Le 14 septembre 2021, la City Mayors Foundation a décerné à Philippe Rio, maire de Grigny en Essonne, le titre de meilleur maire du monde. Près de la moitié des 30 000 habitants qui habitent dans sa commune vivent sous le seuil de pauvreté. La ville avait par ailleurs reçu le titre de la ville la plus pauvre de France métropolitaine en 2020. Dans sa lutte contre la pauvreté de la ville et les dégâts causés par la crise sanitaire, le maire a mis en place pas moins de 21 mesures sociales.
Créée en 2003, la City Mayors Foundation, basée à Londres, récompense les élus les plus progressistes sur la lutte contre les inégalités, le développement durable, l’accueil des réfugiés…
Purement honorifique, le titre se base sur le vote de millions d’internautes du monde entier et est décerné tous les deux ans. Le but est de promouvoir un gouvernement local bon, ouvert et fort et d’honorer des maires « exceptionnels ».
Parmi les douze finalistes, le maire de Grigny termine ex-aequo en première place avec le maire de Rotterdam, aux Pays-Bas, Ahmed Aboutaleb.
La fondation lui remet le titre de meilleur maire du monde pour « son combat contre la pauvreté, sa gestion de l’épidémie de Covid-19, et sa lutte contre les inégalités ».
Tann vom Hove, porte-parole de la fondation, estime que le maire « se bat pour la dignité humaine, le respect d’autrui, la tolérance, la paix et la liberté ».
Philippe Rio, fils d’ouvrier et arrivé à l’âge de 6 mois à Grigny, grandit à la Grande Borne, l’une des grandes cités d’habitat social de la ville. Il s’engage tôt dans l’associatif et rejoint le parti communiste en 1995, puis devient maire en 2012.
La méthode de ce maire, comme il le met lui-même en avant, est « de ne plus être dans des logiques de guichet où on attend derrière le bureau, mais au contraire d’aller vers, même l’appartement, pour trouver des situations. »
45% de la population y vit sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 885 euros par mois. La situation sanitaire a par ailleurs empiré la donne. Le taux de demande de RSA a bondi à 20%, tandis que les demandes de tickets alimentaires d’urgence ont augmenté de 30%, tout cela à la fin de l’année dernière.
Dans les grands médias, c’est plutôt pour ces caractéristiques, illustrer la délinquance, les trafics ou le manquement de services publics que la ville tend à être citée à la radio ou à la télévision.
Mais Philippe Rio a tout de suite cherché à améliorer la situation et mis en place de nombreuses mesures : les petits déjeuners gratuits dans les écoles maternelles, 500 repas livrés par jour à domicile, 130 000 masques fournis, l’ouverture de centres de vaccinations sans attendre les consignes, ainsi que des ordinateurs pour les élèves, et la mobilisation de parents et d’éducateurs pour éviter les décrochages des écoliers.
Il explique que son équipe a pu garder contact avec tous les enfants à part un : « On est débrouillards, car gérer des crises, on le fait en permanence. »
Selon lui, la crise sanitaire « continue à enkyster la pauvreté, à détruire des parcours de vie, à fragiliser des enfants, des femmes et des hommes dans notre pays. »
Depuis des années, il affronte les tergiversations de l’administration. Il multiplie les tribunes à la presse, interpelle Matignon et l’Elysée, et dénonce un abandon de l’Etat des banlieues. En 2015, il publie aux côtés d’autres maires un manifeste appelant à réimplanter la République dans les quartiers populaires. Deux ans plus tard, il participe à l’Appel de Grigny, qui dénonce la suppression des aides aux associations et des moyens déployés pour la ville.
Le maire réagit face à ce titre pour franceinfo : « C’est une belle surprise, une belle récompense de la mobilisation d’un collectif car un maire ce n’est pas un super-héros », puis il ajoute : « C’est la récompense du travail, du chemin que nous avons pris, du courage parfois, de l’abnégation. Cela nous donne un élan remarquable. »
Si le maire accepte la récompense comme continuation d’une lutte commune, il l’accepte également avec le sourire pour un titre qu’il désigne comme « anecdotique, mais joyeusement anecdotique ».