Le 4 février 2022 marque un évènement historique : la Cour suprême de la République de l’Équateur reconnaît le droit des autochtones à consentir ou non aux projets pétroliers, miniers et autres projets d’extraction dans les territoires ancestraux du peuple A’i Cofán. La décision est une victoire pour les mouvements indigènes car elle leur reconnaît pour la première fois d’avoir la décision finale sur ces projets qui affectent leurs terres.
L’ONG Amazon Frontlines explique : « L’Équateur possède désormais l’un des précédents juridiques les plus puissants au monde sur le droit internationalement reconnu des peuples autochtones au consentement libre, préalable et éclairé, un outil juridique puissant pour la survie des autochtones et la protection d’immenses étendues de forêts et d’écosystèmes de méga-biodiversité ».
En 2018, un procès avait mis fin à 52 concessions minières d’or préalablement autorisées par le gouvernement. L’action en justice avait été menée et gagnée par le peuple améridindien A’i Cofán et précisément la communauté de Sinangoe, afin de protéger la rivière principale de la province de Sucumbios, Río Aguarico.
32 000 hectares de forêt tropicale avaient ainsi été sauvés de l’impact environnemental dévastateur de l’extraction de l’or, mise en place sans consultation au préalable avec les communautés directement affectées par la pratique.
La rivière Rio Aguarico est essentielle pour ces peuples qui en dépendent pour pêcher et donc se nourrir, boire, et se laver. Leur survie est donc intrinsèquement liée à cet affluent.
Or, selon la constitution de l’Équateur, les communautés indigènes ont droit au « Free, Prior, and Informed Consent » instauré par les Nations Unies, ils doivent être exposés aux projets affectant leurs territoires et ont droit de consentement dans l’établissement ou l’arrêt de ces projets. C’est ce droit qui leur a permis de gagner le procès de 2018.
En novembre 2021, une nouvelle étape est franchie : 300 chefs autochtones se rendent dans les territoires Sinangoe afin de participer à une audience au cours de laquelle la Cour Suprême a pu examiner si ce droit était respecté à grande échelle.
Les juges ont insisté sur l’application du droit au consentement même si : « les plans ou projets poursuivent la satisfaction de finalités légitimes dans une société démocratique », une référence aux arguments d’extraction pour des fins économiques d’ordre national.
Cette nouvelle régulation marque en effet un revers face aux ambitions du président actuel de l’Équateur, Guillermo Lasso, qui en juillet 2021 avait déclaré vouloir doubler les extractions de pétrole et étendre davantage les exploitations minières, par justification d’une économie à reconstruire post-pandémie.
Jorge Acero, avocat pour la communauté de Sinangoe conclut : « Les peuples autochtones en Équateur, et dans une grande partie du monde, sont forcés à endurer de nombreuses violences et dépossessions sur leurs terres. (…) Cette décision est un outil essentiel pour garantir que le consentement est respecté en Équateur et à travers le territoire. En reconnaissant la vie, l’histoire et le futur des peuples autochtones, nous reconnaissons également la valeur immuable de maintien des environnements pour les êtres humains du monde entier. »
Les territoires autochtones représentent environ 22 % de la surface planétaire et sont des havres protecteurs pour 80 % de la biodiversité du globe. Ils sont ainsi responsables de 17 % du stockage de dioxyde de carbone par les forêts. Dans les forêts et sols de l’Équateur seulement, cela équivaut à entre 2,4 à 2,9 milliards de tonnes de dioxyde de carbone. Leur protection est donc d’une importance capitale.
Crédit photo couv : Amazon Frontlines