C’est un soulagement énorme pour François et Anne. La justice a tranché : les cabanes du Lavandou, dans lesquelles ils vivent depuis bien longtemps, ont le droit de perdurer ! Une belle victoire pour ces cabanes compostables et les défenseurs de l’habitat léger.
La répression de l’habitat léger
Le 4 juillet, le tribunal correctionnel de Brive a tranché : les Cabanes des Sources du Lavandou ont bien le droit d’exister ! Depuis 2018, le maire de la commune avait pris en grippe ces cabanes, inquiet de voir de nouveaux habitants y apprendre l’auto-construction et la vie en habitat léger.
Pourtant, François était connu de longue date dans le village pour l’occupation originale qu’il avait fait de ce terrain agricole dont il est propriétaire. Après un premier projet de maraîchage dans les années 90, François s’est intéressé à l’autonomie au fur et à mesure de ses pérégrinations, notamment après une expérience de vie dans la communauté de Beneficio, en Andalousie.
« J’ai commencé par créer une petite cabane dans laquelle j’ai vécu seul pendant 10 ans. Pour la construire, j’ai dû oublier tous les outils techniques élaborés que la société nous proposait pour ne faire qu’avec mes mains. Dans le silence et dans la paix, avec le muscle, le cœur et les poumons, en toute légèreté et discrétion, plusieurs cabanes se sont construites ainsi pour accueillir des gens issus du Rainbow Gathering, une communauté hippie. C’est pour ça que c’était vraiment surprenant que le maire s’en prenne à nous 15 ans après. J’avais plutôt bonne réputation sur la commune pour donner des coups de main aux paysans » raconte François pour La Relève et La Peste
Entre 2018 et 2021, les habitants du Lavandou ont pourtant subi une pression terrible de la part des autorités : armada de gendarmes, hélicos survolant son terrain, dénonciation, annonces médiatiques du maire disant qu’ils allaient se faire expulser… Puis, un temps d’accalmie a eu lieu, jusqu’au procès. Pour Jonathan Attias, ancien habitant du lieu, cette poursuite en justice serait corrélée avec la « charte anti-cabanisation » lancée par le préfet de Corrèze en octobre 2023.
« On a seulement eu 1 mois pour se préparer. On sentait la volonté politique d’aller très vite dans l’affaire. Heureusement, l’avocat Paul Jouty a fait un travail formidable, raconte le co-créateur de la Désobéissance Fertile pour La Relève et La Peste. François n’a pas été jugé sur le fond mais sur la forme. Aujourd’hui, les tribunaux sont complètement dépolitilisés. Là, on parle d’un petit gars qui doit faire face à des pressions financières et policières pour l’empêcher de vivre paisiblement dans la forêt. Non seulement ils ont déployé ces moyens-là mais ils ont perdu. Cette affaire en dit long sur deux visions du monde qui vivent en parallèle et ne se mélangent pas. Savoir que François va pouvoir continuer à poursuivre son rêve, c’est hyper précieux. »
Pour défendre le droit à l’habitat léger, Jonathan et sa compagne Caroline ont créé la Désobéissance Fertile, «un mouvement dont la volonté absolue est de préserver les êtres vivants ». La Désobéissance Fertile a ainsi accompagné François dans la protection de son lieu enchanteur.
Une victoire de cabanes
François a été considéré comme non-coupable, car juridiquement les faits dont il était prévenu étaient considérés comme prescrits. Cela faisait plus de six ans que ses cabanes sont construites.
« La prescription c’est le fait qu’on considère que juger et punir quelqu’un pour quelque chose qui est trop ancien fait plus de mal que l’infraction elle-même. En regardant le dossier, la présidente elle-même a relevé que la procédure avait été menée en dépit du bon sens. Ils ont fait les choses de manière bizarre, normalement le maire aurait dû dresser un PV pour démontrer les infractions mais il était absent de la procédure et n’a été transmis par la mairie que la veille de l’audience. A mon sens ils n’apportaient pas la preuve que les cabanes étaient suffisamment grandes pour être soumises à l’obligation de déclaration de construction » explique l’avocat Paul Jouty pour La Relève et La Peste
Ces cabanes démontables et biodégradables sont très discrètes. Construites en foin et en terre, elles n’ont jamais rien coûté. François et ses amis récupéraient un peu de bâche aux agriculteurs locaux pour faire l’étanchéité.
« Cela a simplement demandé beaucoup de main d’œuvre et de plaisir. C’est à la fois une simplicité et un confort de vie. On sort de la cabane, le paradis est devant nous, sur le perron. Une ambiance et une atmosphère paisible est là. On sait qu’on a seulement le paysage à s’occuper, en plantant des arbres comme des vergers ou des parcelles forestières, confie François pour La Relève et La Peste.
Dans la nature presque sauvage, j’y trouve ma santé et mon bonheur. C’est un lieu de création et de réjouissance, la nature n’est plus hostile ni hermétique, elle est source d’une grande famille d’arbres, de plantes, de connaissances, de choses familières et de présence aimante »
Si la décision du procès ne fera pas jurisprudence, elle est quand même une source d’espoir pour celles et ceux qui aspirent à vivre sobrement.
Ses « cabanoiseaux », comme les appelle François, ont encore de beaux jours devant elles.