L’effondrement approche, mais la course folle pour le profit continue. L’année dernière, les entreprises du CAC40 ont versé 60 milliards de dividendes à leurs actionnaires (un record) : c’est 12 % de plus qu’en 2018 et trois fois plus qu’en 2003. Dans ce contexte, il nous paraît pertinent de nous remettre à l’esprit qui sont réellement les dénommés fleurons de la bourse française. Car pour être une multinationale lucrative, compromission, corruption, déprédation s’exigent. Voici donc ce qu’illustrent de notre système les têtes de file du CAC40.
LVMH : le gigantisme
On commence ce sinistre palmarès avec un géant du luxe qui a fait récemment parler de lui : LVMH. Pour 15 milliards d’euros, la firme vient d’avaler un autre monstre de la joaillerie, l’Américain Tiffany, faisant du même coup de son patron la deuxième fortune mondiale. Vous pensiez que les multinationales étaient atteintes de gigantisme ? Vous en avez la preuve. Comment des êtres humains peuvent-ils posséder des fortunes de plusieurs dizaines de milliards d’euros à eux seuls, sans montrer par là même que notre système capitaliste, en roue libre, est devenu complètement malade ? Dans cette politique du pire qui dure depuis soixante-dix ans, on se demande si ces colosses s’arrêteront avant l’effondrement.
Vinci, Eiffage : le pillage des biens communs
Le leitmotiv des libéraux, c’est la concurrence, censée tuer dans l’œuf les monopoles. Pourtant, à quel type de marché avons-nous affaire avec les autoroutes ? Depuis 2006 lors de la privatisation de 9 000 km d’autoroutes, le système auquel s’en sont pris les « Gilets Jaunes » n’a jamais cessé de se verrouiller.
Voici l’arnaque : alors que les entreprises qui détiennent les concessions ont l’obligation légale d’entretenir les autoroutes, les nouveaux travaux sont financés par une hausse continuelle des péages, d’année en année, tandis que les profits partent dans les poches des actionnaires. En somme, une partie infime des péages finance les travaux.
Au contraire, en 15 ans, les sociétés autoroutières ont versé 27 milliards d’euros de dividendes, pour un investissement de départ de 15 milliards seulement. D’ailleurs, celles-ci commanderaient des travaux inutiles à leurs filiales et surestimeraient leurs coûts, afin de rogner un peu plus de bénéfices sur l’argent des automobilistes, tandis que l’État s’engage de son côté à rembourser les intérêts de leurs emprunts. Enfin, pour accepter de construire de nouvelles autoroutes, les entreprises exigent que la France renouvelle d’autres concessions qui arrivent à échéance… Le tour est joué. Et bientôt, ce sera au tour des aéroports de Paris.
Total : la pollution
Total, le monstre des hydrocarbures, est de loin l’entreprise qui incarne le plus la pollution organisée et systématique de la planète au seul bénéfice des actionnaires. Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! Si l’on cumule toutes ses activités de production d’énergie dans les 130 pays où elle opère, on s’aperçoit que la firme produit annuellement 311 millions de tonnes de CO2, soit 68 % des émissions de gaz à effet de serre françaises (GES). L’association Attac a dressé une liste non exhaustive résumant la toxicité de Total, entre dividendes pharaoniques et lobbying furieux. Les multinationales des hydrocarbures sont les plus gros pollueurs du monde : les 100 premières auraient émis la moitié des émissions industrielles de GES depuis le XIXe siècle.
BNP Paribas, Danone : la corruption
Comme le montre un article récent du journal Marianne, la banque BNP Paribas et la firme Danone se sont rendues maîtres dans la colonisation des institutions publiques, alias le « pantouflage ». Rien qu’à elle, Danone compte deux ministres issues de ses rangs : Muriel Pénicaud (ministre du Travail) et Emmanuelle Wargon (secrétaire d’État à l’Écologie).
