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La Rivière : « Quand l’homme n’aura plus rien à boire, il s’affolera plus que pour les poissons »

« Il y a une phrase de Patrick Nuques dans le film qui m’a beaucoup marquée. Quand il parle de la dégradation des rivières, il dit qu’on ne s’en rendait pas compte car il n’y avait pas d’inventaire. C’est hyper important aujourd’hui de poursuivre cette tâche, de faire des cartographies et des inventaires de zones humides, d’espèces végétales et animales. C’est tout ce qu’il nous reste pour nous opposer aux projets destructeurs des milieux. Et j’espère que dans quelques années, on fera des inventaires pour voir l’évolution et l’augmentation des espèces »

Les rivières irriguent le territoire mais sont trop largement ignorées. Avec son nouveau film « La Rivière », Dominique Marchais rend hommage à ces écosystèmes méconnus. En suivant le parcours d’hommes et de femmes dédiant leur vie à les préserver, il nous invite à plonger au cœur de ces supports de vie, dont l’existence est désormais menacée.

Les rivières, des écosystèmes complexes

Cette histoire n’est pas à propos d’une seule rivière mais bien de toutes ces rivières puissantes qui coulent entre Pyrénées et Atlantique, qu’on appelle les gaves. De nos jours, les champs de maïs les assoiffent, les barrages bloquent la circulation du saumon. L’activité humaine bouleverse le cycle de l’eau et la biodiversité de la rivière. C’est pourquoi dans le film « La Rivière » de Dominique Marchais, des hommes et des femmes tendent leur regard curieux et amoureux vers ce monde fascinant fait de beauté et de désastre.

« J’ai voulu faire un film sur les gaves pour faire un film sur les rivières en général. C’est important de préciser les gaves car je n’ai pas voulu faire le portrait d’une seule rivière, mais faire comprendre que l’objet d’étude à penser est le bassin versant, le réseau hydrographique. » explique Dominique Marchais pour La Relève et La Peste

A travers ce film, le spectateur apprend à regarder la rivière comme la partie visible et superficielle d’un réseau qui prend sa source dans les glaciers, sinue dans les plaines, se poursuit dans les sols par la connexion entre les nappes phréatiques et les rivières, dans les végétaux et les berges alentours.

En France, les rivières sont de plus en plus fragilisées par les activités humaines, à tel point que certaines d’entre elles sont désormais en péril : leur débit est bouleversé et leur niveau baisse de façon alarmante. Pratiques agricoles industrielles, barrages hydroélectriques, pêche industrielle et dérèglement climatique sont autant de menaces qui asphyxient les rivières et tuent à petit feu la biodiversité.

« L’hydroélectricité fragmente la rivière et sa morphologie car elle empêche la circulation des sédiments, les sables et les graviers qui reconstituent en permanence le lit de la rivière. Autre effet négatif, les barrages hydroélectriques contribuent à l’augmentation de la température de l’eau dans un contexte de réchauffement climatique par la réduction des débits, en créant des « rivières en escalier » détaille Dominique Marchais pour La Relève et La Peste

Profondément transformées par les ouvrages de l’humain, les rivières actuelles n’ont plus rien à voir avec antan, à une époque où les poissons pouvaient remonter librement leur cours et pondre dans des frayères saines et pleines de vie pour perpétuer l’espèce. Des efforts monumentaux sont menés par les associations et les services de l’Etat pour repeupler les rivières d’espèces emblématiques comme les saumons.

Au-delà du constat alarmant, c’est le travail de ces hommes et ces femmes qui est détaillé par le film « La Rivière ». Des démarches judicieuses sont entreprises pour restaurer les écosystèmes : cultiver un maïs ancien nécessitant peu d’irrigation, détruire les barrages inutiles et empêcher de nouveaux projets hydroélectriques, lutter contre la pêche industrielle et ses ravages…

Restaurer les rivières 

En filigrane, tout le long du film, c’est ainsi la question de l’amnésie environnementale qui se pose. Comment la population peut-elle s’émouvoir de la destruction d’un milieu si elle ne se souvient pas de ce qu’il fut autrefois ? Nous avons presque tout oublié, à l’exception de rares personnes comme Patrick Nuques, l’un des directeurs du Parc National des Pyrénées qui connaît les gaves depuis son enfance. Maigre relique de ce que le gave était autrefois, l’homme est surpris quand il peut le traverser à pied tellement son niveau a baissé.

« Je n’aurais jamais cru que je pourrais le traverser en bottes un jour… Quand l’homme n’aura plus rien à boire, il s’affolera plus que pour les poissons » confie-t-il devant la caméra de Dominique Marchais

Dans le film, les acteurs de terrain ne voient pas seulement la rivière avec leurs yeux, mais aussi avec leurs sens, parfois aidés par des outils. Comme Manon Delbeck, qui travaille pour une association de pêche du Pays basque et veille sur des dizaines de kilomètres de linéaires de rivières. Lors d’une séquence où elle pêche à la ligne, on s’émerveille de la façon dont elle « sent » le poisson du bout de ses doigts tenant le filin. Les chercheurs du CNRS, eux, utilisent des lasers et spectomètres pour retracer l’histoire récente et invisible des salmonidés.

 « Sur l’amnésie environnementale, la question du point de référence était au cœur du projet de film. Tous les historiens ont conscience qu’on vit dans une bulle de temps qui remonte jusqu’aux grands-parents et qu’avant on oublie. Daniel Pauly, océanographe très connu (et co-auteur de notre livre-journal Océans, ndlr) parle d’un point de référence glissant dans le temps. Il a travaillé dessus pour tenter de déterminer quel était l’optimum halieutique dans les océans, c’est à dire à quel moment il y avait le plus de poissons, baleines et autre créatures dans l’Océan Atlantique.

C’est pour cette raison que je me suis toujours beaucoup intéressé à la pratique des inventaires. La première séquence du film est un ramassage de déchets plastiques le long des berges. J’ai voulu la filmer, pas seulement pour voir des gens qui nettoient la rivière, mais parce qu’ils suivent un protocole très précis, qu’ils trient, qu’ils pèsent, ce qui permet de voir l’évolution dans le temps de ces déchets. » précise Dominique Marchais pour La Relève et La Peste

Autres inventaires que l’on peut suivre : le nombre de poissons par la fédération de pêche, celui de papillons de nuit par l’Office Français de la Biodiversité, ou encore la chimie des cours d’eau par les chercheurs.

« Il y a une phrase de Patrick Nuques dans le film qui m’a beaucoup marquée. Quand il parle de la dégradation des rivières, il dit qu’on ne s’en rendait pas compte car il n’y avait pas d’inventaire. C’est hyper important aujourd’hui de poursuivre cette tâche, de faire des cartographies et des inventaires de zones humides, d’espèces végétales et animales. C’est tout ce qu’il nous reste pour nous opposer aux projets destructeurs des milieux. Et j’espère que dans quelques années, on fera des inventaires pour voir l’évolution et l’augmentation des espèces » souhaite le réalisateur auprès de La Relève et La Peste

Avec le film « La Rivière », Dominique Marchais nous propose une plongée rafraîchissante et galvanisante pour faire attention à nos milieux : d’abord par le regard, mais aussi par le soin pour une véritable « écologie de l’attention ».

Laurie Debove

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