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L’association basque Alda s’attaque à Airbnb pour endiguer la crise du logement

« On n’est pas contre le fait de louer son appartement quand on part en vacances, et qu’on veuille mettre du beurre dans les épinards. Mais les logements vides les trois quarts du temps, ce n’est plus possible. »

Alda est l’association de défense des habitants des milieux et quartiers populaires du Pays Basque. Suite à un minutieux travail d’enquête auprès des habitants, Alda a décidé de lutter contre la crise du logement. Après une première action en juin à Bayonne, Alda a occupé fin septembre un logement Airbnb à Biarritz pour dénoncer une « fraude massive » de la plateforme, et l’impact néfaste des meublés de tourisme permanents sur la capacité de logement des populations locales.

LR&LP : Pouvez-vous présenter l’association basque Alda ?

Xebax Christy : Alda est une jeune association de tout juste un an, fondée le 10 octobre à Bayonne. Elle a pour objet de défendre les intérêts et aspirations des habitants des quartiers populaires. Nous avons vocation à travailler sur l’ensemble du Pays Basque.

Notre approche est de partir du besoin des gens sans venir avec un programme pré-établi, comprendre leurs réalités. Après avoir fondé l’association, on a commencé un travail d’enquête dans les quartiers populaires de Bayonne pour rencontrer les habitants et mieux connaître leur quotidien.

Nous avons aussi édité un trimestriel que nous distribuons en porte-à-porte. C’est un outil pour faire entendre leur voix mais aussi parler d’initiatives positives qui ont lieu dans les quartiers, habituellement délaissés par les médias traditionnels ayant la plus grande audience.

Un de nos objectifs : recréer de l’organisation collective dans les quartiers.

C’est le résultat du travail d’enquête, et l’ouverture d’une permanence, qui nous a fait prendre conscience de l’ampleur de la crise du logement dans le Pays Basque. Les prix sont excessivement tendus avec très peu de logements disponibles à la location à l’année.

KODAK Digital Still Camera

LR&LP : Pourquoi avez-vous décidé de commencer par vous attaquer aux meublés touristiques permanents, et particulièrement à Airbnb ?

Sur la Communauté d’Agglomération Pays Basque (CAPB), en 2017, il y avait 200 000 logements, mais moins des 3/4 d’entre eux étaient utilisés pour vivre à l’année. Depuis, la situation a empiré. Par exemple, il y a aujourd’hui plus de 45000 résidences secondaires !

Sur une estimation basse, on a calculé qu’il y a au moins 6 000 à 7 000 meublés touristiques permanents sur le seul Pays Basque nord, sachant que le parc locatif au Pays Basque est de 43 000 logements, c’est énorme ! Ce sont 6 000 à 7 000 logements qui sont perdus pour les habitants et habitantes.

Au mois de juin, nous avons donc mené une première action à Bayonne pour présenter la campagne avec la pétition « Se loger pas spéculer ». On a occupé symboliquement un appartement de Bayonne où le couple historique, âgé de surcroît, a été mis dehors pour rénover l’appartement et en faire un lieu touristique permanent. Un cas emblématique des problèmes de logement ici !

Ce n’est donc pas strictement un combat contre AirBnb mais contre les meublés de tourisme permanents qui enlèvent des logements à l’année ; et AirBnb en est le symbole le plus représentatif.

On n’est pas contre le fait de louer son appartement quand on part en vacances, et qu’on veuille mettre du beurre dans les épinards. Mais les logements vides les trois quarts du temps, ce n’est plus possible.

L’axe contre les meublés de tourisme permanents a donc été choisi car la Communauté d’Agglomération du Pays Basque (CAPB) peut prendre des mesures supplémentaires qui peuvent changer radicalement les choses, en imposant un règlement qui s’applique aussi aux entreprises !

Surtout, on demande la mise en place du mécanisme de compensation : si vous voulez mettre un appartement en location en meublé touristique permanent, vous devez mettre un autre logement en location à l’année. Ne pas acheter un appartement existant, mais soit construire ou rénover.

Action à Bayonne – Crédit : Alda

LR&LP : Encourager les entreprises et les collectivités à construire toujours plus de logements, sociaux ou non, n’est-il pas un danger risquant d’aggraver l’artificialisation des sols, qui s’étend déjà trois fois plus rapidement que l’augmentation de la population en France ?

A Bordeaux, le règlement de compensation est tellement contraignant que ça en devient impossible. La compensation doit être faite dans le même secteur que celui où vous avez un meublé touristique permanent car cela ne sert à rien de compenser dans des zones où il n’y a pas de problème ! La Ville de Bordeaux interdit également de construire un logement en rez-de-chaussée car ces espaces sont destinés à devenir des commerces de proximité.

En septembre, à Biarritz, on a voulu dénoncer qu’on perd non seulement des logements mais qu’en plus les plateformes se comportent comme des voyous et ne respectent même pas les obligations qui leur sont faites. Nous voulions attirer l’attention sur la fraude sur les numéros d’enregistrement comme c’était le cas pour ce bien qui n’était pas enregistré.

