L’usage du plastique dans les cantines est interdit par la loi depuis le 1er janvier 2025. Mais un projet de décret du gouvernement, mis en consultation publique jusqu'au 14 mars, veut réautoriser la vaisselle en plastique réutilisable dans les cantines scolaires et les crèches. Associations et professionnels de la santé dénoncent un retour en arrière dangereux pour les enfants.
Plastique dans les cantines, un danger pour les enfants
Depuis le 1er janvier 2025, les lois EGALIM, de 2018, et AGEC, de 2020, interdisent l’utilisation de « contenants alimentaires de cuisson de réchauffe et de service en matière plastique » dans les crèches, les services de pédiatrie et petite enfance, les écoles et les universités.
Mais un projet de décret, en consultation publique jusqu’au 14 mars, veut réautoriser la vaisselle en plastique réutilisable et pour tous « les contenants servant à la consommation des plats ». Ce retour en arrière sanitaire a provoqué les foudres de la population. Malgré de multiples bugs informatiques qui ont gêné la concertation publique, plus de 8000 contributions, majoritairement défavorables, ont été déposées sur le projet de décret.
« NON ! Le plastique est un risque sanitaire pour nos enfants » ou « Il devient insupportable de constater des retours en arrière systématiques concernant toutes les petites avancées en matière d’environnement et de santé publique » peut-on ainsi lire sur le site du Ministère de la Transition Écologique.
Pour cause, ces avancées environnementales et sanitaires avaient été durement obtenues par des associations, collectifs de parents et professionnels de la santé pour arrêter les barquettes en plastique dans les cantines et repasser par l’inox et d’autres matériaux plus sains.
« Au-delà de leur impact environnemental, les conséquences sanitaires de manger dans du plastique sont très nombreuses et les risques sont pléthoriques. Il y a systématiquement un risque de migration des perturbateurs endocriniens avec les aliments chauds et froids, d’autant plus si les aliments sont gras ou acides ou les deux. Typiquement, une salade de tomates avec une vinaigrette ou de la mozzarella va favoriser la migration. En plus, cette vaisselle va très vite se dégrader et s’user ce qui expose les enfants au risque de manger des morceaux de plastique » explique Tania Pacheff, porte-parole de Cantine Sans Plastique, biochimiste spécialisée en santé environnementale, pour La Relève et La Peste
Surtout, la vaisselle en plastique n’est apparue dans les cantines qu’il y a seulement une trentaine d’années. Les vieilles habitudes pourraient donc être reprises, et le jeu des enfants pour connaître leur âge au fond d’un verre retrouvé.
Tableau de Santé Publique France, Étude PEPS’PE : priorisation des effets sanitaires à surveiller dans le cadre du programme de surveillance en lien avec les perturbateurs endocriniens.
Un retour en arrière orchestré par les lobbys
Tout aussi préoccupant, malgré les demandes répétées des associations depuis 2017, le gouvernement refuse de faire un état des lieux pour avoir des chiffres clés sur le nombre d’écoles concernées par l’usage du plastique malgré la loi. « Pourtant, Emmanuel Macron était déjà au pouvoir quand ces lois ont été adoptées » rappelle Tania Pacheff.
« Cette loi a été voté il y a plus de 7 ans. On l’attendait, on comptait les années pour qu’elle soit applicable, et là, en moins de 6 semaines, après la date d’application, on a cette attaque, avec le même gouvernement en plus ! Le même Président ! On a l’impression qu’il y a une incohérence totale entre des décisions prises à un moment avec des dates lointaines, et quand elles arrivent, elles sont vidées de leur substance » dénonce Tania Pacheff
Le gouvernement s’est justifié en arguant avoir anticipé les éventuels recours du lobby du plastique, notamment Plastalliance dont « le sport national est d’attaquer tous nos décrets qui visent à limiter l’usage du plastique », selon les propos du cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, rapportés par LeMonde. Un comble de voir que le législateur ne réussit pas à faire appliquer ses propres lois, même quand la temporalité définie laissait largement le temps aux collectivités de s’organiser.
« Le risque, c’est qu’ils reviennent ensuite en arrière pour d’autres objets que la vaisselle, comme les barquettes de cuisson ! Cela fait des années que nos enfants sont des cobayes et ça va continuer ! Là, tout le monde est en colère : les parents, les scientifiques, les chercheurs, les soignants. Aujourd’hui, toutes les communautés reconnaissent la nocivité du plastique sur la santé humaine » s’inquiète Tania Pacheff, biochimiste spécialisée en santé environnementale, auprès de La Relève et La Peste
Autre signal de l’incohérence de l’exécutif, le gouvernement mène actuellement une politique sanitaire sur les « 1000 premiers jours de l’enfant, une période clef pour le développement de l’enfant, sa santé et celle de l’adulte qu’il deviendra ». Parmi les recommandations gouvernementales sur le livret à l’attention des parents : « éviter au maximum le contact avec des substances controversées ».
« C’est complètement antinomique de dire qu’il faut protéger les tous petits, utiliser des biberons en verre mais laisser ensuite les enfants manger avec des couverts en plastique. Là, on a les moyens d’avoir un effet sur des millions d’enfants en laissant le texte intact et en le sécurisant » relève Tania Pacheff, porte-parole de Cantine Sans Plastique, auprès de La Relève et La Peste
Plutôt qu’un retour en arrière, les professionnels de la santé et les collectifs de parents souhaitent renforcer la législation. Pour eux, il faudrait interdire dans les supermarchés les petits-pots en plastique destinés aux bébés afin de leur éviter des effets sanitaires délétères.