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Ourse tuée en Ariège : enquête ouverte pour « chasse illégale dans une réserve »

Ce drame est arrivé dans une zone considérée comme étant le « noyau central » de la présence des ursidés dans la Région, où l’on dénombrerait la présence d’une quarantaine d’ours, sur les 70 à 80 présents sur l’ensemble du massif pyrénéen.

Six jours après la mort d’une ourse à Seix (Ariège), le parquet de Foix a ouvert une information judiciaire contre X pour « destruction d’une espèce protégée » et « chasse illégale dans une réserve ». L’ourse avait été tuée par un chasseur, qui a été gravement blessé aux jambes par l’animal puis hospitalisé. Cet accident, le premier du genre depuis la réintroduction de l’ours dans les Pyrénées françaises, a relancé un vif débat au sein de la population locale sur la cohabitation avec les grands carnivores. L’enquête judiciaire doit faire toute la lumière sur l’affaire.

Une enquête judiciaire

La substitut du procureur Léa Filippi a provoqué la surprise en annonçant l’ouverture d’une information judiciaire contre personne non dénommée (contre X) par le parquet de Foix suite à la mort de l’ourse et à de premières investigations sur les blessures que l’animal aurait porté au chasseur, responsable du tir létal, en l’attaquant.

En cause : « l’action de chasse, au cours de laquelle le tir létal de l’ours s’est produit » s’est déroulée, au moins en partie, dans la zone de la réserve Domaniale du Valier qui est normalement soumise à des restrictions du droit de chasse et régie par l’Office National des Forêts.

« Cette Information Judiciaire pour un délit et deux contraventions à ce stade, va confier la poursuite des investigations à l’autorité d’un juge d’instruction et  doit nous permettre de faire la lumière sur l’intégralité des événements : qu’il s’agisse de l’action de la personne blessée ou de l’action de chasse elle-même et des déclarations des uns et des autres » a poursuivi Mme la substitut qui précise qu’« à ce stade l’information judiciaire est ouverte contre personne non dénommée, cela signifie que nous ne retenons pas de responsabilité pénale. »

Le délit de destruction d’une espèce protégée est passible de 3 ans de prison et de 150 000 euros d’amende. La contravention de 5e classe du code de l’environnement, relative à la chasse, est quant à elle passible de 1500 euros.

Ours brun dans les Pyrénées – Crédit : Tourisme Couserans Pyrenees

Les circonstances de l’accident

Cette nouvelle information judiciaire doit rétablir la vérité et le déroulé précis des faits sur l’altercation entre l’ourse et le chasseur, déterminer si le chasseur a tiré avant ou après avoir été mordu par l’ourse et surtout s’il avait vraiment le droit de chasser dans cette zone de la montagne, ou non.

Dans le secteur dit « du Couserans », le 20 novembre en milieu d’après-midi, l’homme, âgé de 70 ans, participait à une battue de sangliers dans une zone très escarpée à plus de 1 200 m d’altitude quand il se serait retrouvé entre une ourse et ses deux oursons.

Selon le président de la fédération de chasse de l’Ariège, et le témoignage de son fils pour LaDepeche, le chasseur aurait été attaqué par derrière par l’ourse, qu’il n’aurait pas vu venir, puis trainé sur 15 mètres, avant d’abattre l’ourse par deux coups de feu.

Le médecin légiste mandaté par le parquet de Foix a confirmé la présence de morsures au niveau de la cuisse gauche, au niveau du tibia et au mollet de la jambe droite sur le chasseur. A droite, ces blessures ont entraîné une fracture.

L’autopsie de l’ourse a révélé que la plantigrade avait succombé quasi instantanément à un seul impact de balle « qui a occasionné des blessures invasives des deux poumons et une perforation de la trachée, soit une mort quasi immédiate ».

La substitut du procureur Léa Filippi a pointé du doigt cette mort instantanée face à la déclaration des deux coups de feu, et souhaite que l’information judiciaire fasse la lumière sur les propos des différents témoins. Le blessé, conduit à Purpan, a également pu être auditionné sans que ses propos aient été rendus publics pour l’heure.

Ourson – Crédit : Janko Ferlič

Polémique autour de la cohabitation

Cet accident a ravivé la vive polémique qui divise profondément les habitants de l’Ariège, et des Pyrénées, entre ceux qui sont anti-ours et ceux qui prônent pour une cohabitation apaisée et intelligente avec les grands carnivores.

