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Crise du miel : Les apiculteurs français sont menacés par du miel étranger frauduleux et le réchauffement climatique

"Je m’inquiète de l’accumulation des contraintes : contrainte de la vente du miel en gros, la pression énorme du frelon asiatique, les impasses concernant le traitement classique contre le varroa qui ne fonctionne pas, les barrières qui commencent à se mettre en place partout pour installer des ruches dans certaines propriétés, parcs etc."

Les apiculteurs français n’arrivent plus à écouler leur production de miel en vrac. L’Union nationale des apiculteurs français (UNAF) a donc appelé le gouvernement à prendre des mesures immédiates pour soutenir les producteurs, qui souffrent d’ors-et-déjà de récoltes amoindries, du fait du réchauffement climatique.

Des exigences insuffisantes sur les miels d’importation

Pour l’UNAF, si la baisse de la consommation en grande distribution résulte en partie du déclin du pouvoir d’achat, elle est avant tout liée à la méfiance des consommateurs sur la qualité des miels proposés dans les rayons.

Le 23 mars 2023, la Commission européenne a publié un rapport révélant que 46 % des miels importés en Europe sont suspectés d’être frauduleux. Il ne s’agirait pas de miel pur mai de produit frelatés « coupés avec des sirops de sucre à base de riz, de blé ou de betterave sucrière », afin d’en augmenter le volume. Le rapport a très largement été médiatisé.

Malheureusement, les apiculteurs français ont subi l’impact économique de cette mauvaise publicité. Ironiquement, ils sont également concurrencés de façon déloyale par l’importation massive de miels originaires d’Asie et des pays d’Europe de l’Est, qui sont vendus à des prix extrêmement bas, pays d’où viennent les miels suspectés d’être frauduleux.

L’UNAF souligne :  « Tant que les prix du miel en vrac ne seront pas harmonisés au sein de l’Union européenne et que celle-ci ne sera pas plus exigeante sur la qualité des miels d’importation, cette concurrence déloyale subsistera. »

Cette concurrence est alourdie par un contexte de réchauffement climatique : en 2021, les récoltes avaient baissé de 38 % par rapport à l’année précédente. A l’époque, l’UNAF avait estimé que l’année était « la pire année de l’apiculture française ».

La récolte se situait entre 7000 et 9000 tonnes de miel, contre 18 000 à 20 000 tonnes en 2020, et 32 000 tonnes en 1995.

Les apiculteurs font face au frelon asiatique et à des difficultés de vente

Loïc Leray, apiculteur professionnel en Loire-Atlantique, s’inquiète pour le développement des exploitations et les options offertes aux jeunes apiculteurs :

« Le prix n’a pas diminué en rayon dans les grandes surfaces mais le prix d’achat a diminué, les conditionneurs ont donc augmenté leur marge. De plus, les conditions de paiement sont échelonnées, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cela constitue un gros frein pour la trésorerie qui bloque les investissements sur exploitation (achat de matériel, nourriture, outils de perfectionnement, etc.). Cela a de grosses conséquences pour le développement des exploitations, notamment pour les jeunes apiculteurs.

De mon côté, j’ai une associée depuis 4 ans sur mon exploitation et je vends aussi dans des marchés. Si je ne vendais qu’en gros, on serait en grande difficulté financière et je n’aurais pas pu maintenir son poste.

Je m’inquiète de l’accumulation des contraintes : contrainte de la vente du miel en gros, la pression énorme du frelon asiatique, les impasses concernant le traitement classique contre le varroa qui ne fonctionne pas, les barrières qui commencent à se mettre en place partout pour installer des ruches dans certaines propriétés, parcs etc.

Je m’occupe d’un rucher école dans lequel on forme aussi les apiculteurs professionnels et je ne me vois pas les encourager à entrer dans le métier compte tenu du contexte actuel. »

David Martin, jeune apiculteur professionnel qui a débuté en 2021 en Loire-Atlantique, partage les contraintes auxquelles il doit faire face :

« Si l’année 2022 était une bonne année, cette année n’est vraiment pas terrible. Il y a une énorme prédation du frelon asiatique, un record dans notre secteur : j’ai dû transhumer en urgence un tiers de mon cheptel pour espérer amoindrir l’impact en sortie de printemps. J’ai malgré tout subi beaucoup de pertes. La lutte contre le frelon asiatique est dérisoire, le piégeage n’est pas du tout suffisant.

Comme je débute, j’ai forcément des investissements plus lourds qu’un apiculteur installé depuis longtemps. Mon impression est que je n’ai aucun intérêt à vendre mon miel aux grossistes au regard des prix qu’ils pratiquent : le coût de revient n’est pas du tout rentable.

A cela s’ajoute le niveau d’exigence qui a drastiquement augmenté. Le miel est facilement déclassé. Les grossistes ont plus d’intérêt à acheter du miel à l’étranger car les prix pratiqués sont dérisoires. La question est de savoir si les producteurs de ces pays travaillent avec les mêmes exigences réglementaires que nous ? »

Christian Pons, président de l’UNAF, explique : « Cette situation est devenue ingérable pour les apiculteurs qui commercialisent leur miel en vrac aux conditionneurs et en particulier les jeunes installés qui représentent l’avenir de l’apiculture.

Ces producteurs n’arrivent plus à rembourser leurs prêts ou à payer leurs salariés. C’est pourquoi l’UNAF demande à l’État de mettre urgemment en œuvre des aides exceptionnelles telles que des avances de trésorerie et des reports de crédits, ainsi que des aides à la ruche ».

Pour l’UNAF, tant que les prix du miel en vrac ne seront pas harmonisés au sein de l’Union européenne et que celle-ci ne sera pas plus exigeante sur la qualité des miels d’importation, les apiculteurs français auront de plus en plus de mal à perdurer.

 

Maïté Debove

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