Symbole du printemps, de la vie qui reprend, de la campagne comme des toits urbains, les nids des oiseaux sont de moins en moins naturels. En plus des branches, racines, feuilles ou mousses, les volatiles utilisent de plus en plus de déchets d’origine humaine.
Des déchets plastiques partout
Masques chirurgicaux, emballages alimentaires, cordes, filets de pêche, ou encore ballons gonflables ont pris leur place dans la construction des nids d’oiseaux. Adaptation à leur environnement oblige, ces derniers se sont habitués à vivre aux côtés de nos déchets et à s’en servir. Un constat qui démontre la gravité de la pollution humaine.
Des chercheurs européens ont dévoilé, dans une étude mondiale publiée par la Royal Society de Londres, que près de 35 000 nids de 176 espèces contenaient des matériaux fabriqués par l’homme. Ce qui suggère que le comportement est répandu.
Constat identique pour les scientifiques conduisant le projet Birds and Debris. Le projet demande aux internautes bénévoles du monde entier de partager des photos d’oiseaux nichant dans des déchets.
Partant du constat que des études sur les débris marins, qui ont affecté au moins 36% des espèces marines selon l’ONU, sont particulièrement développées, les chercheurs ont voulu établir des constats sur la pollution terrestre. Et le bilan est saisissant. Un quart des photos présentent des déchets médicaux. Les mégots, et donc la nicotine, sont particulièrement bien installés dans les nids des volatiles. Ces derniers ont d’ailleurs remplacé les plantes qui leur servaient d’insecticides naturels par la nicotine présente dans les mégots de cigarettes.
Plus inquiétant encore, nombre d’objets pouvant causer des blessures ont été observés dans les nids : des seringues, des pics anti-oiseaux, des clous… Ils endommagent notamment le développement des poussins.
Selon une étude menée par le Muséum national d’histoire naturelle et le CNRS, le nombre d’oiseaux en Europe a diminué de 25 % sur les 40 dernières années. Une chute due à l’agriculture intensive et l’épandage de pesticides, qui trouverait aussi son origine dans la quantité de déchets humains déversés dans la nature.
Une crise sanitaire
Selon une étude du laboratoire de l’Institut du littoral et de l’environnement (ILE), affilié au CNRS, 90 % des oiseaux marins ont du plastique dans l’estomac. D’ici à 2050, ce chiffre pourrait frôler les 100 %.
L’ingestion de particules plastiques provoque, notamment chez les oiseaux marins, une inflammation persistante des tissus digestifs. Les éclats de plastique s’enfoncent dans le tissu stomacal et créent des plaies. La répétition de celles-ci entraîne une cicatrisation excessive et dégrade le système digestif.
La maladie, nommée plasticose, a été découverte lors d’une étude menée sur l’île australienne de Lord Howe et publiée dans le Journal of Hazardous Materials. L’Île abrite l’une des espèces les plus « contaminées » au monde selon les scientifiques : le puffin à pieds pâles.
Une nouvelle maladie qui ne pourrait être que « la partie émergée de l’iceberg » selon l’étude. Si la plasticose n’est connue jusqu’à présent que pour une seule espèce, l’ampleur de la pollution plastique signifie qu’elle pourrait être beaucoup plus répandue.
Source : « Why do some bird species incorporate more anthropogenic materials into their nests than others? », Royal Society de Londres, 10/07/2023 / Birds and Debris / « L’intensification de l’agriculture est à l’origine de la disparition des oiseaux en Europe », Muséum national d’histoire naturelle et le CNRS, 16/05/2023 / « Les oiseaux marins face à la pollution plastique : un enjeu global », Institut du littoral et de l’environnement et CNRS, 31/07/2023 / « Plasticosis’: Characterising macro- and microplastic-associated fibrosis in seabird tissues », Journal of Hazardous Materials, 15/05/2023