Dès le lendemain de l’accident, Christine Tequi, la présidente du conseil départemental de l’Ariège, a réagi en expliquant que « la présence de l’ours est un problème. »

« C’est un problème sur l’activité pastorale et c’est un problème parce qu’ils se sont reproduits et qu’il y a des ours en grand nombre sur ce secteur et qu’aujourd’hui on n’est jamais sûrs de ne pas les rencontrer ». Elle dénonce « une mise en danger de la population »

Pourtant, c’est la première fois qu’un tel événement se produit, avec un humain blessé par un ours, depuis les programmes de sauvegarde de l’espèce dans les Pyrénées il y a une cinquantaine d’années. Un constat mis en avant par les associations de protection de la faune sauvage qui rappellent que les attaques surviennent uniquement quand l’animal se sent menacé.

Ce drame est arrivé dans une zone considérée comme étant le « noyau central » de la présence des ursidés dans la Région, où l’on dénombrerait la présence d’une quarantaine d’ours, sur les 70 à 80 présents sur l’ensemble du massif pyrénéen, selon le dernier bilan dressé par l’Office français de la biodiversité (OFB).

Pourtant, même avec une population plus importante de plantigrades sur un secteur donné, une cohabitation apaisée avec les grands carnivores est possible, ainsi que le rappellent de nombreux scientifiques et associations de protection de l’environnement, comme Ferus.

« Des règles doivent être respectées pour la chasse en battue en zone à ours, même si des blessures peuvent être occasionnées par d’autres mammifères dans des circonstances similaires. C’est le respect de ces règles qui a permis récemment une conclusion heureuse à la présence dans une battue de l’ourse Sorita, accompagnée de ses trois oursons, en Béarn. Rappelons surtout que la province des Asturies, en Espagne, a montré la compatibilité de la chasse en battue avec la présence de 300 ours dans la chaîne des Cantabriques, par la prise en compte de mesures adéquates. »

En matière de prédation, l’humain n’a rien à envier aux grands carnivores. Si depuis deux ans, les incidents se multiplient effectivement dans la région entre l’homme et l’ours, c’est le plus souvent au détriment de la faune sauvage.

Depuis seulement 2020, il s’agit du quatrième ours tué dans le massif des Pyrénées [deux en Espagne et deux en France] et les trois premiers l’ont été en tout illégalité, sans donner systématiquement suite à des mises en examen.

Lire aussi : Les éleveurs qui s’entendent avec les ours subissent des menaces

Pour cause, les pouvoirs publics locaux prêtent généralement une oreille plus attentive aux manifestations virulentes des anti-ours, en se peu montrant peu regardantes sur l’attribution de la responsabilité des ours dans les attaques sur les troupeaux, avec des conséquences politiques parfois dommageables pour une cohabitation plus apaisée.

Ainsi, mi-septembre, le préfet d’Occitanie Étienne Guyot a décidé de reporter à 2022 l’élaboration du programme « Life Ours Pyr », doté d’un budget européen de 8 millions d’euros, qui doit renforcer les mesures de protection des troupeaux de brebis, les embauches de bergers et l’approche pédagogique. Une « insulte à la connaissance » pour les scientifiques travaillant sur le sujet.

Surtout, si la chasse a effectivement eu lieu dans une zone où elle n’était pas autorisée, cet incident aurait facilement pu être évité. La cohabitation avec la faune sauvage devant se faire en respect des rythmes biologiques de chaque espèce pour fonctionner.

Selon les premiers avis des observateurs de terrain, l’ourse tuée dans cet incident serait Caramelles, une femelle de 24 ou 25 ans, fille de Mellba, deuxième ourse slovène lâchée dans les Pyrénées en 1996 – elle aussi abattue par un chasseur en 1997.

Quant aux deux oursons orphelins, les spécialistes considèrent qu’ils sont normalement assez âgés et matures pour s’en sortir seuls durant l’hiver. Les associations de protection de la faune sauvage demandent la mise en place d’un suivi et la suspension des parties de chasse dans le secteur afin de leur laisser le temps et la sérénité nécessaires pour réussir leur entrée en tanière pour hiberner.

« Nous appelons les chasseurs de la vallée à la plus grande vigilance envers ces oursons inoffensifs et encore fragiles », a conclu l’association Pays de l’ours-Adet sur son site

Pour aller plus loin : « Une cohabitation apaisée avec les grands carnivores est possible, informez-vous ! »

Crédit photo couv : Photo by Thomas Bonometti

Laurie Debove

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