Le Costa Rica se pose en pionnier et en modèle de la protection de la biodiversité. Ce petit pays de 51 000 km carrés et moins de 5 millions d’habitants abrite à lui seul 6 % de la biodiversité mondiale, du fait de sa position géographique entre les deux Amériques. Forêts pluviales, mer Caraïbe d’un côté, océan Pacifique de l’autre, c’est 30 % du territoire qui est classé en zone protégé. La protection de ce patrimoine naturel est une priorité de longue date pour ce pays stable politiquement.
Le pays a investi massivement dans les énergies renouvelables. En 2015, pendant 75 jours, c’est 98 % de l’énergie du pays qui a tourné uniquement sur ces énergies, exploit renouvelé en 2016 et 2017. L’objectif de devenir le premier pays à énergie neutre en 2022 ne semble pas si loin. Mais comme tout n’est jamais vert, si on retourne la carte postale, on se rend compte que le pays a encore beaucoup à faire sur le traitement des déchets et la pollution dans les villes que l’agriculture intensive notamment de l’ananas dont le Costa Rica est le premier producteur au monde, et que l’écotourisme est encore un tourisme… de masse.
La première source de développement économique du pays est le tourisme “vert”, “durable” ou “écotourisme”. La nature fait vendre et attire de nombreux touristes, avides de capturer dans leur smartphone l’image de la faune exceptionnelle du pays. Et c’est ainsi que les dérives commencent. Le gouvernement vient de lancer une campagne visant à sensibiliser les touristes au danger des selfies avec les animaux sauvages.
En Amérique latine, 50 % des attractions touristiques proposent des moments de captation avec des animaux sauvages, dont 60 % sont en danger. Ces pratiques sont considérées comme des mauvais traitements.
La campagne du gouvernement indique que désormais le contact direct avec la faune sauvage est interdit. Cet été, National Geographic publiait une enquête poignante montrant les conditions de détention des animaux dans l’industrie du tourisme, dans des pays comme le Thaïlande. Les attractions touristiques avec les animaux représentent 10 % de l’industrie touristique mondiale.
Or si le Costa Rica semble à l’opposé de la Thaïlande dans la protection de la biodiversité, il reste le 7ème pays mondial producteur de selfie animaliers. Les agences touristiques attirent les animaux sauvages avec de la nourriture et les immobilisent pour que les touristes venus consommer la nature puissent prendre des photos.
Si une telle mesure de pénalisation du selfie animalier doit être prise par un gouvernement, c’est que nous sommes arrivés dans un monde où la protection de la biodiversité devient un business, et la faune sauvage un bien de consommation comme un autre. Sur youtube, la version anglophone de la campagne du gouvernement pour interdire les selfies sur les animaux a été visionnée 700 fois. Une vidéo anglophone également sur comment prendre un selfie avec un animal a été visionnée 200 000 fois. Cela se passe de commentaire.
Image à la une : SONNY TUMBELAKA / AFP