Alors qu'un premier surf park a été inauguré en mars 2023 sur l'île hawaïenne d'Oahu, un deuxième projet titanesque doit voir le jour à seulement 2km du premier. Les habitants de l'île s'inquiètent de sa consommation en eau, mais aussi de la contamination des algues et destruction de certains sites sacrés. Dans les tribunaux et sur le terrain, ils s'opposent au projet.
Un projet de surf park au berceau du surf
Il n’y a pas qu’en France que les projets de surf park se multiplient. Destinés aux surfeurs qui souhaiteraient s’entraîner toute l’année quelles que soient les conditions météorologiques, ces bassins à vagues artificielles essaiment à travers le globe.
Un business qui prend de l’ampleur et qu’on le retrouve jusqu’à Hawaï, où un premier surf park, nommé « Wai Kai », a été inauguré en mars 2023 sur l’île d’Oahu. Dans la foulée de ce premier surf park, qui constitue à ce jour le plus grand surf park à vague statique au monde, un second projet a été lancé.
Porté par la société Honokea, ce second projet de surf park devrait se situer à Kalaeola, sur la côte ouest d’Oahu, à moins de deux kilomètres du premier surf park de l’île.
Baptisé « Honokea West », ce surf park à vagues dynamiques devrait utiliser la technologie « wavegarden », une technologie de génération à vagues spécifiquement destinée au surf. L’objectif : que quelque 80 surfeurs puissent travailler simultanément sur différentes vagues, comme le rapporte Euronews.
Le projet devrait également inclure un skatepark, des terrains de beach volley, des aires de jeux pour enfants ou encore 400 places de parking, avec pour objectif d’accueillir entre 300 000 et 400 000 visiteurs annuels.
Des consommations en eau titanesques
Présenté par ses promoteurs comme un projet en adéquation avec les « traditions [hawaïennes] et les valeurs du surf », le surf park promu par Honokea n’en demeure pas moins une aberration écologique pour ses opposants. Réunis au sein de la coalition « Na Kiai O Wai Ha » (littéralement « les gardiens de l’eau de la vie »), ces derniers dénoncent depuis près d’un an les impacts environnementaux que le projet générerait.
Dans l’évaluation environnementale finale du projet, il est spécifié que « le surf park nécessitera un premier apport d’eau potable de 6 870 000 gallons [c’est-à-dire environ 26 millions de litres d’eau, NDLR] pour le remplissage, avec un remplissage périodique à effectuer tous les deux ans ».
« C’est une folie d’imaginer un projet qui demandera autant d’eau potable à des fins récréatives alors que nous sommes en pleine crise de l’eau et que tous les résidents d’Oahu n’ont pas également accès à l’eau potable », entame Healani Sonoda-Pale, militante hawaïenne pour la protection des ressources en eau, pour La Relève et La Peste.
Autre point d’achoppement majeur : les porteurs du projet prévoient d’utiliser des puits d’injection pour vider la piscine tous les deux ans dans le sous-sol karstique.
« Les eaux de vidange sont chargées en produits chimiques, continue Healani Sonoda-Pale. Il pourrait y avoir un risque de contamination de l’aquifère, des algues qui alimentent les poissons pêchés dans l’île, ainsi que des habitants », fustige la militante.
Sans compter que le site choisi pour le surf park inclut un site sacré (« iwi kūpuna ») contenant d’anciennes sépultures.
« Le projet profanerait des sépultures sacrées… L’impact d’un point de vue culturel serait énorme », relate Healani Sonoda-Pale.
L’autorisation environnementale attaquée en justice
Via leur site internet, les porteurs du projet assurent de leur côté être « conscients des problèmes d’eau » de l’île et soutiennent par ailleurs « qu’aucune espèce végétale ou animale protégée ou proposée à la protection par des programmes fédéraux ou étatiques sur les espèces en voie de disparition n’a été trouvée sur le site ».
Ils avancent également qu’ils « n’utiliseront pas de produits chimiques nocifs pour traiter [leur] eau, et que tout puits d’injection, s’il est construit, sera étroitement surveillé par l’État et le gouvernement fédéral », détaille The Inertia.
Des arguments qui peinent à convaincre les opposants au projet. Mobilisés depuis avril dernier, ces derniers ont également lancé une pétition contre le projet qui regroupe à ce jour plus de 700 signatures. Surtout, ils ont attaqué en justice, devant le tribunal environnemental de l’État d’Hawaï, l’autorisation environnementale pour la réalisation du surf park.
« Ce qu’on cherche à prouver, c’est que l’autorisation environnementale ne prend pas en compte tous les impacts que le surf park aura, détaille Healani Sonoda-Pale pour La Relève et La Peste. Nos préoccupations majeures concernent l’utilisation d’eau, bien sûr, mais aussi la contamination des algues et le respect de nos sites sacrés. »
Une internationalisation de la lutte
Alors qu’une audience est prévue à la date du 28 février, annonce Healani Sonoda-Pale, les activistes se disent prêts à continuer à se battre aussi longtemps qu’il le faudra pour contrer ce projet de surf park.
« Nous vivons en première ligne du réchauffement climatique, avance Healani Sonoda-Pale. Nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à mettre en œuvre ce type de projets qui entraîneront des destructions irréversibles dont l’île ne se remettra jamais. »
Dans leur combat, les militants hawaïens sont notamment soutenus par les membres girondins du Collectif « Canéjan en transition ». Ces derniers luttent de leur côté depuis de longs mois contre un projet de surf park à Canéjan, en périphérie de Bordeaux.
« Quand j’ai entendu parler du projet à Hawaï, ça m’a tout de suite semblé scandaleux, relate Rémy Petit. On retrouve des problématiques similaires à chez nous, comme la consommation d’eau et la pollution liée aux vidanges, continue le généticien et écologue de formation, membre du Collectif « Canéjan en transition ». Au sein du collectif, on réfléchit à créer une coalition internationale contre les projets de surf park… C’est important de se soutenir mutuellement. »
En lien avec les membres de la coalition « Na Kiai O Wai Ha » à Hawaï, le collectif girondin a également engagé des discussions avec des militants en Allemagne et en Australie, ainsi qu’avec des scientifiques au Brésil pour faire front commun contre ces projets « d’un autre temps » à l’heure de l’urgence climatique.
Sources : ‘Profiting off a cultural practice’: Hawaiians go to court over concerns about artificial wave pool, euronews, 29/05/2023 / Si vous voulez combattre l’AfD, vous devez faire de la politique sociale, 28/01/2024, Die Zeit