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Le Conseil constitutionnel censure le délit d’intrusion dans les universités

Cet amendement, et parfois la loi toute entière, avait provoqué une levée de boucliers dans le monde universitaire, ainsi que de vives critiques de la part de personnalités publiques, qui dénonçaient l’adoption d’un texte scélérat et liberticide aspirant à mettre fin, purement et simplement, à toutes les contestations sur les campus.

Un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pour l’université. Dans une décision publiée lundi 21 décembre, le Conseil constitutionnel a annoncé avoir censuré la disposition la plus controversée de la loi de programmation de la recherche (LPR), qui pénalisait l’intrusion de personnes extérieures sur les campus, compromettant du même coup l’avenir des mobilisations universitaires. 

Début novembre, lors de l’un des nombreux allers-retours de ladite loi au Parlement, le sénateur Laurent Lafon (Union centriste) avait introduit un amendement surprise qui venait pénaliser l’entrave aux débats dans les universités.

Sa rédaction avait ensuite été aggravée en commission mixte paritaire, dernière étape avant l’adoption : le texte définitif sanctionnait ainsi d’un an d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende « le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur sans y être habilité en vertu de dispositions législatives ou réglementaires ou y avoir été autorisé par les autorités compétentes, dans le but de troubler la tranquillité ou le bon ordre de l’établissement ».

Commis « en réunion », ce délit était passible de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

Cet amendement, et parfois la loi toute entière, avait provoqué une levée de boucliers dans le monde universitaire, ainsi que de vives critiques de la part de personnalités publiques, qui dénonçaient l’adoption d’un texte scélérat et liberticide aspirant à mettre fin, purement et simplement, à toutes les contestations sur les campus.

Les parlementaires à l’origine du texte, pour leur part, prétendaient ne viser que « les groupuscules extérieurs » comme les black blocs, accusés de se brancher aux mouvements étudiants dans le but de les faire dégénérer.

Saisi le 27 novembre dernier par un groupe de plusieurs dizaines de parlementaires de gauche, le Conseil constitutionnel a donc décidé de censurer la disposition critiquée (article 38), estimant qu’elle constituait un « cavalier législatif », c’est-à-dire une adjonction sans lien avec le texte initial de la loi, qui ne comportait d’ailleurs aucun versant pénal.

Les Sages se sont justifiés en relevant que, « introduites en première lecture par voie d’amendement, ces dispositions ne présentent de lien, même indirect, avec aucune des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale. Dès lors, sans préjuger de la conformité du contenu de cet article aux autres exigences constitutionnelles, il l’a censuré comme adopté en méconnaissance de l’article 45 de la Constitution (…) »

En ce qui concerne le reste de la LPR, le Conseil constitutionnel a émis une « réserve d’interprétation » (entendre une « clarification ») sur un autre article qui porte création d’une nouvelle voie de recrutement des professeurs d’université, au moyen de « chaires de professeurs juniors ».

La loi prévoyait que les présidents d’université, qui dépendent du ministère de l’Enseignement supérieur, puissent intervenir activement dans le processus de sélection des candidats à ces chaires. Mais les Sages ont estimé que cette disposition était contraire au principe d’indépendance des enseignants-chercheurs et que les chefs d’établissement devront se soumettre aux avis de la commission nationale en charge des titularisations.

Cette clarification du Conseil constitutionnel est importante car elle permet aux enseignants et aux chercheurs de ne pas être subordonnés à un ministère, et donc à l’université de préserver son indépendance du politique.

Ce sont ainsi deux maigres victoires pour les opposants à la loi recherche, que de longs mois de mobilisation n’avaient pas permis d’être entendus.

Augustin Langlade

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