Ce coup d’envoi de la mobilisation contre les méga-bassines dans le Puy de Dôme a été une véritable démonstration de force. Plus de 6000 personnes ont défilé pour s’opposer à deux méga-bassines qui totaliserait 2,3 millions de m³. Les participants ont semé des milliers de graines le long de l’emplacement des bassines pour y faire repousser des centaines de mètres de haie.
L’opposition aux méga-bassines à la Limagne
Après de fortes mobilisations en Charente Maritime et dans les Deux-Sèvres, le mouvement de protection de l’eau gagne la Limagne où deux méga-bassines provoquent les inquiétudes de la population locale.
Portée par l’ASL des Turlurons, une association de 36 exploitants agricoles cumulant 800 hectares, ces deux bassines serviraient à irriguer principalement du maïs industriel, dit « hybride », produits pour le semencier agro-industriel Limagrain.
Fondée en 1965 en Auvergne, celle-ci est aujourd’hui le 4ème semencier mondial via sa filiale Vilmorin, et impose son modèle de développement sur le territoire : « semences hybrides, irrigation et grandes quantités d’intrants chimiques tout en créant des zones d’exclusion des autres variétés autours des fermes, Limagrain impose un modèle qui aliène les agriculteur.ices à l’agro-industrie » dénoncent les opposants aux projets.
Si les habitants sont inquiets, c’est que les épisodes de sécheresse hivernale se multiplient dans la région. Alors qu’une seule de ces bassines devrait faire 15ha, pour certains, « le niveau d’étiage de l’Allier dans lequel serait pompé l’eau des méga-bassines baisse et ne sera pas suffisant pour les remplir ».
C’est pourquoi samedi 11 mai, des milliers de personnes ont défilé dans la grande plaine de la Limagne avec des tracteurs, un castor et une anguille géant.es au son du slogan « Il faut faire bassine arrière ».
Pour l’heure, les travaux n’ont pas commencé, mais la région a déjà accordé à minima 115 000 euros à l’ADIRA (association de développement de l’irrigation en Auvergne) pour réaliser l’étude de faisabilité du projet. Son coût global du projet s’annonce élevé : 25 millions d’euros, financé, pour la partie ouvrage agricole, à hauteur de 70 % par la région Auvergne Rhône-Alpes via un fonds européen, la FEADER.
La défense d’une agroécologie paysanne
Plutôt que de construire de gigantesques bassines, dont le modèle a déjà échoué en Espagne, les participants promeuvent une agriculture paysanne respectueuse du cycle de l’eau. Des milliers d’entre eux ont ainsi planté des centaines de mètres de haies et construit des barrages de castors pour retenir l’eau autour des projets de bassines.
« La Limagne est une ancienne zone humide fertile qui a été drainée dans les années 70 pour remplacer la polyculture élevage par une agriculture céréalière intensive. Mais le drainage accélère l’évacuation de l’eau qui ne se stocke plus dans les sols lors des précipitations. Ceci intensifie les phénomènes de crues, d’érosion et de diffusion des phytosanitaires dans les cours d’eau. Cela aboutit aujourd’hui à une sous-alimentation des nappes phréatiques, à une baisse du débit des sources et à une perte de la biodiversité.
En comblant les drains, les manifestant.es vont ainsi dans le sens des nombreux agronomes et hydrologues qui prônent la remise en cause du drainage systématique, en vue de favoriser la recharge des nappes phréatiques, la réhumidification des terres, la protection de la faune et de la flore ainsi que l’effet de filtre sur les intrants chimiques. » ont expliqué les Soulèvements de la Terre
Du maïs issu de semence ancienne, possédant une meilleure diversité génétique et une meilleure adaptation au changement climatique, a également été semé le vendredi pour démontrer « les alternatives à cette main-mise de l’agro-industrie ».
Prochaine étape : la mobilisation anti-bassines des Deux-Sèvres, les 20 et 21 juillet. La volonté des participants : obtenir l’abandon des projets de bassines dans le Poitou, et arracher le moratoire au niveau national.