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L’Alsace-Moselle a planté 90 000 arbres chez les agriculteurs pour lutter contre l’érosion des sols

En plus de leur aspect sécuritaire face à l’érosion des sols, ces aménagements permettent de réintroduire toute une biodiversité disparue, grâce à la nourriture et aux habitats présents pour la faune.

Face à une problématique d’érosion des sols de plus en plus présente, l’Alsace-Moselle a travaillé de concert avec les agriculteurs pour reboiser le territoire et lutter au mieux contre le phénomène. Au total, depuis 15 ans, près de 90 000 arbres ont été plantés dans la région. Un reportage de Juliette Boffy.

Un travail amorcé il y a 20 ans

Qu’il s’agisse du cornouiller sanguin, du noisetier, de l’érable champêtre, de l’épine noire ou du cerisier, tous, et bien d’autres encore, sont aujourd’hui présents en nombre sur les sols alsaciens.

Le résultat d’un plan d’adaptation de grande envergure visant à limiter les impacts liés à l’érosion à travers la plantation d’arbres : des essences variées et locales, dont la principale caractéristique est leur capacité à faire des rejets – soit de nouveaux points de pousse – lorsqu’on les coupe à ras.

Une particularité qui permet aux terres où elles sont implantées de se défendre efficacement face aux phénomènes climatiques et météorologiques intenses et récurrents. C’est en 2004 que la technique a été observée en Normandie.

« Nous nous sommes basés sur des travaux universitaires réalisés dans cette région pour vérifier l’efficacité de ces aménagements à travers des secteurs tests, se souvient Franck Hufschmitt, directeur de la Gestion durable des bassins versants, Syndicat des eaux et assainissement d’Alsace Moselle (SDEA) auprès de La Relève et La Peste. Nous avons vu, qu’une grosse partie des sédiments présents à la suite d’événements météorologiques étaient retenus grâce aux plants de haies ou d’arbres. »

Depuis les 30 dernières décennies, l’Alsace se heurte à plusieurs facteurs défavorables concernant ses sols. D’abord, une problématique d’ordre climatique.

« À partir des années 2000, il y a eu un décalage des orages estivaux violents, qui, d’habitude, survenaient plutôt aux alentours du 15 août. Aujourd’hui, ils sont là dès le mois de mai », explique Franck Hufschmitt pour La Relève et La Peste.

Ensuite, l’occupation du sol et les pratiques agricoles. Avec le développement des cultures dites de printemps, comme celles du maïs ou de la betterave, le sol a dû être travaillé de façon bien plus précoce. Par ailleurs, avec les nouvelles technologies, il est devenu de plus en plus fin, dans le but de garantir une bonne levée des graines, à hauteur de 95 %.

« Il y a aussi les remembrements, qui ont augmenté la taille des parcelles et qui ont décimé les talus, les haies… cela a engendré un appauvrissement de la matière organique dans le sol, que l’on ne trouvait pas avant avec le poly-élevage », précise le membre du SDEA pour La Relève et La Peste.

Enfin, la bétonisation des terres. Auparavant résilients face aux coulées de boue grâce aux sols faits de terre, les villages et habitations sont aujourd’hui confrontés à des phénomènes d’inondations, beaucoup plus coûteux et contraignants, depuis que le ciment a recouvert les rez-de-chaussée, les sous-sols ou les terrasses.

Par ailleurs, on retrouve dans les sols d’Alsace la présence de lœss, un limon calcaire formé de sédiments déposés par le vent, caractéristique des terres fragilisées soumises à la battance : le sol, n’étant pas protégé de la pluie, se désagrège suite à la formation d’une croûte.

Une haie dans le champ d'un agriculteur

Une haie créée à Neugartheim – Crédit : Syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace-Moselle

Une adaptation des techniques agricoles

C’est pourquoi, face à ce constat, le SDEA a entrepris un plan d’aménagement coopératif avec les acteurs de la profession agricole et la Chambre d’agriculture d’Alsace sur les différentes problématiques de ces sols depuis une vingtaine d’années maintenant. L’idée étant, à terme, de faire évoluer les pratiques agraires en incitant les exploitants à développer des cultures alternatives au labour, ce que l’on appelle des techniques culturales simplifiées.

« Elles permettent de seulement gratouiller le sol et laisser des résidus de paille en surface pour le protéger de l’érosion. Cela nécessite des modifications d’état d’esprit, de l’acquisition de nouveau matériel. Tout cela prend du temps et exige de la pédagogie », précise le directeur de la Gestion durable des bassins versants.

En effet, les exploitants, habitués à des pratiques presque séculaires de labour, doivent accepter d’essayer de nouveaux engins, d’échouer, de voir leurs parcelles moins propres, mais aussi et surtout d’éventuellement perdre en rendements le temps de s’adapter au changement climatique.

Tout au long du processus, les agriculteurs sont par ailleurs accompagnés à plusieurs niveaux avec le « versement dune indemnité de perte de surface sur lemplacement de laménagement », un « suivi des conventions, des paiements et des travaux » ou encore l’ « entretien régulier maintenant les capacités de filtration, daccueil de la faune et de la réduction de limpact sur les terres arables ».

Haie de petits arbres en Alsace

Plantation de haie à Morschwiller – Crédit : Syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace-Moselle

« Développer des solutions fondées sur la nature »

« On a souhaité développer des solutions fondées sur la nature, où l’objectif principal est d’ajouter de la rugosité dans le paysage, faire en sorte que les champs ne soient pas des autoroutes pour l’eau », ajoute Franck Hufschmitt pour La Relève et La Peste.

Après un premier travail préalable de sensibilisation auprès des agriculteurs, donc, c’est en 2008 que les premiers fagots de bois, appelées les fascines, ont été installés. Ainsi, lors des épisodes orageux ou pluvieux violents, l’eau rencontre des obstacles en s’écoulant à travers les vallons et s’infiltre mieux dans le sol.

Une haie borde le champ d'un agriculteur en Alsace

Une fascine pleine de vie à Ringendorf – Crédit : Syndicat des eaux et de l’assainissement Alsace-Moselle

Petit à petit, l’acceptation de cette mesure par la profession agricole a permis aux équipes du SDEA d’ajouter du vivant à ces aménagements, avec la plantation de haies, qui viennent prendre le relais des fascines, ces dernières ayant une durée de vie de 5 ans environ. Un processus qui a progressivement amené à la plantation d’arbres.

« Que ce soit en interne ou avec laide dun bureau d’étude, les techniciens sont à la recherche des endroits les plus judicieux pour faire les aménagements. Ensuite, ils organisent des réunions en concertation avec les exploitants agricoles qui pourraient être concernés par ces ouvrages d’hydraulique douce », poursuit Franck Hufschmitt pour La Relève et La Peste.

Ces mêmes techniciens négocient enfin les autorisations pour le SDEA de les implanter. Un travail de long terme qui a permis d’atteindre aujourd’hui 90 000 arbres plantés sur tout le territoire. En plus de leur aspect sécuritaire face à l’érosion des sols, ces aménagements permettent également de réintroduire toute une biodiversité disparue, grâce à la nourriture et aux habitats présents pour la faune, qui fait d’ailleurs l’objet d’un suivi scientifique de la part du SDEA.

« Nous continuons de planter puisque cela fonctionne. L’objectif aujourd’hui est d’aménager de plus en plus de communes mais aussi de compléter les anciennes », conclut Franck Hufschmitt.

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