Le 31 mai 2022, le groupe local de Lyon de Notre Affaire à Tous et le cabinet Kaizen Avocat ont déposé deux référés contre Arkema France et Elkem Silicones France pour enfreinte du droit de l’environnement et dépassement des seuils de pollution autorisés. Différentes non-conformités avaient déjà été signalées par la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL).
Constituée à l’été 2015, l’année de la COP21, l’association Notre Affaire à Tous (NAAT) œuvre pour la justice climatique. A l’origine de l’Affaire du Siècle, elle utilise le droit comme outil pour contraindre les gouvernements à respecter leurs engagements et lever l’impunité des multinationales.
Les deux entreprises en cause cette fois-ci sont situées dans la Vallée de la Chimie, qui comporte une grande concentration d’industries chimiques. Entre 2014 et 2020, un partenariat public-privé d’une trentaine d’entreprises a invité des sociétés de chimie verte, de l’environnement et des énergies renouvelables à venir s’installer dans la Vallée. Dans cette dynamique, le projet démarre en 2020 un état des lieux.
D’après les résultats, les émissions de gaz à effet de serre de la Vallée s’élèvent cette même année à 26 % des émissions totales de la Métropole de Lyon, soit 1800 kilotonnes équivalent CO2 par an.
D’après le communiqué de NAAT, bien que la plupart des industries implantées dans la Vallée soient des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), certaines entreprises ne respectent pas sa règlementation, régit par le code de l’environnement.
L’association, en partenariat avec la clinique SciencePo Paris, s’est penchée sur les déclarations de non conformité ICPE dans les rapports de la DREAL. De 2017 à 2021, Elkem Silicones France a commis 50 non-conformités et reçu 5 mises en demeure de la part de la préfecture. De 2017 à 2022, Arkema France a pour sa part commis 66 non-conformités, 6 incidents majeurs et reçu 8 arrêtés préfectoraux de mise en demeure.
L’entreprise Elkem Silicones France a commis de graves pollutions aux BTEX des sols et des eaux, d’une ampleur de 2000 m2 sur 5 mètres de profondeur. Les BTEX sont l’abréviation de composés chimiques volatiles très toxiques et écotoxiques.
L’association signale également une pollution de la nappe phréatique au Siloxane, éléments chimiques faiblement biodégradables, sur 2200 m2 et une profondeur de 2m20. Le site n’ayant pas respecté de nombreuses mesures de dépollution exigées par la préfecture, les pollutions de la nappe phréatique s’aggravent.
Le site d’Arkema France a quant à lui un impact sur le climat considérable du fait d’émissions de gaz à effet de serre fluorés : il s’agit en France du premier plus gros émetteur de gaz hydrochlorofluorocarbures, du deuxième émetteur de halons et du quatrième émetteur de gaz fluorocarbures.
Les gaz qui contiennent du chlore et des halons contribuent principalement à la dégradation de la couche d’ozone. Ils ne se décomposent pas dans la basse atmosphère et peuvent rester dans l’atmosphère entre 20 et 120 ans. Le rayonnement UV dissocie les molécules de chlore, un élément qui peut dissocier l’ozone. Un seul même atome de chlore peut détruire plus de 100 000 molécules d’ozone.
Selon les rapports de la DREAL, Arkema France a dépassé de nombreux seuils limites de rejets dans l’air et l’eau de différents polluants qui peuvent être dangereux pour l’homme et/ou les écosystèmes. Arkema France contamine toujours l’environnement par la présence notable de perfluorés dans les sols et le Rhône, composants cancérigènes, perturbateurs endocriniens, à majorité toxique.
L’alerte sur les perfluorés avait été lancée en mai 2022 par une étude de Jacob de Boer, l’équipe journalistique de Vert de Rage et d’Envoyé Spécial, et avait été relayée par FranceInfo. Les analyses ont notamment révélé un taux anormal de ces « polluants éternels » dans le lait maternel des femmes vivant autour du site industriel Arkema.
NAAT Lyon estime que l’affaire requiert un procédé d’urgence et appelle le procureur du tribunal judiciaire de Lyon à saisir le juge des Libertés et de la détention, afin de faire cesser toute pollution illégale. L’association demande également une réglementation plus stricte de certains polluants, afin de protéger riverains, salariés et environnement.
Pour aller plus loin : Des goélands contaminés par des perturbateurs endocriniens dans une réserve nationale protégée
Crédit photo couv : Nicolas Liponne / Hans Lucas via AFP