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Menace pour la démocratie, les députés font passer un projet autoroutier de force

Face à cette manoeuvre anti-démocratique, les députés Julie Laernoes (EELV) et Jean-François Coulomme (LFI) ont déposé d’un recours devant le Conseil Constitutionnel.

Cela ne s’est jamais vu. Après le Sénat fin janvier, l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi visant à modifier directement le Plan Local d’Urbanisme d’une Intercommunalité, pour imposer le projet d’autoroute A412 Machilly-Thonon en Haute-Savoie. Les associations locales opposées à l’autoroute dénoncent une manœuvre antidémocratique qui pourrait créer un dangereux précédent permettant aux élus locaux de se passer de l’avis des citoyens sur les projets d’aménagement du territoire.

Les députés ont adopté, mercredi 14 juin, la proposition de loi visant à « régulariser les documents d’urbanisme de la communauté de commune du Bas Chablais afin de permettre la réalisation du projet autoroutier », selon les mots de la députée Horizon de Haute-Savoie Anne-Cécile Violland.

Un projet qui n’avait pas été incorporé dans le plan local d’urbanisme présenté et voté par les citoyens en 2020, et dont les dernières études d’impact environnemental datent de 2014.

Les députés étaient très peu nombreux dans l’Hémicycle au moment des débats. Peu à maîtriser le projet d’autoroute reliant Machilly à Thonon dans le Bas-Chablais (Haute-Savoie). Le peu d’intérêt pour le sujet est flagrant.

Pourtant, à l’heure du vote, la salle s’est remplie et les députés ont voté massivement, 140 voix contre 50, en faveur de la proposition de loi.

Trois ans plus tôt, en 2020, le Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) présenté aux habitants du Bas-Chablais ne mentionnait pas le projet autoroutier. Un simple « oubli », selon les élus locaux. Afin d’intégrer le tronçon autoroutier au PLUI, les parlementaires de Haute-Savoie ont préféré passer devant le Sénat puis l’Assemblée nationale plutôt que de demander l’avis de leurs administrés.

Ce que le sénateur écologiste Daniel Salmon décrivait pour La Relève et La Peste il y a deux mois comme « une tromperie, afin de ne pas consulter les citoyens […] qui pourrait être lourde de conséquences. A l’avenir tout PLUI pourrait être modifié par le Parlement et passer par-dessus des enquêtes publiques et des consultations des habitants ».

Outre la consultation citoyenne, la régularisation du projet autoroutier passerait également par une nouvelle étude d’impact environnemental. Les dernières ont été faites en 2014 et avaient, en partie, repris des enquêtes datant de 2004. Les normes environnementales ont bien évolué depuis. Au total, le tronçon autoroutier artificialisera au moins 111 hectares de terre, s’étendra sur 16 kilomètres et traversera une forêt pleine de zones humides.

Pour ces raisons, les députés Julie Laernoes (EELV) et Jean-François Coulomme (LFI) ont annoncé dès hier le dépôt d’un recours devant le Conseil Constitutionnel.

« On a l’impression d’être dans deux mondes différents. Un monde où l’on peut continuer à faire des routes et celui où il y a un changement climatique, où l’on perd du foncier, où les insectes disparaissent, où la biodiversité est en danger » s’indigne Elisabeth Charmot, membre de l’ACPAT, auprès de La Relève et La Peste.

Les militants locaux de  l’Association de Concertation et de Proposition pour l’Aménagement et les Transports (ACPAT) et les avocats les soutenant, Madame Corinne Lepage et Monsieur Christian Huglo, ont demandé l’abrogation de la Déclaration d’Utilité Publique auprès d’Elisabeth Borne.

Le projet l’avait été en 2018 et ce pour la troisième fois en 25 ans. Si la Première ministre ne répond pas à cette demande, celle-ci pourra être soumise au Conseil d’État.

Un projet inutile ?

Le tronçon autoroutier de 16,5 kilomètres de long permettra le « développement économique » d’un territoire « enclavé » a insisté Anne-Cécile Violland. La députée entend développer des types de transports multimodaux sans pour autant délaisser la voiture qui « malheureusement est le moyen de transport le plus adapté à nos territoires de montagne ».

Les axes principaux routiers du bas chablais sont « totalement saturés avec des embouteillages permanents » dit-elle. Ce point n’est d’ailleurs pas contesté par les militants locaux en lutte contre le projet.

Les bouchons se créent « entre Thonon et Evian », selon Elisabeth Charmot, une zone au nord de Thonon qui n’est pas concernée par l’autoroute.

Jugé également comme fallacieux par les militants, l’argument de la députée de Haute-Savoie Virginie Duby-Muller qui considère le tronçon Machilly-Thonon comme « le chaînon manquant du réseau autoroutier ». 

« Faux » rétorque Elisabeth Charmot, « le chaînon manquant serait la liaison entre cette autoroute Machilly-Thonon et l’autoroute blanche qui va de Mâcon à Genève. Du coup, cela crée des fragments d’autoroute isolés. ». 

Selon la militante, c’est précisément à la sortie de l’autoroute blanche, en amont du nouveau tronçon souhaité, que des bouchons se produisent. « L’autoroute ne servira à rien » assène-t-elle.

Pourtant, en 2019, la ligne du Léman Express reliant les différentes agglomérations de la région avait été construite sur le même tracé que l’autoroute. Mais celle-ci est « victime de son succès » explique Anne-Cécile Violland, « on est déjà aujourd’hui à 70 000 usagers alors que la ligne en prévoyait 40 000 à 60 000 ».

Là encore, l’argumentation de la députée est bancale selon Elisabeth Charmot. « Les modes de déplacements ont changé. Je connais beaucoup de gens qui ont renoncé à prendre le train soit parce qu’il n’y avait pas assez de parkings relais, soit parce que plusieurs sont restés à quai tellement il y avait de monde. La demande n’est pas automobile. »

Symbole de ce décalage entre un vieux projet autoroutier dont les premières traces remontent à 1932 et l’urgence climatique actuelle, la mairie de Genève est en train de développer une politique contre les voitures. Les places de stationnement seront uniquement accordées à des gens qui sont loin des gares du Léman Express.

Sachant que Genève est l’un des centres économiques de la région, quel serait l’intérêt de renforcer les mobilités automobiles ?

Florian Grenon

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