Du 10 au 12 novembre se tiennent les 8èmes rencontres annuelles des lanceurs d’alerte à Paris. A cette occasion, 60 intervenant.e.s vont expliquer comment ils sont passés de simple citoyen à lanceur d’alerte, et veulent faire connaître au public les situations qui relèvent de l’alerte afin d’engager leurs concitoyens à alerter eux aussi. Voici leur tribune.
Quand Irène Frachon dénonce les dégâts du Médiator ou qu’Antoine Deltour rend public le très juteux système permettant aux multinationales d’échapper à l’impôt, quand Inès Léraud s’évertue à médiatiser les causes et méfaits des algues vertes, aucun d’entre eux ne mesure alors les conséquences que cela aura sur leur avenir, leur vie, et parfois même celle de leurs proches…
Au moment d’alerter, ils n’ont fait qu’agir selon leur conscience, n’imaginant pas ce qu’ils auraient à subir pour avoir fait émerger une vérité que des intérêts, souvent privés, préféraient garder dissimulés.
Le nom de ces lanceurs d’alerte est souvent devenu l’emblème-même de la cause qu’on leur a laissé porter.
Si certains les perçoivent comme des héros dignes d’entrer au Panthéon ; si d’autres en revanche les qualifient davantage comme des ennemis par qui le scandale est arrivé et dont nul autre ne doit s’inspirer à l’avenir… les lanceuses et lanceurs d’alerte se voient quant à eux comme des citoyens ordinaires mobilisant des principes fondamentaux de la République.
En 2013, la Loi Blandin a été votée en vue de protéger les alertes en matière de santé publique et d’environnement. Or, depuis, cette protection est sans cesse attaquée par d’autres textes de loi visant à en affaiblir la portée.
En 2016 par exemple, la loi Sapin en a restreint le champ d’action au seul cadre professionnel. Si vous n’êtes pas salarié d’une entreprise responsable d’une pollution, d’une atteinte à la santé publique, ou d’une fraude fiscale… n’espérez pas bénéficier de la protection des lanceurs d’alerte pour avoir révélé des risques ou des délits !
Depuis 2022, la directive européenne dite de protection des lanceurs d’alerte s’impose à la France et sa transposition a permis de corriger une partie des restrictions de la loi Sapin. Hélas, la loi de 2018 sur le secret des affaires en gomme les effets.
Comme le signale l’ex-sénatrice Marie-Christine Blandin dans un récent entretien à Basta ! « Les avocats d’affaires peuvent s’en donner à cœur joie en s’appuyant sur cette loi pour faire condamner les lanceurs d’alerte. »
Alors que se profilent les 8èmes rencontres annuelles des lanceurs d’alerte (les 10, 11 et 12 novembre à la MSH Paris-Nord), en présence d’un grand nombre d’entre eux, il convient de rappeler l’importance pour une société de mieux se protéger grâce aux alertes en sanctionnant non pas ceux qui les portent, mais ceux qui les entravent.
En effet, la défense de l’intérêt général n’est pas une option mais un devoir découlant de notre Constitution ; recontextualisée, cette défense de l’intérêt général et des biens communs figure dans le Code du travail ou la Charte de l’environnement. Alerter est un acte de protection de la société et de son fonctionnement. C’est un acte de citoyenneté qui s’inscrit dans les principes de la République.
Lors des 8èmes rencontres des lanceurs d’alerte, ouvertes gratuitement au public et où sont chaleureusement conviés vos lecteurs et lectrices, nous discuterons des moyens permettant d’envisager un retournement de situation pour qu’à l’avenir ceux qui ont sciemment entravé l’alerte et nui dangereusement à leur porteur se retrouvent devant les tribunaux et en supportent les conséquences. Tout un programme ! Venez nombreux.
Gilles Bruey, libraire, co-fondateur des rencontres annuelles des lanceurs d’alerte
Francis Chateauraynaud, sociologue, inventeur du concept de « lanceur d’alerte »
Daniel Ibanez, co-fondateur des rencontres annuelles des lanceurs d’alerte
Nelly Pégeault, journaliste, ex-rédactrice en chef de la revue Nature & Progrès