La première y était DRH et la seconde en charge du lobbying. Toutes deux y sont devenues millionnaires, la première en spéculant sur des suppressions d’emplois. Même chose pour la BNP : les hauts fonctionnaires de Bercy sont souvent passés par la plus grande banque de France, ou l’inverse. Par exemple, le président actuel de BNP Paribas, Jean Lemierre, était directeur du Trésor entre 1995 et 2000. Mais la liste est trop longue pour être développée ici.
On retiendra que, comme Emmanuel Macron avec Rothschild et Édouard Philippe avec Areva, les multinationales de la banque et des affaires ont depuis longtemps colonisé, infesté, contaminé même tous les plus hauts sommets de l’État.
Carrefour : l’inégalité
La moitié du patronat des plus grandes compagnies françaises provient des grandes écoles ou de la haute fonction publique ; passant intempestivement du public au privé et du privé au public, ces élites s’insinuent partout et monopolisent tous les postes clés d’une manière dont elles ont le secret. Mais ce qui les caractérise le plus, c’est quand même leur habileté à rafler l’argent là où il se trouve. C’est le cas entre autres d’Alexandre Bompard, ancien inspecteur des finances et désormais PDG de Carrefour. Ce petit diable est parvenu à gagner en un jour ce qu’une caissière gagne en un an, comme le montre un article de Basta ! : en 2018, le PDG a été payé 7,3 millions d’euros pour ses services, en s’augmentant en outre de 27 % par rapport à l’année précédente, alors qu’il signait dans le même temps la suppression de 3 000 emplois. De nos jours, les écarts de salaires n’ont jamais été aussi hauts et parmi les dirigeants, vous comprenez, personne ne s’en offusque.
Sanofi : l’immoralisme
Depuis le début des années 2000, les laboratoires pharmaceutiques mondiaux ont dépassé les 1 000 milliards d’euros de bénéfices, dont 90 % n’ont servi qu’à rétribuer les actionnaires. Pourtant, pauvre innocence, on aurait pu penser que leur mission dépendait intrinsèquement de l’intérêt public, qu’on ne pouvait sacrifier la santé aux lois terribles de la bourse et des dividendes.
Détrompez-vous : ces entreprises du médicament sont directement financées par vos cotisations, puisque l’argent public constitue leur principale source de revenus, à travers l’assurance maladie. Or, non seulement l’utilité des médicaments les plus chers est hautement douteuse (souvent plusieurs centaines d’euros par boîte ou par injection), mais les bénéfices s’échappent également du porte-feuille commun, alors qu’en tant qu’argent public, ils devraient être naturellement réinvestis dans la recherche. La santé est désormais sous la coupe de monstres financiers.
Areva : le néo-colonialisme
L’entreprise spécialisée dans les énergies nucléaires est aussi le fer de lance du néo-colonialisme à la française. En deux mots, Areva débarque dans les anciennes colonies, y promet des investissements, finit par y extorquer les ressources les plus précieuses avant d’envoyer dormir ses profits dans les paradis fiscaux. Un tel système est de notoriété publique, comme l’ont prouvé, sur fond de Françafrique et de ravage écologique, les exploitations d’uranium au Niger de la firme Areva, dans lesquelles, selon certains, notre actuel Premier ministre se serait sali les mains avant d’arriver au gouvernement.
Lafarge : la compromission
Entre 2011 et 2015, alors que l’État islamique sévissait plus que jamais au Proche-Orient et que la France vivait une série accablante d’attentats sur son territoire, le géant du ciment et de la construction Lafarge aurait tout mis en œuvre pour maintenir ses activités en Syrie, notamment celle de son usine de Jalabiya, alors qu’il savait pertinemment que son béton serait utilisé par les terroristes pour construire des routes et des infrastructures. La multinationale aurait même acheté des matières premières et payé des taxes à l’État islamique, dans le seul but de se rendre maître du marché de la reconstruction syrienne, une fois la guerre terminée. Grâce à Lafarge, on sait donc aujourd’hui que les multinationales sont capables de financer le terrorisme, voire de se rendre complices de crimes contre l’humanité.