Dans les années 1960, la France comptait 2 millions de kilomètres de haies. Aujourd’hui, près des trois quarts ont été détruits. Ces dernières décennies, il s’agissait en effet de faire place au remembrement, qui vise à constituer des exploitations agricoles d’un seul tenant, sur de plus grandes parcelles. Dans plusieurs départements, les multiples bénéfices des haies sont en train d’être redécouverts : essor de la biodiversité, circulation des espèces, micro-climat propice aux cultures, stockage de carbone. Pour les défendeurs de ces havres de vie, un véritable marathon a commencé pour en replanter le plus possible.
Alain Canet est directeur de l’association Arbre et Paysage, dans le Gers. Il est aussi spécialiste de l’agroforesterie, un mode d’exploitation des terres agricoles qui associe les cultures ou l’élevage à la plantation d’arbres. Il détaille pour La Relève & La Peste son objet, et ses avantages.
« On répond à une demande souvent agricole. L’agroforesterie touche à des problématiques autour de l’eau, du sol, de la biodiversité, du paysage… Il s’agit de mettre les bonnes espèces d’arbres au bon moment et au bon endroit, pour résoudre des problèmes. On place l’arbre en régulateur » résume A. Canet.
Les haies bocagères en sont une parfaite illustration. À la différence des forêts, organisées sous forme de massif compact, la haie est une ligne autour d’un champ, au bord d’un ruisseau ou le long d’un fossé. Elle permet donc de composer avec l’agriculture.
« Les haies sont très utiles, et même indispensables au bon fonctionnement de la biodiversité. Agissant comme brise-vent, elles participent à la création de micro-climat et protègent les cultures et les animaux. On en retrouve aujourd’hui la vraie valeur », note le spécialiste.
Dans l’Ain, à Saint-Maurice-de-Rémens, un ancien terrain militaire a été choisi comme point de départ pour un marathon de la biodiversité. Cette initiative, portée par plusieurs collectivités en France, consiste à planter 42 km de haies sur des terrains à revaloriser.
Laurent Roy est directeur de l’agence de l’eau Rhône- Méditerranée-Corse, qui finance le projet. Il décrit l’utilité de ces haies bocagères, véritables corridors écologiques.
« Ça sert d’éléments de continuité, pour passer d’un milieu à un autre, pour des espèces qui passent d’un endroit où ils vont se nourrir à un endroit où ils vont se reproduire. Et la biodiversité peut servir aussi aux activités humaines, en abritant les auxiliaires de culture, ces espèces comme certains oiseaux qui vont lutter contre des ravageurs de culture ou des insectes ».
Damien Cadoux, urbaniste dans l’Ain, a pour sa part décidé de replanter 2 kilomètres de haies sur son terrain pour lutter contre l’érosion des sols, et contre le réchauffement climatique.
« La haie champêtre permet de filtrer l’eau. C’est un habitat, et un lieu de nourriture pour la biodiversité. Ça peut aussi être du bois de chauffage ou du bois d’oeuvre. C’est le couteau suisse de l’aménagement rural », explique-t-il.
Partout en France, les besoins sont massifs.
« Il faut comprendre que les haies ne sont pas un frein à la production agricole, mais une opportunité » précise A.Canet. « Il s’agit d’un outil de production. La haie protège les cultures, leur apporte de la résistance. On produit mieux quand il y a des arbres. On en plante pour des raisons écologiques, mais aussi pour des raisons pratiques ».
Cependant, planter une haie ne se fait pas sans condition.
« Il y a des règles », rappelle A.Canet. « Il est très important de ne pas faire de la monoculture, comme lorsque l’on plante une forêt. Ce sont les mêmes principes ».
Une haie pleinement efficace met trente ans à se construire, et comporte à la fois des grands arbres et des arbustes plus modestes. Chaque espèce animale peut ainsi y trouver un équilibre, entre celles qui nichent en bas et celles se nourrissent en hauteur.
Le pays continue de perdre chaque année 8 500 km de haies. « Dans tous les départements il y a urgence » constate A. Canet.
Face à la situation, le gouvernement français s’est lui aussi engagé dans la démarche et a promis de planter 7 000 km de haies d’ici 2022. Un nouveau plan de relance permet à toutes les collectivités de participer au marathon de la biodiversité, en finançant des projets sur les territoires.
« Le besoin d’arbre est partout. Mais il faut que ce soit fait dans les règles de l’art. En France, comme ailleurs, un arbre sur deux va mourir peu après avoir été mis en terre, parce qu’il a été mal choisi, mal planté ».