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« Etre bienveillant envers les animaux est une garantie d’améliorer la condition de l’être humain. »

« Mon approche animale est une avancée spirituelle intérieure, liée à l’élévation. Pas un combat politique, pas une lutte militante, mais une considération pour tous les êtres vivants, auxquels nous pouvons vouer naturellement amour, bienveillance, compassion. La démarche bouddhiste est simple : être bienveillant envers les animaux est une garantie d’améliorer la condition de l’être humain. »

À l’occasion de la sortie d’ANIMAL, son cinquième livre-journal, La Relève et La Peste brosse le portrait des huit auteurs qui ont contribué à faire de ce numéro « le seul tour d’horizon aussi complet du monde animal ». Aujourd’hui, nous vous présentons Guillaume Corpard, poète et musicien, auteur du texte inaugural « Un cri du cœur ».

« Sois le changement que tu veux voir dans le monde. » Quand on lui demande quelle serait la meilleure manière de s’engager aujourd’hui, Guillaume Corpard ne peut s’empêcher de citer la célèbre maxime de Gandhi.

Cheveux bruns tirés en chignon, voix posée, calme comme le chat, cet homme aux multiples casquettes ne cesse de rappeler que l’écologie sera aussi intérieure ou ne sera pas. Nulle action durable sans intention.

« Changer le monde, c’est se changer soi-même. »

Né en 1976 à Nantes dans une famille de musiciens, Guillaume a toujours senti que son destin l’appelait ailleurs, hors des sentiers battus, loin des médailles et des diplômes. Mais avant que son « logiciel intérieur » ne le guide vers la défense des êtres vivants, il lui a fallu traverser un long chemin initiatique.

« J’ai fait les études de l’ennui », déclare celui qui déserta les bancs de la faculté après deux ans de littérature anglaise, pour se consacrer entièrement à la musique, à l’écriture et au voyage.

Guillaume Corpard

Guitare, chant, piano, sa passion l’a très vite conduit en Belgique, où de chansons en rencontres il fonde avec quatre amis le groupe The aiM, dont les textes truffés de métaphores sont emprunts d’utopie et d’humanisme. Guillaume partage son temps entre les studios, les salles de concert et une petite ferme réaménagée non loin de Bruxelles.

Il est progressiste, socialement engagé, défend l’environnement, mais n’a pas encore embrassé la cause animale. C’est alors qu’une rencontre inattendue précipite sa prise de conscience.

« C’était il y a quinze ans, nous raconte-t-il avec un grand sourire. À l’époque, j’aimais la viande, j’en mangeais à tous les repas. »

Sa ferme était devenue peu à peu un refuge d’animaux. Chèvres, coqs et poules, chiens et chats pouvaient se balader en liberté en un genre de grande fête propre aux habitats qui se transforment presque sans le vouloir en tiers-lieux.

« Il y avait cette petite poule rousse, c’était un vrai amour. Elle était toujours juchée sur mon épaule. On s’adorait. Elle me suivait partout. »

Un jour, au déjeuner, Guillaume s’attable. Poulet-frites : c’est un repas somme toute banal. La petite rousse est là, sur son épaule, elle semble avoir faim. Il lui offre à déguster quelques restes de son assiette.

« J’ai donné du poulet à cette poule et je me suis rendu compte que ce n’était plus possible, que je ne pouvais pas aimer autant un animal et manger sa sœur, et lui donner à manger sa sœur en même temps. Le déclic a été immédiat : du jour au lendemain, je suis devenu végétarien. »  

Par la suite, Guillaume fait plusieurs voyages en Inde, au Népal, en Afrique. Il sillonne le monde, en recherche de lui-même, il souhaite sortir de ses habitudes, ses préjugés, et du confort « qui endort l’esprit ». Plus qu’environnementale, la question des animaux est pour lui affaire de spiritualité.

