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Les activistes qui s’en sont pris aux œuvres d’art condamnés à 2 mois de prison, dont un avec sursis

Ces actions ont toutes pour objectif de montrer à l’opinion publique que la catastrophe climatique et la disparition de la vie sur terre nous importent moins que le sort d’une œuvre d’art.

La criminalisation des militants continue. Mercredi 2 novembre, deux des trois activistes du collectif Just Stop Oil qui avaient pris pour cible le tableau de La Jeune Fille à la perle, à La Haye (Pays-Bas), ont été condamnés à deux mois de prison, dont un avec sursis, par la justice néerlandaise. Deux jours plus tard, le troisième militant a écopé de la même peine.

L’action de Just Stop Oil – qui demande l’arrêt immédiat de la production de combustibles fossiles – remonte au jeudi 27 octobre. Ce jour-là, vers 14 heures, trois hommes vêtus de tee-shirts au nom de leur collectif s’approchent de l’œuvre célèbre du peintre Johannes Vermeer, conservée au musée Mauritshuis de La Haye.

L’un des trois militants colle alors son crâne sur la vitre protégeant le tableau, juste à l’endroit où brille la perle, tandis qu’un second lui déverse de la sauce tomate sur la tête et le corps, avant de s’engluer lui-même la main au mur où est accrochée la toile. Un troisième activiste, invisible, filme la scène qui sera diffusée sur les réseaux sociaux.

« Obscène », « stupide », « honteux », s’indignent les visiteurs médusés, auxquels le militant accroché au mur répond : « Comment vous sentez-vous quand vous voyez quelque chose de beau être détruit sous vos yeux ? Vous êtes scandalisés? Eh bien, c’est le sentiment que l’on éprouve quand on voit la planète être détruite»

La toile de Vermeer n’a pas été endommagée.

Des peines très lourdes

Rapidement arrêtés par la police pour « violence publique contre des biens », le militant Wouter M., qui s’était collé le crâne à la vitre, et son camarade Pieter G., qui avait filmé la scène, ont tous deux été condamnés, le 2 novembre, à des peines de deux mois de prison, dont un avec sursis – le ministère public ayant réclamé le double.

Refusant la procédure de justice accélérée, le troisième militant a quant à lui comparu le vendredi 4 novembre, et écopé de la même peine de prison que les deux premiers. Au cours de la première audience, le tribunal de La Haye a estimé que l’endommagement du cadre et de la plaque arrière de la toile, ainsi que le caractère « choquant » de l’action justifiaient les sentences prononcées contre les trois militants.

« N’importe qui peut imaginer la fragilité d’un tel tableau et le fait qu’il aurait pu être perdu si ça avait mal tourné », a expliqué un juge cité par l’agence de presse néerlandaise ANP.

L’un des trois hommes, Wouter M., compte faire appel de cette décision. Il affirme en outre avoir tout entrepris pour éviter d’endommager la peinture de Vermeer. Si les deux autres activistes ne le suivent pas, leur condamnation devra être immédiatement appliquée.

Alerter l’opinion publique

Le coup d’éclat de La Haye intervient à la suite d’actions écologistes en série ayant eu lieu, depuis six mois, dans des musées du monde entier.

Le 4 juillet dernier, à la National Gallery de Londres (Royaume-Uni), deux militants de Just Stop Oil ont par exemple recouvert une toile (sous vitre) de Constable, représentant une nature riante et paisible, d’un papier peint où ce même paysage était traversé d’avions, parsemé d’arbres morts et asséché par le bitume. La main collée au cadre, les activistes ont ensuite expliqué que « le pétrole [allait] détruire nos campagnes ».

Le 18 août suivant, au Vatican, le collectif italien Ultima Generazione (« Dernière Génération ») s’est attaché à la sculpture du Laocoon. Le 9 octobre, c’est un Picasso de la National Gallery of Victoria de Melbourne, en Australie, qui est visé par Extinction Rebellion, deux semaines avant que des militants aspergent de purée de pomme de terre Les Meules de Claude Monet, en Allemagne.

Carte de l' »éclaboussage militant » dans les musées d’Europe et du monde par le fanzine Climax

Ouvertement scandaleuses – les toiles de maître font partie des objets les plus chers et précieux de l’humanité –, mais réalisées sur des peintures protégées, qui n’ont encore jamais été endommagées, ces actions ont toutes pour objectif de montrer à l’opinion publique que la catastrophe climatique et la disparition de la vie sur terre nous importent moins que le sort d’une œuvre d’art.

« Nul ne peut plus ignorer qu’un tableau de Van Gogh a été symboliquement maculé de rouge, mais, hormis ceux qui suivent de près l’actualité environnementale, combien de nos concitoyens savent que Total parachève ces jours-ci des expropriations de masse préalables à la destruction méthodique d’un immense et inestimable biotope en Ouganda, aux fins d’exploitation pétrolière ? » se demande ainsi le journaliste Stéphane Foucart dans une chronique.

Lire aussi : Le Parlement européen s’oppose aux deux méga-projets écocidaires de Total en Ouganda

Fort avec les faibles, faible avec les forts

Dans un communiqué publié le 2 novembre, la branche belge de Just Stop Oil fustige la condamnation de ses militants, et dénonce justement le deux poids, deux mesures de l’État néerlandais, accusé de « collusion » avec l’industrie des combustibles fossiles.

« N’est-il pas ironique, écrit le collectif, que les activistes climatiques qui s’opposent de manière non violente au massacre de la vie sur terre soient condamnés, alors que les écocriminels qui rendent notre planète inhabitable ne le sont pas ? N’est-il pas ironique que ce procès se déroule à quelques centaines de mètres du siège de Shell dont les dirigeants ont, depuis les années 1980, tout fait pour nous convaincre de la bénignité de leurs activités, tout en discutant en coulisses de leur impact catastrophique sur l’environnement ? »

Pour Extinction Rebellion, qui rejoint la position de Just Stop Oil, ces peines « disproportionnées » visent à « avoir un effet dissuasif et paralysant sur les militants du climat, ce qui constitue une attaque inacceptable contre l’espace démocratique ».

« Au lieu de prendre des mesures drastiques pour limiter le réchauffement climatique, les dirigeants européens perdent le peu de temps qu’il nous reste à poursuivre les activistes qui tirent courageusement la sonnette d’alarme », abonde le mouvement écologiste, qui conclut : « Il n’y a pas d’art sur une planète morte. »

Crédit photo couv : Just Stop Oil / Handout / ANADOLU AGENCY / Anadolu Agency via AFP

Augustin Langlade

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