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Les algues sont cruciales pour l’équilibre terrestre et l’autonomie des peuples

« Tout le monde se préoccupe du feu en Amazonie, mais il y a aussi un incendie sous la mer et personne ne le regarde », souligne Vincent Doumeizel. C’est dramatique parce que si les algues disparaissent, la vie va disparaître dans l'océan et peut disparaître sur terre plus tard ».

Alors qu’elles sont considérées comme un fléau dans certaines régions littorales, les algues représentent pourtant un large champ de possibilités. Un aliment aux bienfaits multiples, une alternative au plastique, un puit de carbone, une source de revenus pour des populations défavorisées… Vincent Doumeizel détaille pourquoi il s’agit sans doute d’une des plus importantes ressources à préserver.

Une voie vers l’autonomie des peuples

Vincent Doumeizel est conseiller pour les océans au Pacte Mondial des Nations Unies et co-dirigeant avec le CNRS de la Safe Seaweed Coalition. Début 2022, il a publié La révolution des algues, un manifeste détaillant les nombreux bénéfices que cette ressource pourrait apporter.

« Avec 2% des océans, on pourrait nourrir deux milliards de personnes », annonce Vincent Doumeizel.

C’est précisément ce qui explique le titre de son ouvrage, basé sur le changement de civilisation opéré il y a douze mille ans, lors de la première révolution agricole de l’humanité.

« On est passés de l’état de chasseur-cueilleur à celui de cultivateur. Cette révolution a été effectuée sur terre, mais jamais dans les océans, où nous sommes encore des chasseurs-cueilleurs. On pêche, on cueille des algues, donc on détruit ces espèces au passage, et on détruit les stocks. Il faut qu’on passe à un mode de culture ».

Ayant travaillé dans le secteur agroalimentaire, Vincent Doumeizel a été particulièrement frappé en découvrant l’enjeu nutritionnel que représentent les algues.

« On sait qu’il y a presque un milliard de personnes qui meurent de faim sur terre. On a un enfant sur quatre en état de malnutrition et qui ne peut pas grandir en bonne santé aujourd’hui. Or l’océan couvre 70% de la planète et couvre moins de 3 % de nos besoins alimentaires ».

L’autonomie alimentaire des territoires est une question cruciale en pleine période de dérèglement climatique. Or, si la production agricole mondiale est déjà suffisante pour nourrir 12 milliards de personnes, le gaspillage alimentaire dans les pays riches, le manque d’infrastructures et les aléas climatiques dans les pays du Sud, mais aussi l’accaparement des terres agricoles pour nourrir le bétail sont autant de causes expliquant le dramatique constat de la faim dans le monde.

Pour Vincent Doumeizel, la culture des algues permettrait donc à certains peuples une meilleure autonomie alimentaire.

« En réalité, tout cela n’a rien de nouveau. Les algues sont consommées depuis des centaines d’années. Les hommes préhistoriques en mangeaient, ainsi que des populations autochtones partout dans le monde », explique Vincent Doumeizel. « La pratique a simplement disparu quasiment partout à l’époque gréco-romaine, sauf en Asie. »

D’autant plus que les bienfaits des algues en termes de santé sont multiples.

« On le voit au Japon, où l’espérance de vie va être plus longue, où l’on a des taux de cancer, de diabète, d’obésité ou de maladies cardiovasculaires qui sont beaucoup plus bas que chez nous », note-t-il.

Un fragile écosystème

L’idée de développer une culture des algues implique cependant d’apprendre de ce qui s’est passé sur Terre, et de mettre en place un système vertueux. Une agriculture régénérative qui prenne soin des écosystèmes est absolument indispensable, avertit l’auteur. 

En effet, si les algues représentent une ressource inexploitée, elles n’en sont pas moins durement impactées par les activités humaines.

« Tout le monde se préoccupe du feu en Amazonie, mais il y a aussi un incendie sous la mer et personne ne le regarde », souligne Vincent Doumeizel. C’est dramatique parce que si les algues disparaissent, la vie va disparaître dans l’océan et peut disparaître sur terre plus tard ».

Celles-ci se posent en effet comme un réservoir de vie exceptionnel, et souffrent du réchauffement climatique et des perturbations écosystémiques. La Californie a par exemple perdu 80% de ses réserves, et l’on estime que la disparition de ces forêts d’algues a engendré la disparition de 750 espèces migrantes sur terre et dans la mer.

D’un autre côté, les algues vertes s’accumulent sur des littoraux comme ceux de la Bretagne, devenant un véritable fléau puisqu’elles dégagent un gaz extrêmement toxique en pourrissant. Nourries par les fuites de nitrates utilisés dans les engrais et dans les produits phytosanitaires, elles prolifèrent depuis une dizaine d’années.

« C’est le même problème avec les sargasses aux Caraïbes », remarque à ce sujet Vincent Doumeizel. « Il s’agit d’une pollution excessive des sols, d’un lien qui est perdu entre le végétal, l’animal et le sol. Des rejets affluent car l’océan, comme tout système, va déployer un système immunitaire pour se protéger et protéger son biotope. Les algues sont un symptôme du problème, elles ne sont pas le problème ».

L’auteur explique ainsi que ces algues pourraient être récoltées et valorisées. Il serait même possible, comme c’est le cas en Chine, de cultiver des algues dans les baies pour ensuite les nettoyer et neutraliser les phosphates.

Par ailleurs, les algues captent le CO2 atmosphérique et contribuent ainsi au stockage du carbone dans les sols. Une étude publiée le 1er février 2022 dans The New phytologist par des scientifiques du Laboratoire Ecologie Fonctionnelle et Environnement traite de cette question.

Elle révèle que les algues captent environ 3,6 gigatonnes de carbone par an, soit 30 % des émissions de CO2 émis par l’homme. 

Les algues représentent également un champ d’innovation extrêmement large. Elles constituent par exemple une alternative au plastique. Des bioplastiques à base d’algues, comestibles, biodégradables et complètement compostables existent déjà. Elles peuvent également remplacer les cotons, offrir des innovations médicales ou encore être utiles à l’agriculture en fertilisant les sols de manière naturelle.

Lire aussi : La posidonie, poumon de la Méditerranée, aide à réduire la pollution plastique

Enfin, elles apportent des sources de revenus et d’emplois dans des pays en voie de développement. Or aujourd’hui, on le constate notamment en Afrique, ces emplois et ces revenus vont essentiellement aux femmes. En Tanzanie par exemple, 80% des employés dans le secteur des algues sont des femmes, qui peuvent ainsi s’émanciper en étant autonomes financièrement.

« C’est une solution aux grands défis de notre génération, tant sur le plan écologique que démographique, alimentaire et social », conclut Vincent Doumeizel.

Marine Wolf

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