En Inde du Nord, il rencontre ces exilés Tibétains qui ont trouvé refuge à Dharamsala, où il fait sien un mantra bouddhiste essentiel : « Puissent tous les êtres être heureux. »

Sa Sainteté le 14ème Dalaï-Lama – Crédit : Norbu Gyachung

« Mon approche animale est une avancée spirituelle intérieure, liée à l’élévation. Pas un combat politique, pas une lutte militante, mais une considération pour tous les êtres vivants, auxquels nous pouvons vouer naturellement amour, bienveillance, compassion. La démarche bouddhiste est simple : être bienveillant envers les animaux est une garantie d’améliorer la condition de l’être humain. »

En 2014, tout change. Le groupe The aiM sort « My Life’s a Cage », un morceau engagé décrivant une à une les horreurs que notre société inflige aux animaux : élevages, abattoirs, tanneries, éprouvettes. Galvanisé par ce premier succès, Guillaume lance une cagnotte, améliore sa chanson, commande un clip sous forme d’animation, dont les effets sanglants, suggestifs, s’éloignent à peine de la réalité. Dans la foulée, soutenu par plusieurs personnalités, il en élabore un court-métrage percutant : l’élan finit, vient l’envol.

On est en 2017. Des années ont passé depuis la première chanson, Guillaume a eu tout le temps d’affiner son discours, de s’apercevoir qu’en France, très peu de productions artistiques s’intéressent vraiment au sort des animaux.

De fil en aiguille, le voilà de nouveau sur les routes, écumant les salles, mais cette fois-ci de cinéma et de conférence, devant des publics bigarrés, n’ayant comme point commun que le sentiment que quelque chose ne tourne pas rond dans ce monde…

Guillaume consacre désormais toute son énergie aux animaux. En 2018 sort Un cri pour la terre aux éditions Parhélie, sorte de plaidoyer pour une écologie intégrale, qui fait dépendre la santé humaine du bien-être animal, et conditionne une société juste, égale, solidaire au respect de l’environnement. Comme dans son texte publié dans le nouveau numéro de La Relève (Animal), l’ouvrage mêle un lyrisme tout de cœur à un tragique ballet de chiffres.

« Même si je tiens à rester rigoureux, j’aime décrire nos existences de façon poétique, je parle avec l’âme et c’est à elle que j’en appelle. Les données froides ne suffiront jamais à nous ouvrir les yeux. »

Afin d’ajouter le concret au théorique, l’action à la poésie, Guillaume a fondé en 2017 Happy Earth Now, une association œuvrant à Strasbourg, à Metz et en Belgique. Nettoyages de la nature, ateliers de méditation ou de cuisine végétale, maraudes, sauvetages d’animaux, elle reflète, entre en résonance avec la vie et les passions de ses membres.

Source

Aujourd’hui, l’ami fervent des animaux voudrait que ses journées dépassent vingt-quatre heures. Quand il lui arrive de se tourner vers le passé, il repense immanquablement à son chien Bulle, « un border collie de très grande taille, sûrement croisé à un saint-bernard ou à un berger allemand ! », son plus grand compagnon.

À l’époque de son adoption, Guillaume passait plusieurs jours par semaine dans des refuges : la rencontre fut un coup de foudre. Selon ses termes, c’est Bulle qui l’aurait aidé à faire le trait d’union entre le monde sauvage et les êtres humains.

« Ce chien avait une présence qui impressionnait les gens. On sentait son âme ! Quand deux animaux se bagarraient, il savait défendre le plus faible et pourtant, il était d’une grande douceur. On était comme deux frères à se balader partout. C’est lui qui m’a amené sur le chemin de l’attention bienveillante. »

Avec les années, Guillaume s’est éloigné du militantisme, des rapports de pouvoir, des institutions. Pour lui, la seule intelligence qui vaille la peine de vivre est « celle du cœur ».

Dans la paix, il assiste à la fin d’un monde à bout de souffle et à la naissance d’un nouveau, « qui n’amènera plus, espère-t-il, des millions de personnes dans la stupidité. Qui ne se servira plus de l’éducation pour endoctriner la jeunesse au capitalisme, des médias pour nous endormir et nous faire accepter la honte. Qui ne nous rendra plus indifférents à la souffrance. »

C’est dans une société en transition que la jeunesse devra affronter la tâche la plus lourde qui soit : dilater son cœur, cultiver l’amour, éveiller sa conscience. Et surtout demeurer vigilant, car l’ancien monde périclite mais il n’est pas mort.

Augustin Langlade

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