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La Commission Européenne impose à la France de stopper l’hécatombe de cétacés

« C’est une excellente nouvelle car ça veut dire que l’instruction menée par la Cour européenne conclut que la situation est inadmissible. Pour nous c’est très important car la Commission Européenne ne va pas juger les intentions, mais les résultats obtenus ! et c’est exactement ce qu’on voulait. »

Après les oiseaux, les cétacés ! Face à la mise en danger des dauphins et marsouins dans les eaux françaises, la Commission Européenne exige de la France qu’elle prenne les mesures nécessaires pour cesser l’hécatombe qui a lieu chaque hiver. La France a maintenant trois mois pour remédier aux lacunes constatées, sous menace d’être saisie par la Cour de justice de l’Union européenne et se voir imposer de lourdes sanctions financières.

Le Golfe de Gascogne, le tombeau des cétacés

Chaque année, le nombre de mammifères marins qui meurent par capture accidentelle augmente. Depuis le début de l’année 2020, on estime que plus de 10 000 dauphins sont morts dans le seul golfe de Gascogne. Scientifiques et associations mènent un combat sans relâche pour que ce désastre cesse.

Ce combat est toujours soumis aux politiques gouvernementales. Si les pays de l’UE sont normalement tenus d’assurer la protection des cétacés, tous sont défaillants. Grenelle de l’environnement, Accords de Paris, ces grandes rencontres de représentants de différents gouvernements servent plus à marquer l’importance d’un sujet, à servir une communication politique, et à faire converger des études, qu’à imposer aux États des mesures restrictives.

Mais la semaine dernière, la Commission Européenne a ouvert trois procédures d’infraction à l’encontre de la France, l’Espagne et la Suède. Cette décision fait suite à la pression mise par 26 ONG qui demandaient en juillet 2019 à la Commission Européenne de poursuivre en justice certains États ;

et à celle du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) de plus de 1500 scientifiques européens avait émis un avis historique conseillant de fermer des zones de pêches du 15 janvier au 15 mars, de s’équiper tout au long de l’année de systèmes d’effarouchement acoustique (les pingers) et de faire respecter l’obligation des pêcheurs à déclarer les captures et à accepter que des observateurs les accompagnent en mer.

La Commission Européenne constate que les trois pays « n’ont pas pris les mesures suffisantes pour surveiller les prises accessoires dans leurs eaux et par leurs navires ni utiliser les moyens de la PCP et de la directive Habitats pour protéger ces espèces » et pour limiter la perturbation des espèces marines dans les zones de conservation. L’absence de contrôles et d’inspections est enfin montrée du doigt.

« C’est une excellente nouvelle car ça veut dire que l’instruction menée par la Cour européenne conclut que la situation est inadmissible. Pour nous c’est très important car la Commission Européenne ne va pas juger les intentions, mais les résultats obtenus ! et c’est exactement ce qu’on voulait : finis les effets d’annonce, enfin du concret. Et ces mesures doivent concerner tout le monde : chalutiers et artisans ! Nous soutenons la plupart des artisans pêcheurs mais certains d’entre eux doivent aussi se défaire de mauvaises habitudes, et adopter de bonnes pratiques. On perd déjà 10 000 dauphins par an… C’est intenable pour la pérennité des cétacés. » explique Dominique Chevillon, naturaliste, Président de Ré Nature Environnement et Vice-Président de la LPO, pour La Relève et La Peste

Suite à ce rappel à l’ordre de la Commission Européenne, l’Etat français a trois mois pour présenter une liste de mesures répondant de façon efficace à cette mise en demeure. Si les mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux, la Cour de justice de l’Union européenne se saisira de l’affaire pour mettre le pays face à ses responsabilités.

Delphinus delphis avec les marques de la pêche ( nageoire caudale et nageoire dorsale coupée ) – Crédit : RNE
Jeune Dauphin commun avec trou de gaffe à l’œil ( marque de la pêche ) – Crédit : RNE

Des sanctions motivées par la crise en cours

La Commission Européenne poursuit une stratégie de protection de la biodiversité, impliquant des mesures contraignantes pour les États. Dans une communication datant de mai dernier intitulée « Ramener la nature dans nos vies », la Commission déclarait qu’il ne fallait pas retomber dans « nos vieilles habitudes destructrices » après le confinement. Et de poursuivre :

« Pour garantir la bonne santé et la résilience de nos sociétés, il est indispensable de donner à la nature la place dont elle a besoin. La récente pandémie de COVID-19 n’a fait que souligner combien il est urgent de protéger et de restaurer la nature. Cette pandémie nous fait prendre conscience des liens qui existent entre notre santé et celle des écosystèmes. Elle démontre la nécessité de mettre en place des chaînes d’approvisionnement et d’adopter des modes de consommation durables qui ne dépassent pas les limites de notre planète. Et elle illustre le fait que le risque d’apparition et de propagation de maladies infectieuses augmente à mesure que la nature est détruite. »

Elle renversait le credo habituel, faisant de la restauration de la nature non seulement une condition pour notre santé, mais aussi pour la relance économique :

« L’investissement dans la protection et la restauration de la nature seront également essentiels pour la relance économique de l’Europe au sortir de la crise liée à la COVID-19. Il est indispensable pour le redémarrage de l’économie d’éviter de retomber et de nous enfermer dans nos anciennes habitudes néfastes. »

Cette action juridique fait ainsi partie d’une série de directives rappelant les Etats membres à l’ordre concernant la protection de la biodiversité. Ainsi, dans une étape judiciaire plus avancée, la Commission Européenne a adressé un avis motivé à la France la semaine dernière, afin qu’elle prenne des mesures contre certaines pratiques de chasse et de capture d’oiseaux. Ici encore, c’est une plainte déposée par une association, la Ligue de Protection des Oiseaux, qui a permis cette mesure coercitive.

« Dans les efforts de sauvegarde des cétacés, on a beaucoup souffert d’un déséquilibre entre la Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture (DPMA), quasiment toujours soutenue par le gouvernement, et la Direction de l’Eau et de la Biodiversité, trop souvent ignorée. L’Etat doit veiller à ce que tous les aspects du métier et de la conservation soient dans un équilibre qui permettent d’appliquer les réglementations, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. » explique Dominique Chevillon, naturaliste, Président de Ré Nature Environnement et Vice-Président de la LPO, pour La Relève et La Peste

Est-ce à dire que les États auront toujours besoin du gendarme européen pour prendre leurs responsabilités en terme de protection de la biodiversité ? Quand c’est en même temps l’UE qui, par ses normes agricoles hérités de la sortie de la Seconde Guerre Mondiale, a détruit l’agriculture locale.

Si l’Union Européenne était prête à devenir un espace garantissant la protection du vivant dans tous ses pays membres, elle acquerrait peut-être là une nouvelle légitimité.

Car les dernières élections européennes l’ont bien montré : de plus en plus de citoyens attendent d’une instance supra-nationale qu’elle soit un organe de protection du vivant, de lutte contre le réchauffement climatique et les futures crises sanitaires, plutôt qu’un outil de plus du néolibéralisme.

Article écrit par Laurie Debove et Sarah Roubato.

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