Actuellement les deux tiers des annonces publiées ne diffusent pas ce numéro d’enregistrement, pour la plus grande partie d’entre elles tout simplement parce que les mises en location ne sont pas déclarées.

Si le problème n’a que peu d’importance dans le cas où une personne loue sa résidence principale principale quelques jours ou quelques semaines dans l’année, il en va autrement dans le cas des meublés touristiques permanents, dans le cas des multipropriétaires ou de ceux qui font de la location en meublé touristique un véritable business.

Dans le cas du logement à Biarritz, la propriétaire habite Paris et a confié la gestion du logement à Luckey, une conciergerie filiale d’Airbnb qui prétend s’occuper de tout, de la remise des clés au ménage de départ. Vous pouvez désormais acheter un logement que vous n’avez jamais vu dans un endroit attractif comme Biarritz et en confier la gestion complète à Luckey.

Pendant qu’on y était, le numéro d’enregistrement a été publié sur l’annonce ce qui fait qu’on a décidé d’arrêter l’action. En modifiant l’annonce pendant l’occupation d’Alda, Airbnb reconnaît de fait qu’il avait ce numéro en sa possession, qu’il lui était possible de le publier aisément et que c’est donc volontairement qu’il ne l’avait pas fait jusque-là.

Ce n’est pas un cas isolé. Airbnb vient d’être condamné à plus de 8 millions d’euros d’amende à Paris pour cette même infraction.

Maintenant que leur progression est bloquée dans les grandes villes du fait des dispositions règlementaires, Airbnb fait de la pub pour se développer sur des secteurs comme le nôtre, et se re-déploie en force sur les petites communes du littoral et les zones rurales, ce qui correspond exactement au Pays Basque.

Crédit : Alda
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LR&LP : Quelle a été la réaction des élus ?

On a une bonne écoute des élus qui se rendent bien compte du problème. Au mois de juillet, on a été reçu par des élus de la CAPB avec le Président et ses deux vice-présidents à l’habitat et au tourisme, un autre élu en charge des questions, ainsi que plusieurs chefs de service des équipes techniques. On a pu leur expliquer notre campagne, bien présenter le plaidoyer et notre demande de mettre en place la compensation.

Depuis, ils nous ont confirmé avoir fait une analyse juridique pour vérifier qu’ils étaient bien en mesure de légiférer sur les meublés touristiques permanents, que c’était validé de leur côté. Ils devraient mettre en place la compensation d’ici la fin de l’année.

La représentante de Biarritz au Conseil communautaire a même pris la parole pour dire qu’il ne faut pas laisser la situation s’envenimer : on sent donc une volonté politique mais on va surveiller que le règlement soit bien contraignant et efficace.

La situation est tellement tendue aujourd’hui que les meublés de tourisme permanents font perdre trop de logements au parc locatif ce qui le met en tension, fait monter les prix des loyers et de vente, entraîne la spéculation foncière, des nuisances pour les habitants. Cela ne fait même pas vivre le commerce local comme il faut car ce type ce clientèle n’y va pas forcément.

C’est la mort de la vie de quartier, les élus ont compris qu’il faut intervenir. Les seuls qui y trouvent leur compte sont les loueurs !

Ce n’est pas une démarche CONTRE le tourisme, mais il faut le faire de façon harmonieuse et intelligente qui fasse sens, il ne faut pas que le développement touristique se fasse au détriment de l’économie et de la vie locale.

Le rocher de la Vierge à Biarritz – Crédit : Pierre Archi
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LR&LP : Quelle est la suite de la campagne ?

Obtenir la régularisation d’une annonce alors qu’il en reste au moins 10 000 dans la même situation en Pays Basque est une petite victoire, mais avec une portée symbolique très forte. Il faudra maintenant poursuivre les mobilisations pour que les communes s’emparent de ce problème de transparence, de contrôle et de sanction des annonces illégales, et surtout se mobiliser pour faire en sorte que le prochain règlement de la CAPB soit efficace et vienne réellement mettre un coup d’arrêt aux meublés touristiques permanent.

Une grande manifestation est prévue samedi 20 novembre à Bayonne sur la crise du logement, à l’initiative de plusieurs organisations pour montrer que c’est une question centrale qui touche toute la population. Cette crise est tellement complexe que la société civile a besoin d’unir ses forces pour la résoudre.

On veut absolument gagner cette bataille de la compensation d’ici la fin de l’année, car j’ai parlé de 6000 à 7000 logements meublés permanents, si on obtient une compensation contraignante non seulement il n’y en aura pas d’autres mais en plus on va surement pouvoir en récupérer !

Des milliers de logements d’un coup ! Sans rien construire, sans artificialiser de sols, c’est bien mieux que ce qu’on prévoit en une année, et c’est à coût zéro pour les communes, et calmer l’envolée des prix sur les locations, c’est pour ça qu’on veut gagner cette bataille maintenant.

Réponse d’ici la fin de l’année avec le vote du règlement de compensation. On n’a pas encore de certitude sur le dénouement, mais on pense vraiment qu’il faut agir vite et frapper fort car la situation est invivable pour de trop nombreuses familles ! On n’a pas envie de laisser trois mois de plus aux plateformes pour trouver des parades.

Laurie Debove

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