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La France est le pays d’Europe le plus menacé par la crise climatique

« On n’imagine pas les conséquences de la montée des eaux, même de quelques dizaines de centimètres, nous explique Clothilde Baudoin, responsable de ce dossier à Notre Affaire à Tous. Certaines villes comme Calais, Dunkerque, Bordeaux et Saint-Malo seront en partie submergées dès 2050, parce qu’elles se situent à un niveau très bas par rapport à la mer. Il faut prendre la mesure de la catastrophe. »

Dans un rapport publié ce mercredi 9 décembre, l’association Notre Affaire à Tous sonne l’alerte : les bouleversements du climat créent d’ores et déjà de nouvelles inégalités, qui ne pourront que se renforcer dans les prochaines décennies.

Les effets de la crise climatique en France

Non, nous ne sommes pas tous égaux face au changement climatique. C’est ce que relève un rapport sans précédent de Notre Affaire à Tous. Pour la première fois en France, l’association créée en 2015 après la signature de l’accord de Paris démontre que les conséquences du réchauffement planétaire accentuent les disparités de la société. Et continueront de les renforcer.

Fondé sur presque deux années de veille scientifique et la collecte d’une centaine de témoignages individuels, le rapport se présente comme « un panorama des impacts socio-environnementaux du dérèglement climatique en France et des inégalités climatiques qui en résultent », encore largement méconnues et très peu documentées.

La France est le quinzième pays du monde (et le premier pays d’Europe) le plus menacé par le réchauffement.

Dans une étude en date de janvier 2020, le Commissariat général au développement durable estime que six Français sur dix en subissent déjà les conséquences. Et pourtant, la montée des eaux, la fonte des glaciers, la multiplication des canicules ou les feux de forêt ne toucheront pas la population de la même manière, ni avec la même intensité.

La plus grande disparité est bien entendu territoriale. Sous l’effet d’étés plus longs et d’hivers plus doux, les glaces du pôle Nord fondent progressivement, déversant d’immenses quantités d’eau liquide dans les océans, dont la surface s’élève de plusieurs centimètres chaque année.

Récemment, le Groupe d’experts intergouvernemental pour la climat (GIEC) a estimé que d’ici 2100, le niveau des mers aura augmenté d’un mètre dix au moins sur toute l’étendue du globe. 

La France comptant près de 7 000 kilomètres de littoraux, dont 1 500 rien qu’en Outre-mer, l’érosion et le grignotement des terres bouleverseront les 40 % de la population qui vivront en 2040 près des côtes, dont un quart sont particulièrement menacées. Le projet Climate Central a créé une carte interactive où l’on peut voir les zones les plus exposées.

« On n’imagine pas les conséquences de la montée des eaux, même de quelques dizaines de centimètres, nous explique Clothilde Baudoin, responsable de ce dossier à Notre Affaire à Tous. Certaines villes comme Calais, Dunkerque, Bordeaux et Saint-Malo seront en partie submergées dès 2050, parce qu’elles se situent à un niveau très bas par rapport à la mer. Il faut prendre la mesure de la catastrophe. »

La submersion des côtes a déjà commencé. Notre Affaire à Tous fournit par exemple le témoignage de l’un des conducteurs du petit train de l’île d’Oléron (Charente-Maritime), qui abrite l’une des plages les plus sujettes à l’érosion d’Europe : en quarante ans, un kilomètre des six que compte la voie ferrée a dû être démonté.

Même musique à Soulac-sur-Mer (Gironde), où un immeuble des années 1970, autrefois éloigné de deux cents mètres de la mer, a dû être évacué en 2014, car les marées s’avancent de quatre mètres et demi par an.

« Les estimations scientifiques s’aggravent d’année en année, continue Clothilde Baudoin, sans qu’on arrive à mesurer l’ampleur des dégâts. Ce qui est certain, c’est que dans la prochaine décennie, des dizaines de milliers de personnes devront être relogées. »

En Montagne, la fonte progressive des glaciers et la diminution des volumes d’enneigement menacent l’approvisionnement en eau de centaines de villages en aval, tandis que les vagues de canicule s’apprêtent à bouleverser l’habitat des citadins, dans un environnement bétonné, retenant la chaleur, renforçant la pollution et multipliant les vecteurs de maladie.

