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En Bretagne, des écolieux créent du lien entre habitants grâce aux low-techs

« Quand il y a des chantiers collectifs, il y a cette satisfaction à la fin de la journée quand on a bossé ensemble sur un chantier intéressant », raconte Crasten Greve. « T’es naze, mais t’es heureux. Et après ça fuse, la guitare sort, la bière aussi. C’est juste trop satisfaisant ».

En ce début d’été, deux journalistes de La Relève & la Peste se sont embarqués dans un tour de Bretagne à vélo. L’objectif de cette itinérance : partir à la découverte d’initiatives autour des low-tech. Les low-tech ? Ce sont – pour reprendre la définition du Low-tech Lab, qui fait référence en la matière – des technologies à la fois utiles, accessibles et durables, donc particulièrement adaptées aux enjeux actuels. C’est aussi une véritable philosophie de vie, puisqu’en réfléchissant sur l’impact environnemental des outils du quotidien, il s’agit de repenser sa manière de vivre d’un point de vue global. C’est enfin un concept émergent, qui prend de plus en plus d’ampleur, et suscite déjà un vif enthousiasme et de nombreux débats. Une aventure de Marine Wolf & Elouan Ameline.

Troisième étape : la low-tech créatrice de lien social 

Durant le Low-tech Festival, nous logeons dans une cabane entièrement auto-construite, sur le site de l’Atelier Z. Cette association a pris ses quartiers dans un ancien corps de ferme en granit, situé à une trentaine de minutes de vélo du port de Concarneau, où se déroule le festival. Dès notre arrivée, nous sommes frappés par l’activité du lieu.

Nous passons d’abord devant une yourte d’où s’échappe un air de musique. Il s’agit des locaux d’Organic Orchestra, une compagnie artistique mêlant les arts et les sciences. Plus loin, sous un grand hangar, une vingtaine de personnes assistent à une formation sur la fabrication d’un séchoir solaire. 

Créé en 2019, l’Atelier Z est installé sur un terrain appartenant à un couple, Cédric et Blanche.

« Assez vite, ils ont ouvert le lieu, qui est devenu un espace de rencontre et d’échange. Petit à petit, un collectif s’est constitué autour de l’idée de transmission des savoirs. Plusieurs évènements se sont organisés, et l’Atelier Z est né », nous apprend Julie Tavernier, bénévole de l’association. 

L’Atelier Z

Le temps de la rencontre 

Aujourd’hui, en comptant les ateliers, les formations, les conférences et les rencontres culturelles, le lieu accueille environ un événement toutes les deux semaines. Lorsqu’il s’agit d’une formation de plusieurs jours, comme pour fabriquer un déshydrateur solaire ou des vélomobiles, les participants partagent un vrai temps de vie. 

« On va bricoler ensemble pendant un bon moment, si c’est une formation “enduit” on va enduire un mur côte-à-côte toute la journée… Donc on a le temps d’une discussion lente, qu’on a rarement en fait. Quand on rencontre des gens au bar par exemple, ce sont souvent des contextes où il faut parler vite, se présenter rapidement. Alors que là, tu vas manger, faire la vaisselle, bricoler ensemble… D’autant plus que le sujet n’est pas de se rencontrer, mais de bricoler. Le fait qu’il y ait un autre prétexte et un si grand temps, ça crée de beaux liens. »

L’Atelier Z se pose ainsi comme un lieu de partage privilégié, que ce soit lors des Comices du Faire, deux semaines de camp d’été dont le programme est créé par les participants, ou les Rencontres de Kervic, durant lesquelles tout est organisé par l’association. 

« Les gens se rencontrent sur un pied d’égalité, dans un milieu neutre, où l’on n’est ni chez l’un ni chez l’autre », remarque Julie. « Tout le monde est avec les mêmes outils, c’est un contexte qui gomme largement les hiérarchies qu’il y a habituellement. Ça crée des ponts entre des gens et des structures qui ne se connaissaient pas, et beaucoup de projets naissent de ces rencontres. » 

Yourte et rencontres – Crédit : Atelier Z

Une émancipation individuelle et collective

Pour les années à venir, l’objectif de l’association est que ce lieu soit aussi au service du territoire.

« Il y a de moins en moins de lieux de mixité sociale », note Julie. « Donc on essaye d’organiser des évènements qui peuvent s’adresser à tous, en faisant beaucoup de communication dans les commerces locaux. » 

En quelques mots, la jeune fille nous fait ensuite comprendre pourquoi la low-tech peut être vue comme un outil d’émancipation individuelle et collective.

« Il y a cette idée de démystifier la technique. En apprenant à faire nous-mêmes, on se rend compte qu’il y a plein de choses qui sont bien plus accessibles que ce qu’on pensait. Notamment sur le numérique, où on a l’impression qu’on n’a pas du tout la main. Sur l’énergie aussi, au début on ne pense pas qu’on est capable de construire un poêle, un système de chauffage. Lors de ces formations, en s’émancipant, on réfléchit aux pans de nos vies dont on a été dépossédés. » 

Crédit : Atelier Z

Un besoin de technique et d’énergie humaine

L’Atelier Z est notamment très sollicité sur la question de l’habitat.

