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France : la crise du logement, un fléau social et écologique

Durant plusieurs années, de multiples mesures gouvernementales ont considérablement affaibli l’accès aux logements décents, en particulier « la rigueur budgétaire continue sur les APL, les bailleurs sociaux et même à présent sur l’investissement locatif ».

Le 29e rapport sur l’état du mal-logement en France, publié le 31 janvier par la Fondation Abbé Pierre, est sans appel : « la bombe sociale du logement est en train d’exploser sous nos yeux et la crise du logement s’accélère de manière très inquiétante ». Provoquée entre autres par la spéculation, cette crise du logement a des conséquences sociales et environnementales désastreuses. Un article de Juliette Boffy.

Près de 15 millions de personnes en situation de mal-logement

C’est une réalité crainte et maintes fois supposée que dépeint aujourd’hui la Fondation Abbé Pierre dans son nouveau rapport consacré au mal-logement. Sa présidente Marie-Hélène Le Nedic, qui, avec bien d’autres voix, avait alerté à de nombreuses reprises que « la crise du logement qui couve » aurait de « dures répercussions sociales », l’affirme : « désormais, cette crise est là ».

Une « baisse spectaculaire de la construction, notamment de logements sociaux », la « hausse du coût de la construction et la raréfaction des terrains disponibles » ou encore un « accès à l’énergie de plus en plus onéreux qui oblige les ménages à des arbitrages douloureux » sont autant de facteurs, loin d’être exhaustifs, venant expliquer la situation catastrophique à laquelle doivent faire face des millions de personnes en France. Des difficultés pourtant loin d’être ignorées ou méconnues.

En 2021 déjà, La Relève et la Peste abordait cette « bombe sociale à retardement » et relevait notamment que 49 % du revenu des ménages les plus modestes était dédié à leur habitation, tandis que cette même dépense représentait seulement 10% chez les populations les plus aisées.

« Cette crise prévisible s’impose par son ampleur et la gravité de ses conséquences économiques et sociales qui plongent les plus vulnérables dans une situation encore plus difficile qu’il y a un an », peut-on lire dans ce nouveau rapport.

Au cours des deux années le précédant, bon nombre d’observateurs et autres analystes évoquaient cette même « bombe sociale », expression dont s’était même emparé en 2022 l’ancien ministre du logement Olivier Klein.

Aujourd’hui pourtant, les chiffres, toujours plus écrasants, donnent le vertige et l’alerte ne semble avoir eu que peu de résonance : actuellement, 4,1 millions de personnes sont dites mal logées, dont plus d’1 million sont « privées de logement personnel » et près de 3 vivent dans des « conditions de logement très difficiles ».

En parallèle, 12 millions de personnes se trouvent en situation de fragilité face au logement, mêlant le surpeuplement aux impayés de loyers et à la fracture énergétique.

Un accès de plus en plus difficile au logement social

Des chiffres en constante hausse expliqués, d’abord, par une précarité alarmante qui ne cesse d’augmenter. En 2021, 9,1 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en France. Une réalité préoccupante, conduisant près de 2,5 millions de ménages à faire la demande de logements sociaux.

Le taux annuel de satisfaction d’accès aux HLM, dans le même temps, n’en finissait pas de chuter, passant de 22 à 17% entre 2017 et 2022. La TVA sur la construction de logements sociaux est quant à elle passée de 5,5 % à 10 % depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron.

Aussi, la Fondation pointe du doigt la complexité de « l’habitat indigne », qui touche aujourd’hui 1 million de personnes dans le pays. Il est notamment caractéristique des régions en perte d’attractivité économique, à l’image de Mulhouse, Saint-Étienne, Quimper ou Montauban, mais aussi dû à « des choix d’aménagement privilégiant l’extension des villes vers la périphérie au détriment de la ville-centre », comme l’expose le rapport. Aussi, les ressources limitées des ménages permettent de moins en moins l’entretien nécessaire à la bonne résistance des logements.

À ce sujet, si la Fondation se réjouit que la rénovation énergétique soit « devenue un enjeu de premier plan », il regrette en revanche le manque de moyens consacrés spécifiquement aux logements indignes par l’Agence nationale de l’habitat (Anah). En 2022, seuls 2% des 718 555 logements rénovés traitaient cette problématique.

Les locations touristiques saturent le marché

Par ailleurs, cette crise du logement ne peut être expliquée sans mettre en parallèle le débordement de locations touristiques de longue durée et de résidences secondaires présentes sur tout le territoire.

« Des plateformes comme Airbnb continuent de se développer en France, profitant de niches fiscales existantes, faisant grimper les prix et limitant l’offre locative de longue durée », analyse la Fondation Abbé Pierre.

Ajouté au fait qu’en 2023, ce ne sont pas moins de 3,2 millions de résidences secondaires qui avaient été recensées en France, où un logement sur dix est une résidence secondaire, faisant de notre pays celui au monde où il y en a le plus par habitant.

Certaines initiatives tendent cependant à inverser la tendance. En 2022, le Pays Basque adoptait une mesure contraignant les propriétaires de locations saisonnières permanentes à proposer un autre bien à la location à l’année dans la même commune. Une décision encourageante permettant de contenir au mieux la spéculation immobilière mais aussi d’entrevoir une nouvelle façon de concevoir l’accès à l’habitat, basé sur un partage des terres plus égalitaire et cohérent. Pour rappel, en France, 68 % de la consommation d’espaces est à destination de l’habitat selon l’INSEE.

Des mesures gouvernementales loin d’être à la hauteur

Selon la Fondation Abbé Pierre, ces nombreuses difficultés traduisent enfin, et surtout, un traitement délétère de la question du mal-logement par les politiques publiques, plutôt débattue sous « un prisme budgétaire, comme un gisement d’économies, au détriment de la dimension sociale alors même que la fiscalité du logement rapporte beaucoup à l’État ».

En effet, durant plusieurs années, de multiples mesures gouvernementales ont considérablement affaibli l’accès aux logements décents, en particulier « la rigueur budgétaire continue sur les APL, les bailleurs sociaux et même à présent sur l’investissement locatif ».

Ce n’est d’ailleurs pas la dernière déclaration du premier ministre Gabriel Attal qui viendra contrebalancer la noirceur du rapport. Dans son discours de politique générale tenu à l’Assemblée nationale le mardi 30 janvier, le nouveau chef du gouvernement est revenu sur la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), destinée à recréer un équilibre social en imposant un un nombre minimum de logements sociaux au sein des communes urbaines, vieille de 25 ans.

« D’ici à 2025, toutes les communes soumises à la loi SRU doivent posséder au moins un quart de logements sociaux sur leur territoire. Nous proposerons d’ajouter pour une part les logements intermédiaires, accessibles à la classe moyenne, dans ce calcul », déclarait-il alors.

Une annonce qui entérine bon nombre d’espoirs des locataires prétendant à des logements sociaux que l’on sait de plus en plus verrouillés.

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