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La façon dont les pandémies du passé ont été maîtrisées

Selon les époques et les autorités en place, les méthodes changent. Ce sont dans les grands ports, Venise Pise ou Gênes, qu’on met en place les premières mesures efficaces, notamment l’isolement des bateaux pendant quarante jours, d’où le terme de quarantaine.

Nous sommes entrés dans une nouvelle époque. Celle de la pandémie. Qu’on se dirige vers une série de crises et de pénuries ou bien vers un réajustement des excès de ce monde, on sait qu’il y aura un avant et un après coronavirus. Alors qu’en France nous entamons un déconfinement qui aura sans doute ses reculades, alors que chacun est en train de faire au jour le jour, et si nous prenions le temps de voir comment les épidémies ont été gérées par le passé ?

L’invention des antibiotiques et la diffusion des vaccins a permis en à peine un demi siècle d’éradiquer des maladies présentes depuis des siècles et qui ont ravagé les populations par million : variole, rougeole, coqueluche. L’amélioration des conditions d’hygiène a permis d’éradiquer celles qu’on associe encore aux périodes moyenâgeuses mais qui subsistaient encore au XIXè siècle : la peste, ou encore le choléra. La grande épidémie de la deuxième moitié du XXème siècle fut le sida. Celle du début du siècle fut la grippe espagnole. Des générations grandissent dans la peur d’une maladie qui touche tout le monde.

Les causes des épidémies

Les épidémies démarrent de virus ou de bactéries. On ne peut pas parler de « cause », car les virus et les bactéries sont des organismes vivants qui répondent à la même logique que toutes les espèces : se multiplier et se répandre. Mais on peut parler de lieu d’origine et de conditions idéales.

Pour que ces organismes se plaisent et se développent, il leur faut un environnement agréable, c’est-à-dire une concentration de population. Voilà pourquoi les épidémies se développent à partir de l’apparition de l’agriculture et de l’élevage, qui amènent la sédentarité et de grandes concentrations de populations. Si les maladies existaient bien avant, les petits groupes de chasseurs cueilleurs rendaient beaucoup plus difficile leur propagation. Si une maladie décimait un groupe, elle ne se répandait pas nécessairement à d’autres.

Que faisait-on pour tenter de contenir les épidémies ?

Selon les époques et les autorités en place, les méthodes changent. Au temps de la peste, on suppurait les pustules, car ceux qui survivaient à la peste étaient ceux qui s’étaient vidés de leur pus. Mais les conditions de stérilisation n’étant pas réunies, les surinfections étaient fréquentes. Pour apaiser les douleurs, on enduisait les pustules de miel ou de térébenthine. Selon l’hypothèse des parfums, on faisait des fumigations de bois ou de plantes aromatiques pour que les bonnes odeurs chassent le mauvais air, et on enduisait les pustules de salives d’animaux putrides pour que le poison attire le poison.

Ce patient de la peste affiche un ganglion lymphatique inguinal enflé et rompu, ou buboe. Après la période d’incubation de 2 à 6 jours, les symptômes de la peste apparaissent, notamment un malaise sévère, des maux de tête, des frissons tremblants, de la fièvre et de la douleur et un gonflement, ou une adénopathie, dans les ganglions lymphatiques régionaux touchés, également appelés bubons. Crédit : PD-USGov-HHS-CDC

Dans la même idée de « purification » on pratiquait les saignées, qui souvent affaiblissaient les malades. On suivait aussi la théorie des humeurs établie par Hippocrate, qui déjà représentait un progrès en attribuant une cause terrestre et non divine aux maladies. Les aliments et les émotions étaient classés par catégorie « chaud » ou « froid », et ainsi, on combattait les maladies « chaudes » incluant des putréfactions et des fièvres avec des aliments « froids » : des viandes maigres par exemple, et des émotions calmes.

Quand la peste arrive en France au XVIIIe siècle par le port de Marseille, les autorités royales tentent de bloquer la province. Des barrages sont instaurés et ordre est donné de tirer sur ceux qui tenteraient de passer. Les paquets sont jetés à ceux qu’on ne peut pas approcher.

Ce sont dans les grands ports, Venise Pise ou Gênes, qu’on met en place les premières mesures efficaces, notamment l’isolement des bateaux pendant quarante jours, d’où le terme de quarantaine.

Crédit : Hebrew University of Jerusalem and the Jewish National and University Library

Dans la plus grande partie de l’histoire des épidémies, la cause divine était tout à fait acquise. De ce fait on multipliait les prières, les processions, les visites aux saints, les flagellations, les sacrifices, et on cherchait des boucs émissaires. Les premiers pogroms datent de la première épidémie de peste.

Au XVIè siècle cependant, un médecin italien nommé Fracastoro remarque que la syphilis se développait toujours après l’arrivée des soldats dans un village. Il en déduit que ce sont les soldats qui seraient porteurs « d’animalcules » qui transmettent la maladie. C’est toute la remise en question du châtiment divin, et l’intuition des microbes et bactéries.