« Les gens ont envie de se réapproprier ce sujet. On vit dans des maisons trop grandes, trop concentrées. Ce ne sont pas du tout des endroits dans lesquels on a envie de vivre. De plus en plus de personnes veulent construire leurs propres habitats. » 

Julie nous confie finalement que les participants viennent souvent dans le but d’acquérir des savoir-faire techniques et repartent en étant davantage marqués par le côté humain.

« On sent qu’il y a un grand besoin des deux. Les gens ont envie de fabriquer, de voir ce qu’ils sont capables de faire avec leurs mains, d’être au contact de la matière. Et ils ont besoin d’espace de discussion, d’échanger, de s’émerveiller. Soif d’énergie positives humaines… »

Construction d’une tiny-house – Crédit : Atelier Z

Spered All et l’Écocentre 

Cette relation entre low-tech et lien social continue de se faire sentir lors de l’étape suivante, qui nous mène à Pleumeur-Bodou, sur la côte Nord de la Bretagne. Au terme d’une journée de plus de 100km à vélo, nos efforts sont récompensés par la découverte d’une charmante longère entourée de fleurs et de plantes aromatiques.

Cette vieille bâtisse a été rénovée par des bénévoles au fil des chantiers participatifs successifs. Autour de cette dynamique s’est créée l’association Spered All – « un autre esprit » en breton – dont l’objet est d’expérimenter et diffuser des solutions pratiques aux problèmes écologiques. Celle-ci rassemble aujourd’hui une centaine de bénévoles. 

Atelier sandales – Crédit : l’Écocentre Trégor

L’association gère à la fois le parc de loisir de l’Écocentre Trégor, destiné à vulgariser les enjeux écologiques de manière ludique, et la longère, qui accueille une grande diversité d’ateliers et de formations.

« On propose des stages d’éco-construction, des stages autour du travail du bois, ou pour fabriquer ses sandales en cuir, pour apprendre la vannerie ou la cosmétique zéro-déchet… », énumère Aurélien Lejeard, coordinateur à l’Écocentre. « Il y a aussi des ateliers autour de la cuisine, de la cueillette de plantes sauvages, de fleurs ou d’algues, où l’on apprend ensuite comment les utiliser ». 

L’écocentre Trégor – Crédit : Marine Wolf & Elouan Ameline

Un lieu d’inspiration 

« L’idée était de créer un lieu d’inspiration, pour aller vers plus d’écologie, plus de bon sens, plus de solidarité », résume Crasten Greve, co-créateur de l’association et formateur en menuiserie, charpente et outils anciens. « Il faut voir l’Écocentre comme une fleur qui attire les papillons et les abeilles. Ils trouvent un endroit où venir se poser, respirer, se nourrir de valeurs et d’échanges. Et ensuite zzziut, ils s’envolent pour polliniser, partager ces bonnes idées ailleurs ».  

Atelier Rocket Stove – Crédit : l’Écocentre Trégor

Pendant les stages, le lieu est mis à disposition gratuitement pour ceux qui voudraient dormir sur place et les repas de midi sont pris en commun. 

« Quand on propose des stages pour fabriquer des rockets stove ou des meubles en bois par exemple, il y a toujours ce moment de rencontres et d’échanges. Et on côtoie des gens fascinants ! Les formations rassemblent à la fois des ingénieurs et des artisans, qui sont là pour la même chose : gagner en autonomie en apprenant à faire soi-même », remarque Crasten Greve. 

Atelier menuiserie – Crédit : Marine Wolf & Elouan Ameline

Une réflexion sur son mode de vie

« C’est souvent un support pour un changement de vie ou une réflexion sur son mode de vie », complète Aurélien Lejeard. « Il y a cet aspect immersif, on se nourrit des échanges avec les autres. Il y a aussi la dynamique associative. On propose régulièrement des chantiers collectifs avec les adhérents ».

Atelier menuiserie près du four à pizza – Crédit : Marine Wolf & Elouan Ameline

« Quand il y a des chantiers collectifs, il y a cette satisfaction à la fin de la journée quand on a bossé ensemble sur un chantier intéressant », raconte Crasten Greve. « T’es naze, mais t’es heureux. Et après ça fuse, la guitare sort, la bière aussi. C’est juste trop satisfaisant ». 

L’Écocentre accueille souvent de nouveaux arrivants sur le territoire, en quête d’autres modes de vie.

« Le centre est un point du réseau local qui est visible et accessible à tous, donc ils sont souvent dirigés vers nous. Pour eux c’est un moyen de rencontrer du monde, de construire des projets avec d’autres gens », note Aurélien Lejeard.

« Ici, t’es dans la proposition, pas dans le râle ou dans la critique. C’est un lieu où tu montres comment faire pour faire mieux. Sortir de la passivité critique pour aller vers la proposition optimiste », conclut Crasten Greve. 

Marine Wolf

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