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Dérogations pour permettre la pêche l’hiver : le gouvernement risque l’extinction des dauphins au mépris de la science

Fin octobre, un rapport de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) a mis en cause le rôle des filets de fond dans la mort des cétacés.

La bataille pour sauver les dauphins du Golfe de Gascogne continue. A l’encontre de l’avis des scientifiques, du Conseil d’État et de l’Union Européenne, le gouvernement français accorde de nombreuses dérogations pour maintenir la pêche l’hiver dans le Golfe de Gascogne, alors que les captures accidentelles de cétacés menacent leur survie.

La survie de l’espèce en jeu

Depuis 1990, on estime que la pêche a causé la mort de 90 000 dauphins en Atlantique nord-est. La survie de l’espèce est en jeu, à tel point que 1500 scientifiques s’étaient réunis pour demander la fermeture temporaire des zones de pêche les plus meurtrières.

Un avis suivi par la Commission Européenne et le Conseil d’État qui a ordonné au gouvernement, en mars 2023, de fermer chaque hiver les zones de pêche les plus destructrices pour réduire drastiquement les captures de Dauphins et petits cétacés.

Sea Shepherd France, France Nature Environnement et l’association de Défense des Milieux Aquatiques, les trois associations à l’origine du recours devant le Conseil d’État, attendaient donc avec impatience de voir comment le gouvernement allait réguler la situation.

Alors que le CIEM (Centre International d’Exploration Marine) et le Conseil d’État recommandaient de fermer les pêcheries 3 mois l’hiver et un mois l’été, le gouvernement a retenu une fermeture limitée à 30 jours l’hiver. Encore plus préoccupant, il autorise par de nombreuses dérogations la poursuite de la pêche.

« Cette décision arrive sans surprise mais elle me révolte, car cette année on a battu les records de 2019 et 2020 de 50% ! Fin juin, il y avait 1400 dauphins officiellement échoués sur la plage. Dans ce contexte, que l’État persiste à dire que les dispositifs acoustiques (pingers) sont suffisants, alors qu’il n’y a jamais eu autant de pingers et autant d’échouages, c’est aberrant ! » réagit Philippe Garcia, Président de l’association de de Défense des Milieux Aquatiques, pour La Relève et La Peste

Dans la même lignée, l’État permet aux bateaux équipés seulement de caméras de pouvoir continuer à pêcher, bien que les vidéos n’empêchent en rien les captures accidentelles. Le gouvernement justifie cette décision par l’importance de collecter des données sur l’ensemble de l’année.

Or, les données existent déjà et dressent un tableau de plus en plus alarmant sur la situation. Un constat dressé par le CIEM qui a baissé le plafond de 4900 dauphins échoués menaçant la survie de l’espèce il y a quelques années, à 950 actuellement.

Une décision politique

Fin octobre, un rapport de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) a mis en cause le rôle des filets de fond dans la mort des cétacés.

« A l’époque, on pensait que les chaluts pélagiques provoquaient le plus de dégâts. Le rapport de l’Ifremer démontre la responsabilité des filets tramails et des filets pêche-tout. Avec l’amélioration des techniques sur les nylons, les fabricants ont créé des filets qui flottent de plus en plus haut dans la colonne d’eau, jusqu’à plusieurs mètres de hauteur, là où avant ils montaient de seulement 80cm. Cette innovation technologique a entraîné d’immenses dégâts chez les cétacés qui se font prendre au piège » explique Philippe Garcia, Président de l’association de de Défense des Milieux Aquatiques, pour La Relève et La Peste

Dans son rapport, l’Ifremer reconnaît notamment qu’on ne connaît ni la longueur ni la hauteur des filets, donc nous n’avons actuellement aucune idée de la surface totale des filets immergés dans le Golfe de Gascogne.

Les filets sont non seulement plus performants, mais ils sont aussi de plus en plus nombreux au fur et à mesure que les poissons disparaissent. Une problématique mondiale : en 2019, une étude de l’université de Tasmanie et du CSIRO pointait ainsi qu’il y a deux fois plus de bateaux pour 80 % de poisson en moins.

La pêche industrielle est devenue une véritable « économie de l’extinction » : pour résoudre le problème de raréfaction des poissons et de la biodiversité marine, on aggrave les causes du problème en pêchant toujours plus.

Alors que la FAO estime que les populations de poisson vont totalement s’effondrer d’ici 2048, sauver les cétacés d’une potentielle extinction est le premier jalon d’un combat vital pour protéger l’Océan de notre aveuglement.

« Les dauphins sont les ambassadeurs de l’océan. Ils ont un capital sympathie énorme et devraient nous alerter de façon bien plus efficace que le sort des soles ou les merlus sur lesquels c’est bien plus difficile de sensibiliser l’opinion. C’est aussi pour cela que c’est une sorte de ligne rouge : si on n’y arrive pas, là, sur la question des dauphins, c’est foutu pour tout le reste » nous expliquait Lamya Essemlali, la présidente de Sea Shepherd France, en mars 2021

Pour indemniser les pêcheurs à quai en hiver, l’argent existe pourtant déjà. Une enveloppe européenne alloue 6 milliards d’euros pour la pêche sur cinq ans, dont 570 millions d’euros uniquement pour la France. Cette somme n’a été utilisée qu’à moitié lors du dernier versement.

Les associations n’ont pas dit leur dernier mot pour enrayer l’hécatombe. Un recours sur le fond est toujours en cours d’instruction. Elles vont également attaquer en justice l’arrêté publié par le gouvernement et demander à ce que toutes les dérogations soient suspendues en urgence pour « empêcher une véritable boucherie ».

Laurie Debove

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