La Voie lactée, bien commun de l’humanité ? Après la petite île de Niue, la Nouvelle-Zélande souhaite devenir le second et le plus grand pays du monde à être labellisé « Réserve de ciel étoilé », apprend-on dans une parution de National Geographic.
Difficile à obtenir, cette distinction est décernée par l’International Dark-Sky Association (IDA), un vaste réseau dont les 5 000 membres, qui opèrent dans 70 pays, se sont donné pour mission de protéger l’environnement nocturne et la clarté des ciels étoilés.
La tâche est titanesque : selon le Nouvel Atlas mondial de la luminosité artificielle, publié en 2016, plus de 80 % de la population mondiale et 99 % de la population américaine et européenne vivrait sous un ciel nocturne pollué par la lumière.
Dans le détail, les nations les plus polluées sont Singapour, le Koweït et le Qatar, qui ne connaissent tout simplement plus la nuit. À l’autre bout du spectre, les États les moins éclairés – Tchad et République centrafricaine en tête – se situent tous sur le continent africain.
L’éclairage, seconde cause de mortalité des insectes
En France, les chiffres les plus récents de l’Office français de la biodiversité montrent que l’éclairage public a augmenté de 89 % depuis les années 1990, et la quantité de lumière émise de 94 %, ce qui ne laisse plus de nuit noire véritable qu’à une portion congrue du territoire : 15,4 %.
L’Hexagone serait aujourd’hui recouvert par 11 millions de points lumineux, mais cette estimation ne prend pas en compte l’éclairage privé – des fenêtres aux jardins –, ni les 3,5 millions d’enseignes restant pour nombre d’entre elles allumées la nuit.
Ce fléau n’est pas propre à la France. Partout dans le monde, l’éclairage artificiel ne cesse de croître. Outre qu’elle coûte des sommes astronomiques, si l’on peut dire – environ 40 % du budget électrique des communes –, cette pollution lumineuse longtemps restée impensée a des effets dévastateurs sur la biodiversité.
Juste après les pesticides, l’éclairage artificiel serait la seconde cause de mortalité des insectes, dont 80 % des populations ont disparu en trente ans, sur le sol européen. Une étude de 2020 a prouvé que la lumière nocturne les affecte dans tous les aspects de leur existence : recherche de nourriture, reproduction, croissance, déplacements.
Les papillons confondent par exemple les lampadaires avec la Lune (dont ils se servent pour se repérer) et ne peuvent plus s’en détacher. Ils finissent alors brûlés, dévorés par leurs prédateurs, ou par mourir d’épuisement – un sort que connaissent bien d’autres insectes volants.
Pour ces invertébrés, et pour toute la chaîne alimentaire qui en dépend, à commencer par les oiseaux, la noirceur de la nuit est donc un élément vital.
Les paysages nocturnes, « patrimoine commun de la nation »
En Nouvelle-Zélande, « 74 % du ciel étoilé de l’île du Nord et 93 % de celui de l’île du Sud sont considérés comme purs ou uniquement dégradés près de l’horizon », indique National Geographic. C’est pourquoi l’État insulaire veut faire de tout son territoire une réserve de ciel étoilé.
En 2020, l’IDA a décerné pour la première fois son statut de « Sanctuaire international de ciel étoilé » à une nation entière : Niue, une petite île auto-administrée du Pacifique sud comptant 1 600 habitants et s’étendant sur 260 km2.
Forte d’une réserve de 4 400 km² située au cœur du parc national Aoraki et du bassin de Mackenzie, et réputée pour avoir les plus beaux ciels nocturnes du monde, la Nouvelle-Zélande compte user de tous les moyens pour rejoindre ce nouveau palmarès : élargissement des sites protégés, réduction drastique de l’éclairage public, sensibilisation de ses cinq millions d’habitants.
L’IDA recense seulement une quinzaine de sanctuaires de ciel étoilé dans le monde, ainsi qu’une vingtaine de réserves, dont quatre se trouvent en France.
En 2018, le parc national des Cévennes a été labellisé plus grande réserve internationale d’Europe. Pour obtenir ce statut, il s’est engagé dans une série de démarches vertueuses telles que la réduction de l’éclairage, la suppression et la rénovation des lampadaires, ou leur orientation vers le sol…
Cette expérimentation marque-t-elle le début d’une sobriété lumineuse ? Gageons que la loi de 2016 déclarant les paysages nocturnes « patrimoine commun de la nation » n’aura pas servi à rien.