En 1800, Edward Jenner, un médecin anglais, comprend que les femmes qui manipulent les pis de vaches couverts de pustules d’une maladie proche de la variole, n’attrapent jamais cette maladie. Il a alors l’idée d’inoculer les sécrétions issues de ces pustules à son propre fils qui est ainsi immunisé. Ainsi en quelques années, le vaccin se développera et la variole fut éradiquée très rapidement.

Il est arrivé que les pandémies soient largement sous-estimées. C’est le cas de la grippe de Hong Kong, qui surgit après la guerre du Vietnam, en pleine guerre froide, conquête de la lune. En France, c’est l’après 1968, le départ de De Gaulle, l’élection de Pompidou et l’annonce d’une nouvelle société. Dans les médias, on parle d’autre chose, et les spécialistes de l’institut Pasteur déclarent qu’il n’y a pas d’épidémie, et que la maladie évoluera comme une grippe saisonnière banale. Pourtant fin 1969 c’est bien un quart des Français qui est malade. Aucune mesure particulière donc pour cette grippe qui aura tué 31.000 personnes en deux mois en France.

Dans le cas de la grippe espagnole, qui décima entre 20 et 100 millions de personnes, la contagion était telle, les morts foudroyantes par pneumonie induite par la grippe, et le fait que la moitié des décès touchait les moins de 40 ans, qu’on en parla. On établit alors les premiers gestes barrière : le lavage des mains, l’interdiction de s’attrouper et de se toucher, le port du masque.

Les écoles furent fermées, les services religieux interdits, certains commerces fermés. Si on connaissait la vaccination, on n’avait pas pu isoler le microbe encore, et les hôpitaux étaient débordés. Beaucoup de malades mouraient chez eux sans soins. Sur les voies publiques les cadavres ne sont pas rares.

St. Louis Red Cross Motor Corps en service lors d’une épidémie de grippe (1918). Original de la Bibliothèque du Congrès

Coup de rétro sur les pandémies du passé

liste non exhaustive.

COVID-19
4,1 millions de personnes contaminées dans le monde
1,46 million de personnes guéries
286 000 morts

Identifié pour la première fois à Wuhan en Chine en novembre 2019

SIDA (pic 2005-2012) :
36 millions de victimes dans le monde.
Identifié pour la première fois en 1976 en République Démocratique du Congo. À ce jour, le même nombre de personnes vit avec cette maladie, des traitements ayant été trouvés pour atténuer les symptômes. Les contagions ont été limitées par l’usage du préservatif.

GRIPPE DE HONG KONG (1968-1970)
1 million de victimes dans le monde.
Identifiée pour la première fois en Chine en 1968, elle prend une ampleur médiatique à Hong Kong. Rapportée par les Marines aux USA, y faisant 500 000 morts en 3 mois, puis propagée en Europe en 1969. Son taux de mortalité est faible (5% des contaminés sont décédés)

GRIPPE ASIATIQUE (1956-1958)
2 millions de victimes dans le monde.
Identifiée pour la première fois en Chine en 1956. S’est répandu en Asie et en Amérique, puis au reste du monde. C’est la première pandémie de grippe à avoir été suivie en temps réel par les laboratoires de virologie. Seules les personnes âgées de plus de 70 ans avaient une immunité contre cette grippe. Cette épidémie a permis une réponse immunitaire collective naturelle.

GRIPPE ESPAGNOLE (1918-1919)
20 à 100 millions de victimes.
C’est la plus meurtrière des épidémies mondiales. Elle proviendrait de souche humaine et de gènes aviaires et proviendrait d’Amérique, amenée par les soldats américains. On l’appelle grippe espagnole parce que l’Espagne était le seul pays non impliqué dans le conflit et sa presse a pu la mentionner. Son taux de mortalité est inférieur à 4%. 

Grippe Porcine, virus H1N1 – Crédit : Cybercobra

CHOLÉRA (1852-1860)
1 million de victimes.
C’est la troisième et la plus meurtrière des épidémies de choléra.
Le foyer originel fut identifié comme étant les eaux du Gange en Inde. Dans cette région surpeuplée et basée sur une économie agricole, on déversait les engrais humains (excréments) dans les eaux. Ce n’est qu’en 1854 qu’on découvrit que la transmission se faisait par l’eau.

PESTE NOIRE (1346-1353)
entre 75 et 200 millions de victimes
Originaire d’Asie, la peste s’est répandue par les rats que transportaient les navires marchands. Les ports étaient devenus des foyers d’épidémies car ils avaient de fortes densités de population. C’est la première pandémie à avoir été décrite par des chroniqueurs. Elle a décimé 30 à 50% des Européens en 5 ans.  C’est avec cette épidémie qu’on instaure des quarantaines.

