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La résistance s’amplifie contre Decathlon, qui veut bétonner 17ha de terres agricoles vers Montpellier

En réponse au groupe Mulliez, la Confédération Paysanne de l’Hérault et le collectif Oxygène défendent un projet agricole alternatif qui permettrait d’employer sur le long terme une trentaine de personnes. Il regrouperait des activités de maraîchage, un petit élevage « type poules pondeuses », de l’arboriculture, de transformation et distribution en circuit court vers la métropole montpelliéraine.

A Saint-Clément-de-Rivière, le groupe Mulliez prévoit de construire un énorme centre commercial « sport et bien-être » à moins de dix kilomètres de Montpellier, déjà bien pourvu en complexes de ce genre. Sur 24 hectares, le groupe veut en bétonner 17 agricoles pour développer quatre hyper surfaces : Decathlon, Truffaut, O’Terra et une enseigne encore inconnue. Afin de sauver ces terres nourricières et la forêt, un collectif de citoyen.ne.s et paysan.ne.s se bat depuis plus de six ans contre ce projet.

Préserver les terres nourricières

Vendredi 25 septembre, 200 personnes ont semé à la volée de l’orge sur 2 hectares et planté une dizaine d’arbres fruitiers sur le site pour rappeler ce fait essentiel : les terres qui doivent être bétonnées ont beau avoir été déclassées pour devenir constructibles, elles restent des terres nourricières. Un bien commun à préserver absolument pour bâtir l’autonomie alimentaire d’une métropole de 457 839 habitants.

« Il faut savoir qu’ici, les terres ne sont plus classées comme des terres agricoles mais sont toujours exploitées par des agriculteurs. Parce qu’elles sont fertiles ! » explique Jean-Michel Hélary, membre du collectif Oxygène, pour La Relève et La Peste

Semis d’orge à la volée – Crédit : Confédération Paysanne de l’Hérault

Preuve en est, sur les 24 hectares prévus pour le méga-complexe « bien-être et sport » de la famille Mulliez (propriétaire des Auchan, Decathlon, Leroy-Merlin etc. au chiffre d’affaires annuel de 85 milliards d’euros), environ 3 hectares seront tout de même gardés pour des activités agricoles.

Au total, 6 à 7 hectares seront laissés à peu près intacts, dont un bois dans lequel sera construit un parc accrobranche, alors qu’il en existe déjà un à seulement quelques kilomètres.

Le reste des terres est destiné à être bétonné pour accueillir parkings, entrepôts et locaux des immenses surfaces commerciales, dont Décathlon (5 250m2), Truffaut (7 924m2) et O’Terra (903m2) ainsi qu’une enseigne culture-loisir qui n’est pas encore définie.

Egalement prévus : des bassins de rétention d’eau pour prévenir les risques d’inondations et « une grande surface de circuits courts » qui inquiète les paysans locaux par la forte concurrence qu’elle risque d’engendrer.

Le groupe Mulliez a beau présenter le projet comme « un futur lieu de vie autour du sport, des activités de plein air, de la culture et des loisirs, de la santé, du bien-être et du bien manger », le collectif Oxygène dénonce une opération de greenwashing et défend la vocation agricole du terrain des Fontanelles.

Plantation d’arbres fruitiers lors du 25 septembre – Crédit : Confédération Paysanne de l’Hérault

Un combat écologique, agricole et social

Formé fin 2014, lorsqu’ils ont découvert les panneaux indiquant la présence du futur projet commercial, les militants du collectif Oxygène se battent depuis six ans pour empêcher le projet de voir le jour : pétition, actions sur le terrain, réunions d’information et de sensibilisation, et recours en justice.

« Au départ, c’était un cri du cœur : ne pas laisser détruire un si beau vallon avec un bois au milieu. Puis on a très vite réalisé l’ampleur des enjeux : l’extermination d’espèces protégées dont des chauve-souris, batraciens et oiseaux, la perte des terres agricoles, la menace sur les nappes phréatiques, les risques d’inondations, et tous les véhicules avec leurs nuisances que va attirer ce type de complexe ! On estime qu’il pourrait y avoir 8000 à 9000 véhicules par jour pendant le weekend ! » énumère Jean-Michel Hélary, membre du collectif Oxygène, pour La Relève et La Peste

La mobilisation citoyenne a tout de suite été accompagnée par la Confédération Paysanne de l’Hérault, à l’origine de la journée d’action du 25 septembre. Face au grignotage des terres agricoles qui se fait dans la Région, le syndicat agricole de l’Hérault veillait depuis longtemps sur ces terres dont le devenir est particulièrement emblématique des enjeux du XXIème siècle : une lutte à la fois écologique, agricole et sociale.

