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Dans le Doubs, 27 agriculteurs ont arrêté les pesticides sur 4 000 ha pour protéger l’eau

Pour l’essentiel, les pratiques mises en place comprenaient la réimplantation de linéaires de haies, la rotation des cultures et l’allongement des rotations, ainsi que la réduction des intrants.

Moins de pesticides, plus de biodiversité : dans le Doubs, les paiements pour services environnementaux ont été expérimentés avec succès. La communauté urbaine Grand Besançon Métropole (GBM) a accompagné 27 agriculteurs pour les aider à instaurer des pratiques préservant l’eau et la biodiversité. Alors que la fin de l’expérimentation approche, le bilan est positif.

Des cours d’eau stratégiques

En 2020, la communauté urbaine Grand Besançon Métropole (GBM) a répondu à l’appel à manifestation d’intérêt de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse qui vise à mettre en œuvre des paiements pour services environnementaux (PSE), permettant de financer des agriculteurs pour leurs pratiques vertueuses. L’expérimentation a pu réellement démarrer en 2021, à cause du Covid.

En moyenne, les PSE des 27 exploitations volontaires participantes ont été financés par l’Agence de l’eau à 100 %, à hauteur de 155 euros à l’hectare par an, pour un total de 3,1 millions d’euros.

« Les exploitants sont rétribués en fonction des résultats de l’avancement de leurs projets », souligne Denis Jacquin, élu en charge de l’eau à GBM, pour La Relève et La Peste.

Ces 27 exploitations, qui représentent une surface agricole totale d’environ 4 000 hectares, se situent dans des aires de captage d’eau qui alimentent une grande partie des habitants de la région.

Les frontières du dispositif s’étendent au-delà du GBM, le but étant de préserver les ressources stratégiques en eau potable, la biodiversité, ainsi que la qualité des cours d’eau du Doubs, de la Loue et de l’Ognon.

Parmi ces ressources stratégiques, l’on retrouve la source d’Arcier et son aire d’alimentation de captage de l’eau potable. « Il s’agit de la source historique de Besançon qui couvre 40 % des besoins des Bisontins, les Romains ont été les premiers à l’utiliser », souligne Christian Impéras, directeur Exploitation du département eau et assainissement de GBM, pour La Relève et La Peste.

La ferme des Champs Colots de Nicolas Girard, l’un des exploitants volontaires, est située au niveau de la zone du Puit de Saint-Vit, une autre ressource stratégique pour l’eau.

« J’ai un champ qui se trouve devant la station de pompage. C’est une parcelle où je mets de l’herbe ou bien je cultive du blé pour ressemer de l’herbe ensuite, mais sans traitement », indique l’exploitant pour La Relève et La Peste.

L’agriculteur pratique la polyculture-élevage, un modèle agricole combinant cultures végétales et production animale.

« J’ai une centaine d’hectares avec 40 vaches laitières en lait standard et j’ai un atelier d’engraissement de génisses pour la viande. Et je cultive du blé, de l’orge, du soja et du maïs », raconte Nicolas Girard.

« Quand je me suis installé il y a quatre ans, j’avais en tête de passer en bio, mais j’ai renoncé pour des raisons économiques. Alors quand l’expérimentation des PSE est arrivée, j’ai sauté sur l’occasion car elle allait dans le sens de ce que je voulais faire : réduire les intrants et avoir des pratiques plus vertueuses. »

Source d’Arcier – © Communauté Urbaine de Grand Besançon Métropole

L’entretien des haies

Les exploitations ont bénéficié de l’appui logistique de la Chambre interdépartementale d’agriculture Doubs-Territoire de Belfort et de la Fédération départementale des Chasseurs du Doubs.

« Ce sont ces organismes qui réalisent le travail sur le terrain, en assurant la formation et le suivi tout au long du programme des exploitations », explique Denis Jacquin, précisant que des protocoles spécifiques ont été définis, notamment concernant les oiseaux, les vers de terre ou encore les papillons…

Pour l’essentiel, les pratiques mises en place comprenaient la réimplantation de linéaires de haies, la rotation des cultures et l’allongement des rotations, ainsi que la réduction des intrants, comme les herbicides et les engrais azotés.

« Je ne mettais déjà pas beaucoup d’engrais et j’avais déjà une rotation des cultures assez élevée. Le programme m’a ainsi permis d’être rémunéré pour ce que je faisais déjà de bien, tout en me permettant d’aller plus loin », note Nicolas Girard.

Son exploitation étant implantée dans un endroit très boisé, accolée à une trentaine de kilomètres de forêts et de buissons qui nécessite déjà beaucoup d’entretien, l’agriculteur n’a pas jugé utile d’installer des haies. « Les vaches ont suffisamment d’ombre et d’abris pour ne pas avoir eu besoin de recouper des parcelles », précise-t-il, ajoutant que les formations sur les haies lui ont cependant été très utiles.

