué et confirmé. L’État doit assumer toutes ses responsabilités ».

De son côté, le gouvernement a annoncé, ce lundi, son intention de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État.

crédit photo couv : Capture d’écran d’une vidéo des Mines de potasse d’Alsace (MDPA)

Maïté Debove

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