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La Cour des Comptes de l’UE dénonce le gaspillage de l’eau par les agriculteurs industriels européens

Remarquant que même la modernisation des systèmes d’irrigation existants ne permettait pas toujours d’économiser l’eau, les rapporteurs ont ainsi estimé que, « de manière générale, l’UE a indubitablement financé des exploitations agricoles et des projets qui ne respectent pas le principe d’utilisation durable de l’eau ».

Dans un rapport spécial sur « la Politique agricole commune et l’utilisation durable de l’eau dans l’agriculture », la Cour des comptes européenne avertit que le cadre législatif de l’Union favorise des pratiques de gaspillage de l’eau, à l’heure où cette ressource indispensable pourrait venir à manquer.  

Une situation hydrique déjà tendue

Un quart du volume total d’eau capté dans l’Union européenne (UE) est destiné à l’agriculture, en majeure partie à l’irrigation. Avec l’intensification des périodes de sécheresse et la croissance générale de la consommation d’eau, de nombreux territoires européens se trouvent en situation de stress hydrique, ou pire, connaissent déjà des pénuries d’eau.

Quel est l’impact des règlementations communautaires sur la durabilité de la gestion de cette ressource, d’autant plus vitale qu’elle est menacée par le réchauffement climatique ? C’est la question que s’est posée la Cour des comptes européenne.

Pour produire sa nouvelle étude, l’institution indépendante chargée de contrôler la gestion financière de l’UE s’est penchée sur deux grandes orientations politiques de l’Union : la directive-cadre sur l’eau (DCE) et la Politique agricole commune (PAC).  

Adoptée en 2000, la DCE représente la principale réglementation européenne concernant la protection des eaux, douces comme salées. Outre la préservation des écosystèmes humides et l’atténuation des effets de la sécheresse, l’un de ses premiers objectifs était de parvenir « à un bon état quantitatif pour toutes les masses d’eau souterraines d’ici 2015, et au plus tard d’ici 2027 ».

La PAC 2014-2020, quant à elle, incluait dans ses ambitions « une gestion durable des ressources naturelles, y compris l’eau ». En tant qu’instrument financier, particulièrement incitatif, elle devait induire une profonde transformation des modèles agricoles, « par exemple en liant les paiements à des pratiques plus écologiques et en finançant des infrastructures d’irrigation plus efficaces ».

Au terme d’un audit réalisé d’avril à décembre 2020, la Cour des comptes s’est cependant aperçue que les politiques communautaires, parfois ambitieuses, n’étaient pas appliquées avec une fermeté suffisante et subissaient de multiples retards d’application.

Trop souvent, a déclaré la responsable du rapport, Joëlle Elvinger, « le soutien de l’UE à l’agriculture n’est pas aligné sur ses objectifs relatifs à l’eau ».

À l’échelle des États, de vastes contrôles documentaires et financiers ont démontré que « les dérogations à la politique de l’UE dans le domaine de l’eau accordées aux agriculteurs [étaient] trop nombreuses et [allaient] à l’encontre des efforts déployés pour en garantir une utilisation raisonnée », écrivent les auditeurs dans un communiqué

En France, la guerre de l’eau a pris un tournant radical avec le démantèlement d’une méga-bassine agricole par des activistes anonymes – Lire l’article

Une utilisation illégale de l’eau

Au cours de leur audit, ceux-ci ont constaté qu’en pratique, les pouvoirs publics nationaux font preuve d’un grand laisser-faire : non contents d’accorder des dérogations, ils ne sanctionnent « que rarement » l’utilisation illégale de l’eau par les agriculteurs et s’arrangent pour que ces derniers ne paient pas le coût réel des volumes qu’ils ont consommés, eau et services. 

En France, « les prix sont [certes] plus élevés dans les zones où l’eau est plus rare ou soumise à une pression quantitative plus forte », mais l’eau captée à des fins agricoles, en particulier l’irrigation, reste deux fois moins chère que l’eau potable et n’est payante qu’à partir d’un certain volume — 7 000 m³/an dans les zones en stress hydrique et 10 000 m³/an dans les autres.

Par ailleurs, dans le cadre de la PAC, indiquent les auditeurs, « le versement d’aides de l’UE aux agriculteurs n’est généralement pas subordonné au respect d’obligations qui encouragent une utilisation rationnelle de l’eau ».

Lire aussi : Les agriculteurs bio se mettent à poil pour dénoncer la baisse des aides dans la réforme de la PAC

Certaines cultures très gourmandes en eau (riz, noix, fruits et légumes) bénéficient de financements sans rapport avec la situation hydrographique de leur zone et sans engagement de transition vers des pratiques de sobriété.

Remarquant que même la modernisation des systèmes d’irrigation existants ne permettait pas toujours d’économiser l’eau, les rapporteurs ont ainsi estimé que, « de manière générale, l’UE a indubitablement financé des exploitations agricoles et des projets qui ne respectent pas le principe d’utilisation durable de l’eau ».

Question cruciale, la PAC 2021-2027, en préparation, sera-t-elle plus à même d’encourager une gestion durable de l’eau ? Les auditeurs en doutent : selon eux, seul « un nombre limité » de domaines devaient connaître une véritable amélioration par rapport à la PAC précédente.

La prochaine PAC étant conçue pour laisser plus de latitude aux États membres, son résultat dépendra largement « des plans stratégiques nationaux » et des principes sur lesquels les autorités choisiront de conditionner les aides publiques.  

Malgré tout, la Cour des comptes recommande à la Commission européenne d’exiger que les dérogations à la DCE soient davantage justifiées et de s’assurer que les paiements relevant de la PAC soient liés au respect des normes environnementales. Au plus vite.

Augustin Langlade

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