« J’ai appris à entretenir les buissons, comment couper une branche correctement pour ne pas perturber l’arbre, quels sont les arbres à couper pour faire des ouvertures et favoriser les jeunes pousses et les nidifications. »

Une réduction des pesticides à la source d’Arcier

Un certain nombre d’indicateurs de performance ont été définis afin d’évaluer l’évolution des pratiques et l’engagement des agriculteurs.

« Pour les intrants, on se base sur l’indicateur de fréquence de traitements phytosanitaires (IFT), qui doit diminuer », précise Christian Impéras. « Pour les rotations, on parle en années et pour les haies en kilomètres, et il vaut mieux que ces indicateurs augmentent. »

Nicolas Girard a réduit son recours aux engrais au fil du temps. « Je ne pourrais pas vous donner de chiffre exact, mais d’année en année, j’en achète moins », précise-t-il.

S’il est convaincu de l’intérêt de cette pratique pour des raisons environnementales, l’agriculteur a observé une baisse de rendement pour ses cultures de blé par rapport à ses collègues qui utilisent plus d’engrais.

« Ce qui me fait vivre, c’est plus la vente du lait et un peu de la viande que les cultures. Donc je peux me permettre d’améliorer mes pratiques sur les cultures, car c’est moins crucial d’un point de vue économique pour moi », souligne l’agriculteur. « Et le PSE permet en plus de compenser les pertes qu’on a en essayant d’autres pratiques. »

Concernant les rotations, l’exploitant a pu faire évoluer ses pratiques grâce aux conseils reçus. « Je me suis mis à cultiver du trèfle ou de la luzerne en pur et je suis très satisfait car cela permet d’apporter un fourrage très riche en protéines aux animaux et donc d’économiser de la protéine achetée sous forme de tourteaux, qui sont importés », constate-t-il.

Cette pratique lui permet aussi de réduire les engrais. « Grâce aux reliquats d’azote qu’auront apporté le trèfle et la luzerne dans le sol, je peux mettre beaucoup moins d’engrais si je cultive du blé ensuite », poursuit Nicolas Girard.

L’expérimentation est un succès. « Les objectifs ont globalement été atteints », s’enthousiasme Denis Jacquin, rappelant qu’il « s’agit d’exploitants volontaires, sensibilisés, ayant la volonté d’améliorer leurs pratiques agricoles ».

« Sur le site de la source d’Arcier, nous avons mesuré les résidus de pesticides au niveau des eaux brutes qui sortent à la source, avant qu’elles ne soient traitées. Aujourd’hui, on est à 0,025 microgramme par litre alors qu’on était à 0,106 microgrammes par litre en 2019, on a divisé par quatre », rapporte Christian Impéras, précisant que le seuil à ne pas dépasser est de 0,5 microgramme par litre.

Une pérennisation encore incertaine

L’intérêt économique des PSE sur le traitement de l’eau reste toutefois difficile à évaluer. Denis Jacquin et Christian Impéras restent prudents sur la question.

« Si l’on ne fait rien, le risque est d’être obligé de mettre en place des traitements qui, eux, pourraient à terme faire augmenter le prix de l’eau », explicite le directeur Exploitation. « Mais il est trop tôt pour savoir si cela nous a permis de faire des économies. »

Si l’expérimentation touche à sa fin, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a lancé début juillet un nouvel appel à manifestation d’intérêt, avec cette fois un financement de 80 % des PSE et non plus de 100 %.

Les projets ne démarreront pas avant 2027, le temps de définir les zones à enjeux, de sélectionner les dossiers et de faire les demandes de financement. Il n’est donc pas encore possible de savoir lesquelles des 27 exploitations volontaires pourront continuer les PSE dans ce cadre.

Pendant au moins deux ans donc, elles ne bénéficieront plus d’accompagnement dédié à l’amélioration de leurs pratiques.

« Nous espérons néanmoins que ces bonnes pratiques vont se poursuivre », avance Denis Jacquin.

De son côté, Nicolas Girard entend bien continuer. « Le fait d’avoir été accompagné permet d’essayer de nouvelles pratiques et de se convaincre de leur intérêt », avance-t-il, saluant également les rencontres et les partages d’expérience avec les autres agriculteurs volontaires permis par le programme.

« J’ai également pu investir dans du matériel pour faire du désherbage mécanique. »

L’avenir dira si la réduction des pesticides permettra aux agriculteurs de faire des économies, à l’image des 135 agriculteurs dans les Deux-Sèvres.

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Charlene Catalifaud

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