Prédateur redoutable de l’abeille domestique, le frelon asiatique est une espèce invasive qui menace la biodiversité. Faute de prédateur naturel en Hexagone, particuliers et apiculteurs redoublent d’ingéniosité pour l’affronter. Le Sénat vient d’adopter une proposition de loi pour endiguer sa prolifération.
L’invasion du frelon asiatique
Vespa Velutina, plus connu sous le nom de frelon asiatique, est une espèce invasive originaire du nord de l’Inde, de la Chine et des montagnes d’Indonésie. Mis à part quelques oiseaux, qui parfois préfèrent les consommer morts, le frelon asiatique n’a pas de prédateurs naturels dans l’Hexagone. Sérieux danger pour les abeilles, il impacte, par effet ricochet, la pollinisation des plantes et plus largement la biodiversité.
Le frelon asiatique effraie tellement par les dommages qu’il cause que l’on a tendance à le confondre avec ses congénères les guêpes et autres types de frelons. Pourtant, il est facilement reconnaissable. Les adultes sont bruns noirs au niveau de leur thorax et de leurs segments abdominaux, mis à part le 4ème, qui est presque entièrement jaune orangé, comme sa tête. Ses pattes sont jaunes à l’extrémité. Plus petit que le frelon d’Europe, sa taille est d’environ 3cm de long.
Cachées dans de la poterie importée du pays du soleil levant par un horticulteur du Lot-et-Garonne, des femelles fondatrices ont atteint la France en 2004. En moins de 20 ans, il a désormais colonisé tout le territoire national et s’est largement répandu en Europe (Espagne, Portugal, Belgique, Italie, Allemagne, Angleterre, Pays-Bas).
« Ses fortes capacités d’adaptation, sa plasticité phénotypique, sa résilience à la prédation et au parasitisme lui ont permis de coloniser l’ensemble de la France métropolitaine en moins de vingt ans. Son front de colonisation a progressé en moyenne de 78 km par an, faisant du frelon asiatique l’archétype même de l’espèce exotique envahissante » explique une proposition de loi du Sénat pour endiguer sa prolifération
Prédateur généraliste et opportuniste, le frelon asiatique est responsable d’environ 20 % de la mortalité dans les ruchers selon les estimations, et même jusqu’à 40% dans le département du Lot-et-Garonne. Il représente une perte annuelle de 12 millions d’euros pour la filière apicole.
Le frelon asiatique un redoutable prédateur
En plus de n’avoir pas de prédateurs naturels en Europe, une seule reine est capable de fonder une nouvelle colonie par an pouvant regrouper des milliers d’individus à la fin de la saison. Même si les frelons asiatiques se nourrissent aussi de nectar et de sève d’arbres, leur principale source alimentaire sont des insectes comme les mouches, les papillons, les guêpes.
Ils raffolent aussi des abeilles. En effet, elles représentent 80 % de leur alimentation quand ils sont localisés en ville et 45 % dans les campagnes. Leur technique d’attaque est aussi cruelle qu’infaillible. Le frelon asiatique se positionne en vol stationnaire à l’entrée des ruches avant de s’élancer contre les abeilles qu’ils kidnappent puis décapitent pour aller nourrir leurs larves avec.
Comme chaque être vivant, les abeilles sont elles aussi des êtres sensibles et si les frelons ne réussissent pas à les tuer, elles deviennent si stressées qu’elles ne parviennent plus à récolter assez de pollen pour passer l’hiver. Par voie de conséquence, elles sont condamnées.
L’attaque permanente des frelons sur les ruches produit la diminution de production de miel, l’arrêt de la ponte, la disparation des abeilles et des risques de perte de colonie pendant l’hiver.
Le monde, nos écosystèmes, fonctionnent de façon holistique. Nous autres, êtres vivants, sommes liés inextricablement. Si les abeilles sont menacées alors nous le sommes aussi. Ces dernières sont des maillons essentiels au processus de pollinisation qui assure la fécondation des graines et des fruits. Si elles disparaissent, c’est la biodiversité européenne qui est menacée et de fait, notre sécurité alimentaire.
