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Pour la première fois, une course de voiliers respecte des zones de protection pour les cétacés

La surface étant normalement un lieu de repos et de respiration pour les cétacés (qui plongent, nagent et chassent en apnée), ils n’ont pas l’habitude de devoir fuir à ces endroits.

L’Arkéa Ultim Challenge, un tour du monde en solitaire à la voile lancé le 7 janvier, s’attaque à un sujet tabou : les collisions des cétacés avec les bateaux. Pour la première fois dans le monde des courses au large, cet événement maritime a créé des zones de protection afin d’éviter aux cétacés de mourir sous les coques tranchantes des navires.

Des collisions mortelles avec les navires

Ils sont rapides, puissants et … tranchants. En mer, la multiplication des courses à la voile s’accompagne avec un phénomène peu connu : l’augmentation des collisions avec les cétacés et la faune marine qui meurent parfois à cause des bateaux.

Ferries, cargos et navires militaires sont bien connus pour les dégâts qu’ils peuvent causer sur les cétacés, comme pour la Baleine franche désormais en danger critique d’extinction à cause des collisions avec les bateaux. Les bateaux à voile, utilisés pour les courses au large, sont plus rarement pris en compte.

Les navires de l’Arkéa Ultim Challenge, un tour du monde en solitaire à la voile lancé le 7 janvier, rentrent pile dans la catégorie des engins maritimes mortels pour la faune sauvage. Les maxi-trimarans de la classe « Ultime » peuvent dépasser les 40 nœuds, soit 74 km/h. Or, comme pour les voitures, plus les bateaux vont vite, plus les chocs sont violents.

Le design et les prouesses technologiques des navires de course sont également à prendre en compte. Les « foils », ces ailerons affilés qui permettent aux bateaux de voler sur la surface de l’eau, deviennent de véritables lames de rasoir qui peuvent couper des requins en deux lorsque les trimarans sont lancés à pleine vitesse.

Le 6 décembre 2016, le navigateur Kito de Pavant a ainsi percuté un cachalot alors qu’il participait à la huitième édition du Vendée Globe. Son bateau a carrément coulé ce jour-là, et le marin a été sauvé par le navire scientifique Marion Dufresne qui était en mission.

Mais la plupart du temps, les bateaux rentrent au port avec un peu de casse tandis que les animaux marins sont mortellement blessés. En 2011, le skipper amateur Jean-Baptiste L’Ollivier a ainsi percuté violemment une baleine qui dormait. Le navigateur a tout de suite observé du sang s’épandre autour de l’animal.

Encore tabou parmi les skippers, le phénomène est difficilement quantifiable. Fabian Ritter, directeur de recherche au sein de l’association de protection des mammifères marins Meer.ev, a répertorié dans une étude de 2012 81 collisions et 42 quasi-accidents entre 1966 et 2008. Ces événements se sont produits le plus souvent lors de courses et de régates, et étaient plus fréquents dans l’Atlantique Nord.

Notre confrère Reporterre a de son côté recensé 51 collisions entre 2008 et 2022, rendues publiques car elles ont occasionné des dommages importants sur les bateaux. Le nombre réel des chocs mortels pour la faune marine pourrait être en réalité beaucoup plus élevé mais les skippers ne veulent pas passer pour des « tueurs de baleines ». Certains marins préfèrent ainsi mentionner des collisions avec des « ofni » (objets flottants non identifiés) plutôt que rapporter les chocs observés avec la faune maritime.

bébé baleine blessé

Baleine noire de l’Atlantique Nord, un bébé 2024 de Juno (#1612) blessé a été vu avec des blessures à la tête, à la bouche et à la lèvre gauche compatibles avec une collision avec un navire. Crédit : Forever Hooked Charters de Caroline du Sud – NOAA

Des zones de protection pour les cétacés

Les collisions avec les navires ne sont pas la seule menace qui pèse sur les créatures de l’Océan : dérèglement climatique, filets dérivants, pollution plastique, chimique et sonore et désoxygénation de l’eau sont autant de phénomènes qui mettent en danger les espèces. Or, à l’instar de la baleine franche, certaines espèces sont en danger critique d’extinction. Chaque individu compte.

Les baleines à bosse et les cachalots semblent être particulièrement vulnérables à ce type d’accidents. La surface étant normalement un lieu de repos et de respiration pour les cétacés (qui plongent, nagent et chassent en apnée), ils n’ont pas l’habitude de devoir fuir à ces endroits ainsi que nous l’explique le bioacousticien Hervé Glotin dans notre livre-journal « Océans ».

Pour réduire au maximum les risques de collision entre les Ultims et la mégafaune marine, l’Arkea Ultim Challenge a donc décidé de respecter des Zones de Protection des Cétacés (ZPC) à plusieurs endroits de son parcours.

« Le consortium scientifique Share the Ocean a défini ces zones à partir de critères scientifiques, de modélisations statistiques et des collisions rapportées. Ces Zones de Protection des Cétacés visent à sauvegarder la mégafaune marine qui participe au bon fonctionnement des écosystèmes et au maintien de la biodiversité. Cela participe également à la sécurité des marins de l’ARKEA ULTIM CHALLENGE-Brest et de leurs bateaux » expliquent les organisateurs dans un communiqué

Parmi elles : les Açores, les Canaries, le Cap Vert, le Cap de Bonne Espérance, l’île de Kerguelen et le Cap Horn au large desquels les cétacés peuvent former de grands groupes qui s’étendent sur plusieurs kilomètres.

Les zones choisies sont bien souvent « à la fois des zones de reproduction, d’alimentation et de passage sur la route migratoire, lorsque les animaux migrent entre les eaux arctiques durant l’été boréal pour se nourrir et les eaux tropicales durant l’hiver boréal pour se reproduire ».

In fine, les cétacés invitent un microcosme obsédé par la performance et à l’impact carbone exponentiel à revoir leur logiciel de pensée et renouer avec leur amour originel du milieu marin. Certains l’ont déjà compris, comme le jeune skipper Titouan Pilliard que nous interrogions dans nos colonnes en décembre 2023.

Laurie Debove

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