Une enquête d’Investigate Europe révèle comment plus de 600 eurodéputés, dont 81 français, bénéficient d’un complément de retraite indécent sur le dos des contribuables européens, grâce à un fonds de pension situé au Luxembourg. Certains touchent jusqu’à 13 700 euros par mois. En pleine crise sociale causée par la réforme des retraites, quelques-uns de ses défenseurs profitent pourtant ou vont profiter de retraites énormes tels que Brice Hortefeux, Jean-Pierre Raffarin et Marine Le Pen.
A la base de ces révélations, le « Fonds de pension volontaire des eurodéputés » (FPV) créé en 1991 dans les débuts du Parlement européen, lorsque certains députés européens n’avaient que de faibles pensions nationales. En 2009, un système commun à tous avait été mis en place, mais le FPV est resté en vigueur et certains n’ont pas hésité à en tirer profit.
Aujourd’hui, près de 660 eurodéputés bénéficieraient de ce fonds, majoritairement financé par de l’argent public. En effet, « pour chaque euro cotisé par un eurodéputé, deux euros sont sortis directement du budget général du Parlement » détaille Mediapart qui a participé à l’enquête.
« Au total, 118 millions d’euros ont été tirés de la poche des contribuables européens. D’après nos calculs, 27,8 millions d’euros des seuls contribuables français ».
Le fonds est tellement rentable pour les eurodéputés qu’il leur permet parfois de doubler leur retraite et toucher jusqu’à 13 640 euros par mois (6 866 euros de retraite « classique » + 6 774 du FPV). Un eurodéputé exerçant ses fonctions perçoit un salaire net mensuel de 7 647 euros, et le fonds de pension est cumulable avec d’autres mandats européens comme les potes de commissaires ou hauts fonctionnaires.
Parmi les bénéficiaires se trouvent 81 anciens et actuels eurodéputés français, ainsi qu’une petite partie d’ayants droits, dont d’anciens députés ou sénateurs français qui bénéficient pourtant déjà d’indemnités ou d’une retraite confortable grâce à leurs mandats nationaux.
On retrouve ainsi les anciens ministres Michèle Alliot-Marie et Brice Hortefeux. Ce dernier, actuel eurodéputé Les Républicains (LR) est un ardent défenseur de la réforme des retraites française. Tout comme Jean-Pierre Raffarin, qui avait conduit sa propre réforme des retraites et trouve celle de Macron « insuffisante », tout en profitant aujourd’hui de ce fonds de pension financé par les contribuables européens.
Les Le Pen en profitent en famille : Marine touchera 6 246 euros par mois de Bruxelles, en plus de ses retraites françaises ; tandis que son père Jean-Marie est l’un des pensionnaires les plus grassement rémunérés, après 35 ans de mandats européens, avec 13 674 euros nets par mois (en plus de ses pensions françaises également).
Un comble alors que Jean-Marie Le Pen est l’eurodéputé français ayant le moins participé aux séances plénières lors de son dernier mandat, et que l’extrême-droite française est connue dans le pays pour critiquer le coût de l’Union européenne, tout en utilisant sans vergogne les fonds publics européens pour leur profit personnel.
Les membres de l’hémicycle européen autoproclamés de gauche n’en sont pas moins retors comme Harlem Désir, fondateur de SOS Racisme et eurodéputé pendant 15 ans, ou Jack Lang, ancien ministre et actuel patron de l’Institut du monde arabe.
Ironie de la situation, Nigel Farage, l’un des principaux acteurs anglais du Brexit, fait ainsi partie des plus importants bénéficiaires du fonds, devrait toucher 13 700 euros par mois d’ici six ans bien que le Royaume-Uni de fasse plus partie de l’Union Européenne.
Comble de l’histoire, le FPV est un fonds basé dans le paradis fiscal du Luxembourg et gère des dizaines de millions d’euros d’actifs avec des placements dans des multinationales telles que TotalEnergies, Carrefour, Danone, L’Oréal, LVMH et la Société générale.
Malgré cette évasion fiscale, les retraites versées par ce fonds de pension sont tellement colossales qu’il est aujourd’hui en déficit de « 308 à 313 millions d’euros », et risque même la faillite pour la fin de l’année 2024 ou 2025.
L’occasion pour le Parlement européen de mettre un terme à cette injustice sociale et accaparement des deniers publics ? Que nenni ! Dans chacun des scenarii envisagés, les plans de sauvetage comptent encore sur le budget du Parlement européen, voire que ce dernier règle la note totale ce qui porterait la contribution française s’élèverait à 57 millions d’euros.