Lutter contre le frelon asiatique
S’il n’est pas plus dangereux pour l’homme qu’un frelon européen, le frelon asiatique s’avère particulièrement guerrier pour protéger son nid. 30 % de ces derniers sont bas et cachés. Si l’on a le malheur de se retrouver proche d’un nid actif, il se montrera très agressif en attaquant l’intrus et ne reculera devant rien pour protéger son territoire. Il combattra jusqu’au bout pour défendre son habitat.
Suite à plusieurs décès de personnes, des sociétés se sont spécialisées dans la destruction des nids qui se font du printemps à l’automne car l’hiver, ces derniers sont vides. Malheureusement, les pompiers n’interviennent qu’en cas de menace directe sur la population et les interventions privées peuvent coûter de 80 à 300€.
Étant un sérieux problème pour la biodiversité, plusieurs techniques ont été mise en place pour le neutraliser, avec des résultats plus ou moins concluants. En 2018, un piège à frelons asiatiques, nommé Jabeprode, a été récompensé par le Concours Lépine. Inventé par l’apiculteur breton Denis Jaffré, il permet la capture des femelles fondatrices du Vespa velutina au printemps et à l’automne.
Avec pour dessein d’avoir le moins d’impact sur l’environnement et l’écosystème, ce bac à capture a la caractéristique d’être sélectif : contrairement aux pièges conçus avec une bouteille en plastique ou d’autres dérivés vendus sur internet, ils sont calibrés au centième de millimètre près pour ne piéger que le frelon asiatique.
Les autres insectes attirés par l’appât qui s’y trouve, et dont le dispositif laisse les effluves circuler librement, pourront ressortir du bac par les ouvertures tout en empêchant les insectes plus gros comme la reine des frelons européens d’y pénétrer. Même si ce dispositif ne permet pas d’endiguer complètement l’invasion du frelon asiatique, il est aujourd’hui fabriqué en série et distribué largement sur le marché.
Un plan national contre le frelon asiatique
Certains oiseaux comme les mésanges sont avides de frelons asiatiques. Cependant, ils les mangent morts lorsque le nid est abandonné. Certains pics et des pies (notamment la pie-grièche écorcheur), ont été vus en fin d’automne perforer leur habitat pour en ingérer les derniers individus. Le guêpier d’Europe, lui, les chasse en vol et adore ces insectes comme son nom l’indique. Enfin, une bondrée apivore a été repérée en train de détruire un nid de frelons asiatiques.
Dans une autre catégorie, la Sarracenia, une plante carnivore, dont le nectar et les phéromones attirent les insectes, séduit et appâte les frelons asiatiques pour les piéger et les manger. Le bocal à cône, lui, contient du miel qui attire les frelons asiatiques en pensant arriver dans une ruche et y trouver des abeilles. Malheureusement à la différence du piège de Jabeprode, il peut aussi attirer et tuer d’autres insectes.
Le 11 avril 2024, le Sénat a adopté à l’unanimité, la proposition de loi dont l’objectif est d’enrayer la prolifération du frelon asiatique « espèce exotique considérée comme un danger sanitaire, et préjudiciable à la filière apicole, à l’arboriculture et à la biodiversité ». Cette dernière prévoit l’élaboration d’un plan national de lutte associant l’État, les scientifiques et les acteurs locaux.
Ce texte de loi donne l’obligation, pour tout propriétaire, de déclarer la présence de nids de frelons asiatiques et leur destruction prise en charge par la préfecture de département. Il prévoit aussi un régime indemnitaire forfaitaire ouvert aux « exploitants apicoles » possédant plus de 50 ruches et ayant subi un préjudice économique causé par le frelon asiatique. Des subventions sont également prévues pour promouvoir la recherche d’outils, de pièges et freiner la reproduction de l’espèce.
Le montant des aides n’a pas encore été déterminé, le texte doit d’abord passer par l’Assemblée Nationale. Une prochaine étape dont le vote est déjà pressenti comme favorable.
Sources : « Prolifération du frelon asiatique : la proposition de loi pour préserver la filière apicole adoptée à l’unanimité », PublicSenat, 11/04/2023