PESTE DE JUSTINIEN (541-542)
25 millions de victimes
C’est la première épidémie de peste. De récentes études de squelettes prélevés en Asie ont pu confirmer que son origine était asiatique. Elle s’est diffusée par la route de la Soie puis à l’Égypte/Éthiopie et de là dans tout le bassin méditerranéen en suivant les routes commerciales.

PESTE D’ANTONIN (165-190)
5 millions de victimes
s’est répandue par les avancées des troupes romaines. L’histoire et la mythologie des oracles et des troupes romaines se mêlent, si bien que cette peste est la mieux documentée de l’Antiquité. Les récits comme les données sont encore discutées parmi les archéologues.

VARIOLE OU PETITE VÉROLE
Cette maladie serait apparue depuis le néolithique, c’est à dire à partir de la domestication des animaux. Elle est apparue à grande échelle il y a 3400 ans. Elle existe sous forme majeure et mineure. On suppose une origine indienne ou égyptienne du virus. On en retrouve trace sur les momies égyptiennes, elle est représentée sur des peintures et tapisseries du Moyen-Âge. Elle se répand avec le commerce et les guerres. Elle mute au XVIe siècle. Les colons espagnols l’amènent en Amérique, et la maladie décime les empires aztèques et incas qui étaient restés pendant des siècles dans une barrière, les rendant très sensibles aux germes européens. C’est près de 80% de la population qui est décimée. Les colons britanniques et français la ramènent en Amérique du nord. Avec d’autres maladies, elle est la première cause de mortalité des autochtones. Elle est éradiquée en 1980 après un siècle de campagne de vaccination.

Ce vaccinateur volontaire de l’équipe d’éradication de la variole était en train de vérifier la cicatrice de vaccination contre la variole sur l’avant-bras gauche de ce jeune enfant, tandis qu’il reposait sa tête sur l’épaule de sa mère. Crédit : Public Health Image Library

Pourquoi l’Asie est-elle souvent le foyer des épidémies ?

Pour ce qui est des coronavirus, le foyer chinois s’explique par le fait que pour passer de la chauve-souris à l’être humain, le virus a besoin d’un intermédiaire où muter tranquillement. Car le coronavirus ne fréquente pas n’importe qui. Il s’adapte spécifiquement pour s’accrocher aux récepteurs de certaines cellules. En Chine, les marchés d’animaux sauvages sont nombreux et constituent un foyer idéal de mutation des coronavirus et de transmission à l’homme.

Pour les autres, le doute plane encore. On peut supposer que les concentrations de populations y sont pour quelque chose. 

Crédit : Image par Andrea Bohl

Comment s’arrêtent les épidémies ?

La fin des épidémies est souvent moins documentée que leurs apparitions. La fin des épidémies dépend de la réaction du virus responsable, des conditions climatiques qui peuvent lui permettre de se développer ou au contraire l’inhiber, et de la réaction des populations et des autorités.

Tout d’abord quand un virus circule, le corps humain qui ne le reconnaît pas n’a pas les anticorps nécessaires pour lutter contre lui. Mais avec le temps, et compte tenu qu’en moyenne 85% des personnes atteintes guérissent, elles développent une immunité naturelle. Ainsi même si le virus circule encore, plus de personnes sont capables d’arrêter sa propagation.

Un autre facteur naturel est … l’apparition d’un nouveau virus !

Ou d’une nouvelle souche de ce virus. C’est le cas pour la grippe espagnole où l’apparition de la souche H1N2 a permis à celle de H1N1 qui circulait encore dans les années 50, de disparaître. Question de compétition.

Le développement des vaccins accélère évidemment l’immunité et donc la fin de la circulation du virus. Mais les vaccins contre la grippe doivent être renouvelés, contrairement à ceux contre la variole ou la rougeole qui sont efficaces à vie.

Les mesures de confinement étaient efficaces pour le SARS-CoV au début des années 2000, car les symptômes de cette maladie étaient clairs et la maladie n’était transmise que si les symptômes étaient déclarés. Les mesures de confinement imposées en Chine furent alors efficaces et le SRAS fut éradiqué en 2004. On comprend bien que la situation n’est pas la même pour l’actuel covid-19.

Le rôle des épidémies dans l’histoire

Les épidémies ont joué des rôles politiques majeurs. La peste joue un grand rôle dans la chute de l’Empire byzantin et la victoire de l’Empire ottoman. Sans la variole et la rougeole, on doute que les Conquistadores auraient pu venir à bout des empires aztèque et maya.

En Amérique du nord, c’est 90 % de communautés indigènes qui sont décimées par les populations. Les Antilles se dépeuplent en vingt ans après l’arrivée des premiers Européens. Dans ces conditions, la colonisation est plus facile.

On ne peut que comprendre que le covid19 va rebattre les cartes de nos organisations sociales et de l’état du monde. Dans quel sens, toute la question est là…

Crédit photo couverture : Emergency hospital during influenza epidemic (NCP 1603), National Museum of Health and Medicine.

Sarah Roubato

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