Est-ce le « début de la fin ou la fin du début » ? se demande la comédienne Audrey Vernon. Après l’annonce de sa future dissolution par Gérald Darmanin, Les Soulèvements de la Terre et leurs soutiens se réunissaient mercredi 12 avril au soir à La Station Gare des Mines dans le nord de Paris où une quarantaine de personnalités scientifiques, artistes, politiques et médiatiques ont pris la parole.
Climatologues, anthropologues, politiques, militants associatifs, syndicalistes, la graine de la graine en somme, se sont relayés au micro pour exprimer leur inquiétude mais aussi leur optimisme quant au devenir du mouvement. Cette fin annoncée par les autorités ne sera qu’une graine plantée en début de printemps, avant l’arrivée des beaux jours.
« Tout ce qu’ils obtiendront c’est que nous, la mauvaise herbe, la mauvaise graine, on essaimera, on continuera parce qu’il n’y a pas d’autre issue possible, parce qu’il n’y a pas d’autre issue vivable » scande Julien Le Guet.
Les Soulèvements de la Terre, ce sont beaucoup de jeunes, une génération pleine d’inquiétude face à l’accaparement des terres, de l’eau, du vivant. Une génération remplie d’empathie et de bon sens. Une génération qui ne peut plus attendre que l’État, condamné deux fois pour inaction climatique, prenne des décisions fortes sur la rupture du modèle agricole actuel et sur le réchauffement global.
Une génération qui pratique la désobéissance civile parce que demain il sera trop tard. Comment arrêter un mouvement empreint d’une revendication aussi substantielle ?
C’est « impossible », selon Juan Pablo Gutierrez, délégué international de l’Organisation Nationale Indigène de Colombie (ONIC) et du peuple autochtone Yukpa menacé d’extinction, « car on ne peut pas dissoudre un mouvement, car nous sommes comme l’eau, nous sommes inarrêtables. »
Un mouvement globalisé et enraciné
Les soulèvements de la Terre sont indestructibles car ils fédèrent. Ils ont réuni autour de la table des acteurs qui ne se parlaient plus avec « l’addition des militants écologistes des Soulèvements de la Terre, des citoyens de Bassines non merci, et des citoyens de la confédération paysanne », argumente Nicolas Girod, porte-parole national de la Confédération Paysanne.
Le mouvement est fort de ses « différences » qui permettent « d’additionner nos savoirs faire pour renforcer nos actions et notre visibilité nous pouvons enfin croire en la victoire » explique le paysan.
La lutte pour le vivant n’a pas de frontières, parce que les écosystèmes, le vivant, le climat, l’humanité, est un tout terrestre. Le combat se globalise, s’étend à tous les continents.
De Juan Pablo Gutierrez, représentant du peuple autochtone Yukpa de passage à Paris pour soutenir les Soulèvements de la Terre aux agriculteurs de Via Campesina, mouvement international qui coordonne des organisations de petits et moyens paysans, de travailleurs agricoles, de fermes rurales, de communautés indigènes d’Asie, des Amériques, d’Europe et d’Afrique. Leur slogan symbolise le futur de cette bataille pour la terre : « Globalisons la lutte, globalisons l’espoir ».
« Dans toute l’Europe et partout dans le monde nous luttons contre l’accaparement des terres, des semences et des territoires » martèle l’une de ses représentantes.
« Nous subissons la répression et la criminalisation de nos mouvements. Face aux désastres sociaux et environnementaux, nous semons la graine de l’espoir. » dit un autre paysan membre de Via Campesina.
La dissolution fait partie d’un processus de criminalisation et d’une répression de plus en plus forte. Terrorisme d’extrême gauche, écoterrorisme, pour protéger un système, il est bon de rentrer dans l’antagonisation la plus extrême.
Face à l’action de l’État « la justice a renvoyé une triste image de ce qu’elle pouvait être. Impuissante à contrôler l’action du pouvoir exécutif et de sa police même dans ses pires débordements. Impuissante à protéger autre chose qu’un projet de société injuste et incompatible avec la catastrophe écologique que l’on traverse » explique Thibaut Spriet, membre du Syndicat de La Magistrature.
En trois mots, l’anthropologue Philippe Descola résume le bien-fondé du mouvement, criminalisé pour seul motif de protester pour une cause juste. Mais qui sont les vrais criminels ?
« Inaction : être Soulèvement de la Terre, c’est s’élever contre l’inaction climatique de l’État déjà condamné à deux reprises par des cours administratives, c’est lutter à la place d’une puissance publique défaillante contre tout ce qui contribue au réchauffement du global, jusqu’à la passivité coupable des crimes contre la terre commis par des grandes entreprises.
Accaparement : être Soulèvement de la Terre, c’est s’opposer à l’accaparement des biens communs, les pâtures, l’eau, la forêt, les savoirs, […] et qui prend tout son relief avec la mainmise sur les ressources collectives en eau avec l’aval de l’État.
Terreur : être Soulèvement de la Terre c’est s’élever contre la terreur et la répression de l’État de tous ceux qui pensent contre le gouvernement. Une dissolution dont le but pervers est de criminaliser ceux qui se reconnaissent dans ce mouvement de protestation et de criminalisation.»