La ministre des Finances espagnole María Jesús Montero a présenté la première récolte des taxes exceptionnelles sur les superprofits des groupes financiers et énergétiques : 1,45 milliards d’euros pour la première moitié. Au total, l’Espagne prévoit de collecter 3 milliards d’euros cette année, et autant l’an prochain, qu’elle redistribuera à la population sous forme d’aides.
Durant une conférence de presse mardi 21 février à Madrid, Mme Montero a dévoilé que le premier acompte de la taxe exceptionnelle pour les entreprises du secteur de l’énergie a permis de collecter 817,4 millions d’euros et 637,1 millions d’euros pour le secteur bancaire.
Les deux taxes sont « tout à fait raisonnables » pour ces deux secteurs qui ont réalisé des bénéfices de 20,5 milliards d’euros pour les grandes banques, une hausse de 25 % par rapport à l’année précédente, et 12 milliards d’euros pour les entreprises énergétiques en 2022, une augmentation de 43% par rapport à 2021. Certains groupes énergétiques n’ayant révélé que leurs résultats jusqu’à septembre 2022, ces chiffres sont de surcroît en-dessous de la réalité.
C’est pourquoi la collecte des deux taxes est « un montant assumable » pour toutes ces entreprises. La taxe « ne peut pas être considérée comme confiscatoire, elle est totalement proportionnée ». La ministre a rappelé que le gouvernement avait sauvé de nombreuses banques espagnoles lors de la crise financière de 2008.
« Il est maintenant temps (…) de se serrer les coudes »
Le Premier ministre Pedro Sanchez avait surpris les marchés l’année dernière en lançant une taxe de 4,8% sur les bénéfices réalisés par les entreprises énergétiques et financières pendant deux ans, dans le cadre d’un ensemble de mesures politiques pour compenser l’aggravation de la crise du coût de la vie pour la population espagnole.
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Cette taxe, conçue pour compenser l’impact inégal de la flambée de l’inflation (qui a dépassé 10% en 2022), devrait durer deux ans et est perçue deux fois par an. Un deuxième versement devrait donc avoir lieu dans le courant de l’année 2023, et deux autres en 2024.
Le gouvernement espagnol espère collecter au total plus de 6 milliards d’euros sur ces deux années.
Une opération de redistribution des richesses qui n’est pas au goût du secteur bancaire. Les banques espagnoles ont décidé d’attaquer le gouvernement espagnol en justice en déposant deux recours auprès de la Haute cour d’Espagne pour contester l’arrêté ministériel approuvant le paiement anticipé de la nouvelle taxe bancaire. La même demande émise par l’énergéticien Repsol a pourtant déjà été refusée par la justice.
De surcroît, cette mesure pourrait bien devenir permanente et être renforcée, suite à la décision de l’UE d’adopter un impôt minimal de 15% sur les multinationales. Censé entré en vigueur le 31 décembre 2023, cet impôt s’appliquera aux entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros par an.
Selon les estimations de l’OCDE, il pourrait générer chaque année environ 150 milliards de dollars de recettes fiscales supplémentaires au niveau mondial. Cette mesure européenne a été soumise à la consultation publique par le ministère espagnol des Finances pour savoir comment l’appliquer dans le pays.
En plus de ces taxes sur les superprofits, le gouvernement Espagnol a mis en place un impôt de solidarité sur les grandes fortunes pour faire progresser la « justice fiscale » et lutter contre les inégalités, a rappelé la ministre. Ce tribut sera prélevé auprès des 23 000 particuliers fortunés en Espagne, à partir de 3 millions d’euros de patrimoine net.
Les gouvernements de Madrid et d’Andalousie ont tenté des recours en justice contre cette mesure de solidarité, une initiative judiciaire qui a été vertement tancée par la ministre espagnole lors de son discours.
Ce que font ces gouvernements « c’est défendre une minorité de contribuables contre le renforcement de la santé publique, de l’éducation ou de la dépendance » a-t-elle accusé.
Une centaine d’eurodéputés viennent d’ailleurs d’abonder dans le sens de l’ISF en réclamant l’instauration d’un impôt international progressif sur l’extrême richesse. « En France, pays pourtant réputé pour son niveau élevé de taxation, les 370 plus riches familles ne sont effectivement taxées qu’autour de 2 % à 3 % » rappellent-ils.
Enfin, le gouvernement espagnol vient de conclure un accord dans lequel il met à contribution les plus hauts revenus pour financer le système de retraites, face à une population vieillissante. L’âge légal de départ à la retraite est fixé à 66 ans et passera à 67 ans en 2027. Cependant, la durée de cotisation est très inférieure à celle fixée en France : en 2022, pour partir à 65 ans, il fallait cotiser 37,5 annuités contre 42 (et bientôt 43) en France pour une pension complète.