Alors qu’Emmanuel Macron, président de la République Française, annonçait en septembre 2022 sa volonté de créer « un Pacte et une Loi d’Orientation et d’avenir Agricoles », la nouvelle mouture que le Sénat s’apprête à entériner est un recul absolu sur la législation environnementale.
La loi d’orientation agricole (LOA) a été annoncée par le Président de la République en septembre 2022. Elle doit répondre à un double défi : le renouvellement des générations et celui de réduction des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole avec son adaptation au changement climatique.
L’agro-industrie a détruit les sols, faisant disparaître une grande partie de la vie et avec elle, la fertilité du sol. Le remembrement lié à la mécanisation des cultures intensives a abattu les haies et leurs racines qui tenaient les terres. De collectif, le métier d’agriculteur est devenu une activité isolée sur un tracteur des journées entières.
L’agriculture industrielle a mis en danger la santé de ceux qui la pratiquent. Six cancers sont plus fréquents chez les agriculteurs que dans la population générale : le mélanome de la peau, les cancers de la prostate et des lèvres, ainsi que plusieurs cancers du sang. (Étude Agrican-2020).
Selon la MSA, les personnes affiliées au régime agricole, consommant des soins et âgés de 15 à 64 ans, ont un risque de mortalité par suicide supérieur de 43,2 % à celui des assurés tous régimes de la même tranche d’âge. Il faut dire qu’un agriculteur sur 5 vit au-dessous du seuil de pauvreté. Peut-on poursuivre sur cette voie ?
Autant dire que la Loi d’Orientation Agricole est fondamentale. Comment valoriser une profession qui rend malade, appauvri et éreinté ? En lui redonnant un sens profond et une utilité collective fondamentale, c’est ce qu’on entend dans les motivations de celles et ceux qui s’installent en bio pour nourrir sainement les citoyens.
La Loi d’Orientation Agricole, un texte initialement cohérent
La Chambre haute avait réussi à trouver un consensus transpartisan et à proposer une orientation destinée à permettre l’accession de futurs agriculteurs et agricultrices à la terre ou à la transmission de fermes pour parvenir à un renouvellement, voire un accroissement des générations.
50 à 55% des agriculteurs partiront à la retraite d’ici à 2030. Entre 1970 et 2020, la population agricole est passée de 1,6 millions à 500 000. Si 250 000 d’entre eux partent à la retraite sans être remplacés, on imagine assez bien ce que sera la souveraineté alimentaire de la France.
Or le deuxième grand objectif de cette loi était la souveraineté alimentaire. Nous avons tous fait l’expérience de nos dépendances au moment du Covid, mais aussi depuis le début de la guerre en Ukraine et le monde Trump-Musk-Poutine ne nous permet pas de projeter des relations internationales sereines.
Voilà pourquoi le texte comprenait des objectifs chiffrés comme 21% des terres agricoles en bio, des incitations à l’agroécologie (un mode cultural soutenu par la FAO). Les organisations paysannes demandaient un plan de formation ambitieux pour accompagner la transition écologique. Il était important aussi de réagir à la diminution des connaissances techniques indispensables, constatées par les agriculteurs et les agricultrices.
La Loi d’Orientation Agricole, bafouée par les sénateurs
La loi qui s’apprête à être votée va à l’inverse de celle sortie de l’Assemblée. Tous les objectifs sont abandonnés. Fin des objectifs bio, disparition du principe d’agroécologie et surtout ouverture totale à l’agro-industrie pour détruire l’environnement. Il n’est plus question de cesser d’utiliser des pesticides. « On a basculé dans la compétitivité à l’exportation » dénonce Lorine Azoulai, co-présidente du collectif Nourrir
Peu importe que les sols soient exsangues, que nos eaux soient polluées, que le climat soit bouleversé. Les conséquences de ces abandons, elles, seront très durables. Plusieurs décennies, plusieurs siècles seront impactés par les décisions de nos sénateurs qui restent dans un déni coupable.
« Si tu portes atteinte à l’environnement, ce n’est pas grave si tu ne l’as pas fait exprès » traduit Gérard Lahellec, sénateur PC des Côtes d’Armor.
Car, c’est un détricotage en règle des normes environnementales que révèle le titre 4 de la LOA. Outre la disparition des surfaces en bio du code rural et du risque de réintroduction des néonicotinoïdes (interdits depuis 2018), « on trouve dans l’article 3 une clause d’intentionnalité qui met fin à toute poursuite en cas de dégâts sur les espèces » précise Laure Piolle, Animatrice du réseau Agriculture et Alimentation chez FNE.
En effet, il va falloir démontrer l’intentionnalité de l’agriculteur, mais aussi du chasseur, de l’industriel… qui n’auront pas pris de précaution avant sur intervention. On inverse ainsi la charge de la preuve. « C’est un permis de détruire la biodiversité » déclarait Daniel Salmon, sénateur écologiste d’Ille-et-Vilaine.
À ceci, s’ajoute une amende plafonnée à 450€, donc négligeable au regard des sommes en jeu. C’est un déni complet de l’importance de la biodiversité pour l’humain et parfaitement opposé au droit et à la jurisprudence européenne, comme au droit français de l’environnement.
Même orientation pour l’article 15 qui veut accélérer les procédures de contentieux contre les projets agricoles comme les bassines ou les fermes-usines. Là encore, les contrevenants ne pourront pas être embêtés bien longtemps dès lors qu’ils pourront montrer que leur travail concourt à la souveraineté alimentaire, ce qui n’est pas le cas avec les grandes cultures de maïs destinées le plus souvent à l’exportation et à la nourriture animale.
Face à la catastrophe, une pétition a été lancée par un collectif d’associations environnementales et paysannes. Aujourd’hui, un vivier de candidat.es à l’installation existe pour le bio et l’agroécologie. La plupart d’entre elles et eux sont des NIMA (non issus du monde agricole). Sans formation de qualité, sans aides à l’installation, comment peut-on espérer les faire venir ?
Cette loi envoie le pire des signaux en favorisant l’agriculture des plus riches, des plus gros, des moins durables, de ceux qui nous conduisent dans le mur. Toute la responsabilité repose désormais sur la commission mixte paritaire qui doit réagir avant le lancement du Salon de l’agriculture afin que la LOA soit votée.