Depuis 7 ans, La Relève et La Peste publie chaque année un livre-journal, articulé autour d’une thématique, afin de raconter le monde tel qu’il existe. Sept ans plus tard, force est de constater que si les consciences s’éveillent de plus en plus, la résignation prend souvent le pas sur l’indignation face au bulldozer en marche. Afin de se rappeler pourquoi nous œuvrons, nous avons réuni dans le hors-série Recueil les plus beaux textes publiés dans nos ouvrages, rédigés par des grands penseurs du XXIème siècle, toujours aussi criants d’actualité. Ce Recueil tente de répondre à cette question délicate : dans une société aux crises multiples, comment incarner et épanouir son humanité ?
Qui peut citer les 30 articles de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme ? C’est cette question qu’Aurine Crémieux, auteure de notre tout premier livre-journal, pose en ouverture de ce Recueil pour mieux en analyser les enjeux de l’époque et ce que nous avons fait de cet héritage.
Que différents pays reconnaissent ensemble les droits humains les plus fondamentaux était une étape de l’histoire européenne révolutionnaire ce jour de décembre 1948, et avait pour objectif de ne plus commettre les atrocités de la Seconde Guerre mondiale.
Seulement, ces différents pays avaient un point commun : le fait d’être des empires coloniaux bien décidés à ne pas lâcher trop vite les ressources chèrement acquises. Ceci explique sans doute pourquoi aucun des 30 articles de la DUDH ne condamne le colonialisme « ou ne proclame le droit des peuples à se révolter contre cette oppression » comme le relève Aurine Crémieux.
73 ans plus tard, la valeur marchande l’a emporté sur les droits humains les plus élémentaires.
Jean-Loup Izambert, journaliste d’investigation, nous explique ainsi comment les « assassins financiers » ont envahi les plus hautes sphères des institutions internationales qui, sous couvert d’organiser la paix, démarrent des guerres civiles et conduisent les Etats à la faillite pour mieux s’en accaparer les ressources.
Et ce hold-up planifié ne concerne pas uniquement les pays du Sud les plus meurtris, loin de là. Selon la Commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, « la fraude fiscale, l’évasion fiscale, l’évitement fiscal et la planification fiscale agressive engendrent, chaque année dans l’Union européenne – et pour cette seule région du monde -, une perte scandaleuse de recettes fiscales estimée à 1000 milliards d’euros ».
Ironie de l’Histoire, c’est pour mieux récupérer des gisements d’énergies fossiles que ces « assassins financiers » sont envoyés faire leur basse besogne. Ces mêmes énergies dont la surexploitation à outrance a fait exploser notre thermomètre mondial, et met l’humanité face à la réalité de son environnement : il y a des limites planétaires à ne pas dépasser.
Devant cette destruction organisée, la juriste française Valérie Cabanes nous explique l’importance de faire reconnaître l’écocide comme cinquième crime contre l’Humanité par la Cour Pénale Internationale, mais aussi celle d’inscrire les limites planétaires dans le premier article de la Constitution.
Des débats plus que jamais d’actualité en France, au moment où le gouvernement tente de compenser la trahison de la promesse du « sans filtre » faite aux 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat par un piètre référendum loin d’être à la hauteur des enjeux auxquels nous faisons face.
Face au rouleau compresseur de la machine capitaliste, « une dynamique fondée sur l’accumulation du capital productif guidée par la recherche du profit grâce à la propriété privée des moyens de production », comment ne pas perdre espoir ?
Peut-être en s’interrogeant sur les mécanismes de notre cerveau qui nous poussent à accepter et même à participer à cette frénésie mortifère. Ainsi que l’analyse Sébastien Bohler qui ouvre en même temps une lueur d’espoir : oui, partager peut procurer plus de plaisir que s’accaparer pour soi seul au détriment des autres.
Et quand le modèle économique dominant va à l’encontre des droits humains les plus fondamentaux, à l’encontre des valeurs que nous aimerions voir incarner en ce monde, vient alors le temps de la désobéissance.
Désobéir pour faire appliquer une évidence : la Vie vaut plus que les profits.
« La désobéissance procède d’une fidélité à soi-même, d’une révolte face à l’insoutenable, d’un attachement viscéral à la liberté. Plutôt mourir que vivre à genoux. Je désobéis pour ma liberté mais aussi pour celle d’autrui, car nul n’est libre tant qu’il reste un esclave sur la surface de la Terre. » nous explique le philosophe et sociologue Manuel Cervera-Marzal
L’Humanité traverserait-elle une crise existentielle ? Cela va sans dire puisque nous détruisons avec application et méthode nos moyens-mêmes d’existence. Dès lors, il faut changer de point de vue, ainsi que le propose le compositeur et réalisateur Guillaume Corpard.
Et si l’Homme occidental a bâti son monde autour d’une vision anthropocentrée, il en a pourtant oublié de regarder au fond de lui, ce face-à-face si difficile mais nécessaire avec ses démons et ses insécurités, sa peur de l’autre et de lui-même.
Le poète Heathcote Williams a dit : « Vue de l’espace, la planète est bleue. Vue de l’espace, la planète est le territoire non pas de l’Homme, mais de la Baleine. »
La figure de la Baleine est peut-être représentative du changement de point de vue ontologique que nous devons à présent poser sur le monde. Du monstre des profondeurs capable de briser les bateaux des navigateurs, la Baleine est devenue symbole de compassion et de sagesse, un être à la valeur intrinsèque inestimable qu’il nous faut préserver, pour sa pérennité et pour la nôtre ainsi que le rappelle Lamya Essemlali.
Face à l’injustice, la cruauté et la violence, il est si difficile de cultiver l’amour et la compassion pour son prochain. Trouver sa voie avec Idriss Aberkane, mettre en place une démocratie active avec le maire pionnier Jo Spiegel, vivre sobrement selon les principes du philosophe Pierre Rabhi et nous reconnecter aux animaux en les connaissant mieux avec Karine Lou Matignon sont autant de pistes proposées dans ce Recueil.
Car le temps presse : alors que les forêts sont rasées ou incendiées, et que l’Océan n’est déjà plus que l’ombre de lui-même, la surpêche, le réchauffement climatique et la pollution auront bientôt endommagé de façon irréversible ces havres de Vie sur Terre.
« Pour l’homme, seule une indignation retrouvée est à la mesure de la dignité perdue ». explique Jean-François Mattéi
Face au cynisme, à l’égoïsme et à l’avidité, amour, solidarité et partage sont les valeurs dont nous avons besoin.
Crédit photo couv : Manifestation contre la loi sécurité globale, France – Koshu Kunii