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« Stop au pillage de l’eau » : des associations luttent contre un nouveau projet de surfpark

Alors que les travaux du surfpark ont été suspendus dans l'attente de la décision du tribunal administratif, les associations de défense de l'environnement s'attellent à continuer à sensibiliser le grand public aux conséquences jugées délétères du projet de surfpark.

Alors qu'un permis de construire a été accordé pour la création d'un surfpark à Canéjan, des associations de défense de l'environnement ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Bordeaux pour tenter d'empêcher ce projet qu'elles estiment, entre autres, largement préjudiciable à la préservation des ressources en eau.

Depuis plusieurs années, les projets de surfpark, ces bassins à vagues artificielles destinés à s’entraîner au surf en zone urbaine, se multiplient. Partout, ces derniers suscitent de nombreuses controverses et résistances de la part de citoyens et militants écologistes, inquiets de l’impact écologique généré par ces projets titanesques. Tant et si bien que sur les neufs projets de vagues géantes imaginés jusqu’ici, tous ont été abandonnés. Reste l’actuel projet de surfpark de Canéjan, situé en périphérie de Bordeaux (Gironde) et aujourd’hui au coeur de vifs débats. 

Porté par quatre entrepreneurs, Nicolas Padois, Eneko Elosegui, Édouard Algayon et Mehdi Ait Oufkir, le projet prévoit d’installer sur une friche industrielle de Canéjan deux bassins de près de 20 000 m3 d’eau. L’objectif, dans cette commune de quelque 6 000 habitants située à une cinquantaine de kilomètres de la côte atlantique : accueillir jusqu’à 300 surfeurs par jour, soit l’équivalent, d’après les porteurs de projet, des capacités d’accueil “d’une école de surf classique sur la côte aquitaine”.  

Un surfpark écoresponsable ?

Pour mener à bien ce projet, dont le financement est estimé entre 20 et 30 millions d’euros, un permis de construire a été accordé en février dernier par la mairie de Canéjan à la société SCI Paola. Une décision dont se félicitent les porteurs du projet, qui le présentent comme un surfpark écoresponsable. “Depuis la pandémie, nous avons énormément travaillé pour créer un projet qui ne soit par une aberration d’un point de vue environnemental, contrairement aux autres projets de surfpark qui avaient été imaginés avant nous, expliquent d’une même voix Nicolas Padois et Eneko Elosegui. On s’est vraiment demandé si notre projet avait du sens et si oui, comment le faire dans les meilleures conditions.”

Réunis au sein de l’“Académie de la glisse”, les quatre associés vantent à l’unisson les mérites d’un projet présenté sans artificialisation des sols, avec l’installation de panneaux solaires pour alimenter les turbines des piscines. “En parallèle, le surfpark fonctionnera entièrement grâce à la récupération des eaux de pluie, développe Eneko Elosegui. Sachant qu’en cas de période de sécheresse, nous nous engageons à fermer l’un des deux bassins pour qu’il puisse servir de stockage.”

Pour ce qui est du remplissage initial des deux bassins, “le planning que nous avons établi prévoit de les remplir avec 55% d’eau de pluie, continue Nicolas Padois. Nous compléterons ensuite les 45% restants avec de l’eau de ville, mais c’est le seul moment où nous en utiliserons. D’ailleurs, ces estimations correspondent au scénario le moins favorable. Si nous en avons la possibilité, nous irons bien sûr au-delà du seuil des 55% d’eau de pluie !”

Des associations mobilisées face aux risques environnementaux 

Des arguments pourtant loin de convaincre la Société pour l’étude, la protection et l’aménagement de la nature dans le Sud-Ouest (Sepanso) Gironde et la Surfrider Foundation Europe qui, avec le soutien de l’association Canéjan en transition, ont déposé le 31 juillet dernier un recours devant le tribunal administratif de Bordeaux pour faire annuler le permis de construire du surfpark. “Étant donné que le projet de surfpark se fait sur un terrain privé et que le permis de construire avait déjà été signé lorsque nous avons eu connaissance du projet, déposer un recours était notre seule option, explique Guillaume Devoyon, membre de l’association Canéjan en transition. Pour nous, il était inimaginable de laisser faire un tel projet.”

Dans un communiqué paru en juillet dernier, les associations de défense de l’environnement fustigent, entre autres, “l’immense gaspillage” en eau que génèrerait la création des deux méga-piscines. “Les porteurs du projet mettent en avant une utilisation quasi-exclusive de l’eau de pluie, mais ce sera largement insuffisant et ils le savent, tonne Guillaume Devoyon. Ils vont être obligés de puiser dans l’eau potable du réseau public, issue de la nappe captive profonde.” D’après les associations, le surfpark devrait en effet consommer à minima 147 000 m3 d’eau par an, soit l’équivalent de 59 piscines olympiques. “Un non sens total” selon elles, alors que l’“Académie de la glisse” avance, elle, un chiffre de 13 000 m3 par an.

“C’est environ deux fois moins que celui d’Alaïa Baye, en Suisse, assure Eneko Elosegui. Eux ont été obligés d’effectuer de nombreuses vidanges, mais si ce n’avait pas été le cas, leur consommation aurait été équivalente à la nôtre.”Autre point d’achoppement majeur : le risque environnemental encouru par la rivière située en contrebas du site, qui, d’après les associations, “recevrait les vidanges et trop-pleins des eaux usées du site sans que des études écotoxicologiques n’aient été réalisées pour évaluer les conséquences de ces rejets sur la rivière et son écosystème”. Sans compter l’artificialisation du sol induite par la construction du projet, ainsi que “l’absence d’inventaire sérieux des espèces protégées peuplant le site”, poursuit Guillaume Devoyon. Des arguments là encore récusés par les porteurs du projet.

“Si le projet réussissait, ce serait un déni de l’urgence climatique”

Alors que les travaux du surfpark ont été suspendus dans l’attente de la décision du tribunal administratif, les associations de défense de l’environnement s’attellent à continuer à sensibiliser le grand public aux conséquences jugées délétères du projet de surfpark. Une pétition pour faire annuler le permis de construire a d’ailleurs été mise en ligne, cumulant à ce jour plus de 55 000 signatures. “Et puis les politiques se saisissent du dossier, détaille Guillaume Devoyon. On ne sait pas ce que ça va donner, mais c’est déjà ça.” Le député de la 7e circonscription de Gironde, Frédéric Zgainski, s’est en effet positionné clairement contre le projet, quand le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, a assuré que le ministère allait “se pencher sur le sujet”.

Surtout, encouragés par le récent abandon d’un projet de surfpark à Castets, dans les Landes, les membres de Canéjan en transition veulent croire à un scénario similaire à Canéjan. “Il y a eu neuf projets qui ont échoué jusqu’ici. Si celui-ci réussissait, sa construction signifierait l’échec de notre mobilisation, mais cela créerait surtout un précédent pouvant encourager d’autres projets similaires, lâche Rémy Petit, membre de l’association Canéjan en transition et du collectif Non au surfpark à Canéjan. Ce serait une véritable fuite en avant, un déni de l’urgence climatique concernant la ressource en eau”. Les porteurs du projet se disent, eux, confiants en l’avenir : “Si le juge dit que ce n’est pas possible, on réfléchira et on trouvera de nouvelles solutions, assurent Nicolas Padois et Eneko Elosegui. C’est un projet de passion, qui prendra le temps qu’il faudra, mais qui se fera.”

Cecile Massin

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