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France : 62% des trajets en voiture font moins de 10km, un usage proportionnel à la richesse

« Plus on est riche et plus on possède de voitures », synthétise l’ingénieur, qui ajoute que « plus un ménage est riche et plus il utilise intensément la ou les voitures dont il dispose ».

On les attendait depuis longtemps, ils sont enfin tombés. Fin décembre, le ministère de la Transition écologique a mis en ligne les résultats complets et définitifs de sa grande enquête « Mobilité des personnes », réalisée entre 2018 et 2019.

L’indétrônable hégémonie de la voiture

Tous les dix ans, cette étude menée sur l’ensemble du territoire métropolitain analyse les déplacements des Français selon une méthodologie semblable à chaque édition, qui permet de comparer les résultats dans le temps.

Succédant à celles de 2008, 1994 et 1982, la nouvelle enquête apporte comme il se doit de nombreuses perspectives sur les habitudes de mobilité françaises, sur une période allant de la crise des subprimes à l’orée des bouleversements causés par la pandémie.

Contre toute attente, les distances parcourues lors de déplacements locaux (c’est-à-dire à moins de 80 kilomètres du domicile) n’ont pas baissé, mais augmenté de 12 % en dix ans.

En 2019, les Français ont ainsi effectué une moyenne de trois déplacements par jour, du lundi au vendredi, ce qui constitue plus de 181 millions de parcours quotidiens.

En Hexagone, la durée de transport moyenne s’élève à 1 h 02 par jour (soit 6 minutes de plus qu’en 2008) et la totalité de ces déplacements locaux représente 1,6 milliard de kilomètres quotidiens (en augmentation de 14 %), soit 23 kilomètres par personne.

L’urgence écologique a-t-elle eu la moindre incidence sur nos habitudes ? Il n’en est rien : la voiture reste le principal mode de transport quotidien (63 %, contre 65 % auparavant), et elle devance largement les trajets à pied (23,7 %), les transports en commun (9,1 %) et le vélo (2,7 %).

Entre les zones rurales et urbaines, les disparités sont toujours aussi fortes. Dans les agglomérations moyennes et grandes, la marche et les transports en commun ont nettement progressé, faisant par exemple chuter de 8 points l’usage de la voiture à Paris.

À l’inverse, les habitants des campagnes utilisent tout autant leur voiture qu’il y a dix ans (79,5 % des déplacements), ce qui s’explique par la pauvreté des autres offres de transport en milieu rural et la dépendance vis-à-vis de ce moyen de locomotion qui en découle.

Lire aussi : « On n’est pas libre d’avoir une bagnole ou non parce que l’univers suburbain est agencé en fonction d’elle »

La mobilité, indissociable des revenus

Dans une analyse publiée sur son blog d’Alternatives économiques, Mathieu Chassignet, spécialiste de la mobilité, montre par ailleurs que la voiture est le mode de transport des riches par excellence.

« Plus on est riche et plus on possède de voitures », synthétise l’ingénieur, qui ajoute que « plus un ménage est riche et plus il utilise intensément la ou les voitures dont il dispose ».

Alors que les 10 % les plus riches parcourent en moyenne 11 700 kilomètres par an avec leur(s) voitures(s), la distance totale parcourue par les 10 % les plus pauvres s’établit quant à elle à 9 700 kilomètres par an. Des inégalités qui, apparemment, tendraient à s’accentuer.

Il faut d’ailleurs noter que les classes supérieures de revenus se dotent de voitures plus récentes, qui ne seront donc pas concernées (ou le seront bien plus tard) par les restrictions des zones à faibles émissions limitant la circulation des véhicules les plus polluants dans les grandes agglomérations.

Qu’on soit aisé ou modeste, la voiture est la plupart du temps utilisée pour des trajets courts ou très courts : 62 % des déplacements impliquant ce mode de transport font moins de dix kilomètres. Mais là encore, des inégalités apparaissent, car « la distance totale parcourue en voiture est deux fois et demie supérieure pour les 40 % des ménages les plus riches », explique Mathieu Chassignet.

En ce qui concerne les « voyages », c’est-à-dire les trajets supérieurs à 80 kilomètres à vol d’oiseau depuis le domicile, l’enquête du ministère de la Transition écologique suggère sans grande surprise que les ménages les plus aisés se sont déplacés plus souvent et plus loin lors de la dernière décennie, comme au cours des décennies précédentes. 

« Le nombre de voyages par an est croissant avec le revenu », résume Mathieu Chassignet : les 10 % les plus riches font neuf voyages par an, là où les 20 % les plus pauvres n’en font que trois, avec une somme de kilomètres parcourus largement inférieure.

Lire aussi : Pollution de l’air : le mandat de la dernière chance pour les maires de France

Dix ans de perdus dans la transition

En définitive, la mobilité des Français semble donc corrélée au niveau de revenus : les plus modestes se déplacent moins, moins loin, et n’utilisent pas les mêmes moyens de transport que les ménages aisés, ce que prouve le recours croissant, chez les plus riches, aux deux-roues motorisés, un moyen de transport aussi polluant que coûteux.

Le second enseignement de cette grande enquête se trouve sans doute dans le rapport des Français, et par conséquent des pouvoirs publics à l’écologie. Malgré une baisse (minime) des trajets réalisés en voiture, tous les autres indicateurs relatifs à ce moyen de transport critiquable n’ont en effet cessé d’augmenter, que ce soit la distance totale parcourue, la longueur des voyages et les kilomètres effectués. 

Il n’y a donc pas de véritable amélioration de notre mobilité. La transition vers des modes de transport plus propres est encore un vœu pieux, ou ne se réalise qu’« en trompe-l’œil », comme le dit Mathieu Chassignet, qui constate enfin que la part de l’avion dans la « mobilité lointaine » est passée de 30 à 43 % entre 2008 et 2019. Qu’en sera-t-il dans dix ans ?

Augustin Langlade

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