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La Ville de Marseille emmène ses citoyens en voilier pour les reconnecter à la mer

Ce monde sous-marin mêle à la fois des phases de blessures mais aussi de cicatrisations. « On se rend compte que si on se donne les moyens, des indicateurs positifs en découlent » affirme le scientifique.

Le 13 décembre, l’équipe du débat public « La Mer en débat » et l’association Marseille Capitale de la Mer organisaient une journée inédite de débats publics autour des enjeux maritimes à bord de voiliers. Des personnes qui ne se seraient peut-être jamais croisées ont pris part à cette expérience pour une rencontre qui donne la parole à chacun sur un thème commun : la mer. Organisée sur l’eau, c’est une première en France.

Une rencontre démocratique sur l’eau

Créée en 2019, Marseille Capitale de la Mer est une association qui fédère les forces vives du territoire pour valoriser la mer comme ressource urbaine durable. L’association veut créer en 2024 et 2025 des temps forts, à travers des actions utiles et pérennes issues de cette intelligence collective fondés sur trois valeurs : la coopération, l’inclusion et l’éco-responsabilisation.

« Aujourd’hui à Marseille pour accéder aux bateaux, il faut des digicodes, des codes de carte bleue, ou des codes sociaux. Un événement comme celui-ci permet de craquer le code de la mer » déclare Flavia Faggiana, co-fondatrice de Marseille capitale de la mer, skippeuse et organisatrice de cette journée sociale et solidaire.

C’est au petit matin qu’une centaine de personnes : citoyens, usagers de la mer, étudiants, entreprises, associations et professionnels, se sont donnés rendez-vous pour prendre part à cet exercice démocratique. Une dizaine de voiliers prêts à les embarquer les attendent sur le port. L’avenir de la mer, du littoral, de la biodiversité marine et de l’éolien en mer sont les grandes thématiques abordées lors de la traversée.

Une navigation autour de la biodiversité sous-marine

À bord du voilier, l’expérience commence par une découverte participative, où le skipper initie le groupe au maniement de la barre de contrôle et de l’installation de la voile. C’est au rythme des vagues et bercé par le Mistral, que le sujet de la biodiversité et de la protection du littoral méditerranéen s’engage.

Thomas Changeux, scientifique et directeur adjoint de l’Institut méditerranéen d’Océanologie lance le débat par un état des lieux de cette zone côtière. « Depuis 2012, le parc national des Calanques et la côte Bleue sont protégés. C’est assez inédit puisqu’ils sont limitrophes avec une grande ville ». À Marseille, la pression est forte. Susceptible d’être énormément polluée, la plus grande ville de la Méditerranée doit instaurer de grandes mesures de protection.

« Dans cet espace, la pêche a été interdite, le braconnage est surveillé, les plongées régulées, les souches de pollutions sont contrôlées, et les espèces et leurs habitats protégés » indique Thomas.

La préservation de la biodiversité passe à la fois par la protection, mais aussi par l’ingénierie écologique qui permet de reproduire les habitats marins, véritables bio indicateurs. Il insiste sur l’enjeu primordial de préserver et développer les posidonies.

« Ces prairies de mer représentent un garde-manger considérable pour les espèces et un site de fréquentation des bébés ».

Puisque la connaissance est la base de la protection, le défi repose sur la mise en place de moyens de contrôle, le suivi et le recueil de données scientifiques. « Les plans de gestion sont évalués tous les cinq ans, c’est le temps qu’il faut pour étudier et tirer des conclusions. Par exemple, remarquer la présence de poissons géniteurs dans la durée démontre que la situation s’améliore » explique le spécialiste.

Ce monde sous-marin mêle à la fois des phases de blessures mais aussi de cicatrisations. « On se rend compte que si on se donne les moyens, des indicateurs positifs en découlent » affirme le scientifique. Malgré une diminution de certaines espèces, on observe une recrudescence de la chaîne alimentaire marine et pas moins de 400 récifs de nouveau colonisés, qui favorisent les organismes et permettent à la nature de reprendre ses droits. L’espace est de nouveau fréquenté par certains poissons, comme le thon rouge de Méditerranée alors qu’il était en train de disparaître.

Thomas continue en expliquant que « La protection a réellement commencé dans les années 60, quand les gens ont compris que les stocks naturels étaient limités. Mais il reste beaucoup à faire, en commençant par l’arrêt du chalutage. Toute la communauté scientifique est unanime là-dessus».

Le problème vient également de la pêche de loisir. De plus en plus de personnes ont accès à la mer et s’approprient cette activité qui menace la biodiversité. « Il faut agir sur ce point, même si des réglementations ont vu le jour ».

« Une exploitation durable permet de favoriser le renouvellement. Il est donc nécessaire de concevoir ensemble des règles et de définir des objectifs » finit-il, une fois le voilier revenu à quai.

L’avenir de la mer pensé par les citoyens

La traversée étant terminée, l’heure du débat sur les solutions à apporter a sonné. De nombreuses idées surgissent de l’esprit du groupe pour pallier aux différents problèmes. Le port et le littoral pollués par les déchets qui viennent de la terre, notamment déversés pendant les périodes de Mistral, nécessitent une meilleure dépollution « grâce à l’installation de filets ou de techniques innovantes visant à filtrer les microplastiques » lance l’un des participants.

La gérante d’une association de plongée affirme qu’il faut « développer des infrastructures gratuites pour les professionnels concernant la gestion des déchets mais aussi des bouées ». En effet, les bouées manquantes ne leur laissent pas d’autre choix que de jeter de l’ancre. « Une meilleure sensibilisation des bateaux de loisirs devrait être intégrée dans les formations » indique l’un membre de l’association.

Un marin va encore plus loin en insistant sur le fait qu’il faut traiter le problème à la source en favorisant l’accès à la mer : « l’éducation à la préservation de la biodiversité doit se faire dès la maternelle, directement en bord de mer pour encore mieux intégrer les enjeux. »

Au large, entre les bateaux de tourisme et les navires du trafic maritime, il n’y a pas vraiment de protection. Alors comment limiter leur fréquentation, leur vitesse et leur son qui perturbent la vie sous-marine ? Ce sont des sujets qui sont actuellement étudiés.

Organisées sous la coupe de Marseille Capitale de la Mer, de nombreuses autres initiatives visant à sensibiliser sur l’environnement, rendre la navigation accessible au grand public et créer des liens ont été imaginées. Comme le projet « Un pas vers la mer » qui a initié plus de 450 enfants, « la Régate des Possibles » qui embarque employeurs et candidats pour un job dating autour des métiers de la mer ou encore la démarche de cohésion sociale « Rencontres en mer » qui permet à tous de partager une expériences sur des voiliers de propriétaires, d’associations et de professionnels pour créer des passerelles entre personnes d’horizons éloignées.

Chloe Droulez

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