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La ZAD de la Dune expulsée et brûlée en plein confinement, ses habitants rejetés dehors sans protection sanitaire

Au total, le port de plaisance va détruire une partie du Marais Girard, zone naturelle d’expansion des crues et havre de biodiversité, une ferme en agriculture biologique, et… une réserve d’eau douce de 340 000m3 !

Depuis le mois d’octobre 2019, la lutte s’est intensifiée entre les protecteurs de la dune et les partisans du port de plaisance à Brétignolles-sur-Mer. Hier soir, elle a atteint un paroxysme avec l’évacuation militaire des habitants de la ZAD de la Dune, embarqués et rejetés à pieds en pleine nuit, à parfois à 1h30 de route.

Pro-ports contre protecteurs de la dune

L’histoire de Brétignolles-sur-Mer devient le symbole de la façon dont est traitée l’opposition à un projet d’aménagement urbain qui refuse de conduire des consultations publiques en bonne et due forme. C’est avant tout l’obstination d’un homme politique, Christophe Chabot, Maire de Brétignolles-sur-Mer et Président de Communauté de communes du Pays de Saint-Gilles-Croix-de Vie, à construire un Port coûte que coûte.

Pour rappel : Pour construire le port et creuser un chenal, les travaux ont déjà commencé à enlever une dune de sable pleine de vie et protectrice du littoral, et coupé des arbres centenaires. Au total, le port de plaisance va détruire une partie du Marais Girard, zone naturelle d’expansion des crues et havre de biodiversité, une ferme en agriculture biologique, et… une réserve d’eau douce de 340 000m

Les tensions étaient déjà vives entre ceux qui soutiennent le projet du Port, et ceux qui sont contre. Il est difficile d’estimer avec précision qui sont les plus nombreux. « Brétignolles veut son port » revendique 2200 adhérents mais n’en avait réuni que 550 lors d’une de ses réunions. Les associations qui défendent la dune sont La Vigie (1000 adhérents), Demain Brétignolles (+1000 personnes), Surfrider Vendée (+1900 soutiens sur Facebook), et l’association Pleine Mer.

Pour les premiers concernés, à savoir les résidents de Brétignolles-sur-Mer, il n’est pas évident de savoir avec certitude quelle opinion l’emporte en majorité, surtout face aux pressions subies par certains habitants. Mais c’est la création d’une Zone A Défendre, la ZAD de la Dune, qui a cristallisé toutes les tensions jusqu’au délogement militaire, hier soir, suite à un désaccord entre zadistes et forces de l’ordre. Selon nos sources :

« L’intervention d’hier n’était pas prévue. Elle fait suite à une altercation du matin d’un habitant de la dune contre deux personnes en voiture qui en reculant ont écrasé son chiot d’un mois, et à l’attaque avec des barres de fer des deux voitures de la gendarmerie qui sont intervenues. »

Cette escalade des tensions a servi à la justification du délogement militaire d’hier soir. Dans leur communiqué, les zadistes de la Dune regrettent cette perte de sang froid face au décès du chiot mais dénoncent fermement la proportion de la réponse donnée en représailles.

« Dès le début, les pro-ports ont mené une vaste campagne de harcèlement en taguant les maisons de ceux qui préfèrent la dune, les voitures et les camions des zadistes, et en accusant les habitants opposés au Port d’avoir demandé aux zadistes de venir alors que nous sommes venus pour défendre la dune en paix, et empêcher que les travaux la détruisent totalement. Nous avons plein de questions sur la légalité de cette évacuation. » confie un protecteur de la dune au téléphone pour La Relève et La Peste

Les bâtiments brûlés par les « bénévoles »

Un délogement militaire en plein confinement

En effet, comment justifier légalement une telle démonstration de force en pleine période de confinement et de crise économique sans précédent ? La vingtaine de résidents de la ZAD a été embarquée dans différentes gendarmeries pour contrôles d’identité. Certains sont ressortis dans la soirée avec une autorisation de dormir dehors pour la nuit, d’autres sans aucune attestation et susceptibles d’avoir une amende pour infraction au confinement… Tous les animaux ont été embarqués par la fourrière.

France Bleu décrit un dispositif déployé « impressionnant selon un témoin » : gendarmes, PSIG, hélicoptère et drones.

« Alors que la priorité des autorités devrait être d’ordre sanitaire, l’état paye le prix, par nos impôts, d’une opération militaire au moment même où le manque si primordial de tests, de respirateurs, de masques de protection pour les soignant.e.s et la population est incompréhensible. Pour rappel, une heure de vol d’un hélicoptère de gendarmerie peut coûter jusqu’à 4000€. » détaillent les zadistes

Les camions et les animaux ont tous été embarqués

« Demain Bretignolles », la liste d’opposition municipale qui ne soutient pas officiellement les zadistes mais défend elle aussi la dune, s’est inquiétée des 70 « bénévoles » civils recrutés par le maire pour incendier les cabanes construites par les zadistes, et imposer le déménagement des lieux squattés.

« Je m’interroge sur ce rassemblement de personnes en plein confinement. Ont-elles obtenues une dérogation spéciale ? Des mesures drastiques ont été mises en place, sur les marchés, les commerces, et les déplacements, afin de lutter contre la propagation du coronavirus. Le gouvernement demande à la population de les respecter. Quant est-il de cet appel d’un maire à contrevenir à ces mesures de confinements et aux mesures barrières ? » demande ainsi Martine LUCÉ, la Présidente de l’association, au Préfet

Toute la ZAD a été brûlée

Autre inconnue : les incendies allumés pour brûler les habitations et affaires personnelles des zadistes sont-ils bien légaux ? Si la presse parle d’un « démantèlement », le vocabulaire est trompeur : brûler ainsi jusqu’aux bâtis de la Ferme de la Normandelière fait plus penser à un grand feu de joie revanchard qu’à une expulsion encadrée.

« Puisque nous refusons la construction de ce port infâme et élitiste ainsi que tous les projets industriels, puisque nous refusons le coup d’état pandémique qui suivra la crise du coronavirus, puisque nous refusons le monde qu’ils veulent nous imprimer à coups de matraques, notre détermination ne sera jamais entamée par quelques cabanes brûlées. Nous continuerons à nous battre partout et toujours contre leur capitalisme imbécile, fantasmatique et violent. »

Depuis hier soir, certaines personnes ont pu récupérer leurs compagnons à quatre pattes; tandis qu’Elizadeth, la truie sauvée de l’abattoir, a trouvé une nouvelle propriétaire. Ils sont en revanche nombreux à avoir retrouvé leurs camions défoncés à coups de barre de pieds de biche, fenêtres cassées, moteurs troués. Les voilà donc privés de leur lieu d’habitation et laissés sans abri alors que le mot d’ordre sanitaire est le confinement de la population. Les travaux du Port, eux, sont censés reprendre à l’automne.

Mais le vrai cœur du problème ne doit pas être occulté par cette démonstration de force militaire. Ce projet a été imaginé en 2002, il y a 18 ans. Mais depuis, tout a changé. Alors que nous vivons la sixième extinction de masse, une pandémie sans précédent, que la population est confinée, que notre système de santé public est à l’agonie et qu’une crise économique s’installe déjà dans tous les pays du monde : la France a-t-elle vraiment besoin d’un port supplémentaire d’un coût estimé, au plus bas, à 43 millions d’euros ?

Laurie Debove

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