Inondation lors de la crue de l’yvette le 31 mai 2016 – Crédit : Lionel Allorge

Les plus précaires sont les plus exposés

Les quartiers populaires, les banlieues ou autres îlots urbains, dénués d’espaces verts et sujets à de grandes concentrations démographiques, restent les plus exposés. Les épisodes de forte chaleur accentuent également les inégalités générationnelles, les personnes âgées étant plus vulnérables aux infections, à la déshydratation et aux épidémies.

« Lors de la canicule de 2003, une surmortalité de plus de 85 % chez les femmes de 75 ans et plus et de 51 % chez les hommes de la même tranche d’âge a ainsi été observée. »

Autre grand volet, les inégalités sociales figurent en bonne part dans le rapport. Il s’agit de l’accès à l’eau, à l’alimentation et à l’énergie, des conditions de travail, des impacts sur la santé physique ou mentale et sur l’éducation, autant de domaines où le réchauffement commence à avoir des effets indéniables, qui iront en s’aggravant.

Un exemple : les villes et les espaces ruraux se sont historiquement construits en fonction de l’accès aux ressources en eau, fleuves ou nappes phréatiques. Mais les dérèglements climatiques (sécheresses, inondations, tempêtes) compromettent cet équilibre acquis au fil des siècles.

Durant l’été 2019, pas moins de 85 départements ont dû limiter leur consommation d’eau douce, vingt d’entre eux celle d’eau potable, à cause d’une hausse des températures et de l’évaporation, qui assèchent les réserves souterraines.

À l’inverse, les pluies intenses et les inondations provoquent des crues et charrient dans les cours d’eau une myriade de déchets, de produits chimiques et de substances dangereuses, préjudiciables à la qualité de nos sources de vie et même au bon fonctionnement des stations d’épuration. Face à de tels problèmes aujourd’hui, où en serons-nous dans trente ans ?

« Ce que le gouvernement, l’État, ne semble pas avoir compris ni anticipé, ce sont les atteintes directes du changement climatique sur toute une série de droits fondamentaux, commente Clothilde Baudoin, tels que le droit à la vie, à l’eau, au logement, à la vie privée et familiale. Tous ces droits sont pourtant protégés par la Constitution, ou la Convention européenne des droits de l’homme. »

Juillet 2020, la troisième année consécutive que la Tille, une rivière qui s’écoule du nord au sud-est de Dijon, dans le département de la Côte-d’Or, sur environ 83 kilomètres, avant de se jeter dans la Saône, est complètement à sec.

Dernier volet du dossier : l’économie. Certains secteurs cruciaux sont en train de subir de plein fouet les dérèglements. C’est le cas de l’agriculture, du tourisme ou de l’industrie forestière.

Si un épisode ponctuel de canicule, en 2003, a provoqué une baisse de 20 à 30 % des rendements agricoles sur tout le territoire, le véritable danger provient d’une chute continuelle de ceux-ci : tous les dix ans, les terres françaises perdent environ 2 % de leur fertilité. Les exploitations risquent à terme de voir leur modeste rentabilité s’effondrer, les produits de perdre certains nutriments, les prix des denrées d’augmenter, les approvisionnements de n’être plus assurés…

Notre Affaire à Tous met en cause le retard et l’inaction du gouvernement, qui ne propose aux citoyens qu’un avenir spéculatif, où les derniers resteront les derniers.

« Au nom de l’égalité entre les citoyens, nous voulons faire pression sur l’État pour qu’il prenne en compte le principe de justice climatique, nous confie Clothilde Baudoin. Il faut que cette notion devienne centrale dès maintenant dans les politiques publiques. »

« Justice climatique » ? Apparu au début des années 2000 au sein de certaines conventions passées entre pays ou sous la plume des ONG, ce principe est inscrit dans l’accord de Paris sur le climat, mais ne possède aucune valeur contraignante et ne figure pas dans le droit français.

« Dans une ou deux décennies, les politiques publiques seront certainement toutes favorables au climat, mais sans l’introduction préalable de la justice climatique, elles seront toujours réalisées au détriment des populations précaires, marginales ou racisées… »

À l’égal de la taxe carbone, qui a sonné le coup d’envoi du mouvement des gilets jaunes. Le rapport de Notre Affaire à Tous montre que ces inégalités existent déjà, que loin de frapper à l’aveugle, les conséquences du réchauffement touchent en premier lieu les plus fragiles.

« Avec tous ces témoignages, nous voulons prouver que les Français dont l’existence est bouleversée ne sont pas seuls dans leur lutte et qu’ils peuvent se rassembler », conclut Clothilde Baudoin.

crédit photo couv : Valery HACHE / AFP

Augustin Langlade

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