« Il s’agit de démystifier la création d’emplois et de richesses promis par ce type de projet commercial. Ils sont tellement concurrentiels qu’ils entraînent même la suppression des emplois d’un centre commercial à l’autre ! Sans parler de leur impact sur les petits commerçants… » explique Etienne Le Merre, paysan et membre de la Confédération de l’Herault, pour La Relève et La Peste

Crédit : Collectif Oxygène

Le combat a très rapidement pris de l’ampleur avec le soutien d’organisations écologiques et sociales comme Attac, Greenpeace, la CGT, Sud-Solidaires, les Amis de la Terre regroupées avec la Confédération paysanne au sein du collectif Plus jamais ça, dont les propositions pour un avenir désirable ont été lancées pendant la crise du coronavirus.

« On se rend compte que l’arbitrage judiciaire du projet se base sur des normes environnementales dont certaines datent d’il y a 15 ans ! Aujourd’hui, ce projet n’a plus de sens, même les élus commencent à s’en méfier peu à peu. » raconte Etienne Le Merre, paysan et membre de la Confédération de l’Herault, pour La Relève et La Peste

Effectivement, le nouveau président de la métropole montpelliéraine, Michaël Delafosse, s’est publiquement déclaré hostile au projet. De la même façon, la nouvelle Maire de Saint-Clément-de-Rivière, Laurence Cristol, est plus nuancée que son prédécesseur sur son bien-fondé. Un changement de posture qui peut s’expliquer par le fait que la liste d’opposition aux dernières municipales a recueilli 35% des voix en faisant campagne presque exclusivement sur ce dossier. Un soutien de taille pour les militants.

Terres céréalières – Crédit : Collectif Oxygène

Deux visions de la société

En réponse au groupe Mulliez, la Confédération Paysanne de l’Hérault et le collectif Oxygène défendent un projet agricole alternatif qui permettrait d’employer sur le long terme une trentaine de personnes. Il regrouperait des activités de maraîchage, un petit élevage « type poules pondeuses », de l’arboriculture, de transformation et distribution en circuit court vers la métropole montpelliéraine.

« Et pourquoi pas un paysan boulanger sur les terres à vocation céréalière. » sourit Etienne Le Merre

Decathlon a fait savoir au collectif que le groupe ne passerait pas en force tant que l’affaire n’aura pas été jugée sur le fond, courant 2021. En attendant, les militants comptent bien faire monter la pression pour que le juge se range de leur côté.

Crédit : Collectif Oxygène

A convaincre également : la soixantaine de propriétaires terriens qui ont signé un compromis de vente en 2012 et espèrent toujours que le projet se réalise pour gagner une plus-value sur leurs terrains.

« On a essayé d’ouvrir le dialogue avec les propriétaires au début de l’été, à quel point ils vivaient eux les problématiques sociales et environnementales actuelles. Malheureusement, ils sont complètement fermés car ils ont l’impression d’avoir attendu longtemps. C’est un rapport très problématique à la propriété privée qu’on a laissé s’installer dans l’esprit des gens. Pourtant, les intérêts privés ne devraient pas passer avant ceux de l’intérêt général, qui sont devenus criants au moment de la crise covid. » argumente Etienne Le Merre, paysan et membre de la Confédération de l’Herault, pour La Relève et La Peste

Leur réticence est encore vivace. Certains propriétaires ont ainsi invité un huissier lors de la manifestation du 25 septembre, et l’un d’entre eux a carrément déterré les arbres fruitiers qui avaient été plantés sur sa parcelle. Pas de quoi décourager les militants pour autant.

« On fait partie de la fédération « Des Terres, Pas d’Hypers » qui regroupe une grande partie des luttes analogues à la nôtre. Quand on voit qu’Europa City a finalement été abandonné, que Val Tolosa est en très mauvaise posture, ça donne espoir ! »

Si le collectif n’attend pas grand chose du moratoire sur les zones commerciales que le gouvernement rechigne à mettre en place malgré sa promesse à la Convention Citoyenne pour le Climat, il reste prêt à défendre coûte que coûte cette zone agricole du bassin montpelliérain.

« La partie n’est pas gagnée, les adversaires sont redoutables mais on a plus d’espoir qu’au début grâce aux soutiens de plus en plus nombreux. On ne va rien lâcher. » conclut Jean-Michel Hélary pour La Relève et La Peste

Laurie Debove

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