Face au recul des droits des femmes aux Etats-Unis et dans certains pays membres, les eurodéputés ont massivement voté en faveur de l’inscription de l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Pour eux, les pays de l’UE doivent garantir l’accès à des services d’avortement sûrs, légaux et gratuits.
Fin juin, la Cour suprême des Etats-Unis a autorisé une atteinte gravissime aux droits des femmes en enterrant l’arrêt emblématique « Roe v. Wade » datant de 1973 qui garantissait à chaque Américaine la possibilité d’avorter. Depuis l’annulation de cet arrêté, chaque Etat américain peut désormais considérer l’avortement comme illégal.
Amnesty International estime qu’au moins la moitié des États pourrait le supprimer totalement ou presque. Vingt-six États américains ont déjà annoncé prendre des mesures dans ce sens.
Alors que les mesures de dépénalisation et de légalisation de l’avortement prises ces dernières années dans des pays comme l’Argentine, l’Irlande, le Mexique et la Colombie ont constitué une énorme victoire pour la communauté internationale, ce recul grave du droit des femmes américaines a provoqué un tollé. C’est pourquoi le 9 juin, les eurodéputés avaient adopté une résolution demandant le maintien de la décision historique Roe v. Wade.
Face à l’augmentation des financements à destination de groupes anti-genre et anti-choix dans le monde, y compris en Europe, ils ont décidé d’aller plus loin en exigeant ce jour que le droit à l’avortement soit inscrit dans la charte des droits fondamentaux de l’UE par 324 voix pour (155 contre, 38 abstentions). Juridiquement contraignante, cette charte a la même valeur que les traités européens.
De fait, l’IVG est quasi-interdit en Pologne suite à un arrêt du Tribunal constitutionnel, pris en octobre 2020, faisant chuter le nombre de procédures légales de 1 000 à 300 en moins d’un an. Tandis qu’à Malte, les médecins pratiquant un avortement risquent 4 ans de prison et une interdiction à vie d’exercer la médecine. Pour les femmes se faisant avorter, elles peuvent être condamnées jusqu’à trois ans de prison.
La France ne fait pas forcément figure d’exemple en la matière, ainsi les eurodéputés du RN, parti d’extrême-droite français, ont tous refusé de voter en faveur de cette résolution assurant aux femmes « le droit de bénéficier d’un avortement sûr et légal ». En 2002, Jean-Marie Le Pen promettait d’abroger l’IVG s’il était élu. 20 ans plus tard, sa fille s’est opposée à l’allongement du délai de l’IVG, et à l’inscription de ce droit dans la Constitution.
« Les pays de l’UE devraient garantir l’accès à des services d’avortement sûrs, légaux et gratuits, à des services de soins prénataux et maternels, à la planification familiale volontaire, à la contraception, à des services adaptés aux jeunes, ainsi qu’à la prévention, aux traitements et au soutien en matière de VIH, sans discrimination », affirme la résolution.
Selon les estimations de l’OMS, environ 45 % de l’ensemble des avortements sont non sécurisés, dont la grande majorité ont lieu dans des pays en développement. Or, l’avortement non sécurisé constitue l’une des principales causes – mais évitables – de décès maternels et de morbidité. C’est pourquoi il est si important de protéger ce droit.
Une proposition modifiant l’article 7 de la Charte sera ainsi soumise au Conseil afin d’y ajouter que ‘‘toute personne a droit à un avortement sûr et légal’’. Les députés attendent également du Conseil européen qu’il se réunisse pour discuter d’une Convention permettant de réviser les traités afin que l’unanimité des 27 pays membres ne soit plus nécessaire pour modifier les traités européens.
Crédit photo couv : Christophe ARCHAMBAULT / AFP