La Société royale de protection des oiseaux et les garde-côtes britanniques lancent l’alerte. Des granulés de plastique ont commencé à se disperser sur le littoral suite à l’accident entre le porte-conteneurs Solong et le pétrolier Stena Immaculate du 10 mars. Pour les autorités, il ne reste que « quelques jours » avant que le plastique ne se répande en mer du Nord.
Cette semaine, des granulés en plastique de la taille de lentilles se sont échoué « sur des kilomètres et des kilomètres » le long de la côte du Norfolk, notamment dans la réserve naturelle du marais Titchwell (RSPB). Ces billes plastiques, nommées « nurdles » ou « larmes de sirène », servent de matière première pour un ensemble très divers d’objets plastiques, des bouteilles d’eau à usage unique aux téléviseurs.
Si la plupart étaient isolés, d’autres étaient agglutinés et carbonisés, signe de leur provenance : la collision entre le porte-conteneurs Solong et le pétrolier Stena Immaculate, le 10 mars, en Mer du Nord. Cet accident avait déclenché des incendies gigantesques et la perte de nombreux conteneurs et barils. Si la marée noire tant redoutée n’a pas eu lieu, c’est désormais cet afflux de granulés plastiques qui inquiète.
« Nous sommes profondément inquiets. Toute cette zone est d’une importance internationale pour les oiseaux et la faune sauvage. C’est une voie de migration cruciale, un lieu d’alimentation essentiel et bientôt le site de nidification de sternes et d’échassiers rares et menacés » explique la Société Royale de protection des oiseaux (RSPB).
Bloc de granulés moulu par les incendies – Crédit : RSPB
Des opérations de nettoyage sur les plages ont été lancées, mais la pollution en mer a elle aussi des conséquences pour la faune maritime. Confondus avec de la nourriture, l’ingestion de ces minuscules granulés par les oiseaux et autres animaux marins peut entraîner malnutrition, blocages digestifs et exposition à des produits chimiques toxiques.
Une étude récente a même établi un lien entre l’ingestion de plastique chez les poussins d’oiseaux de mer et une défaillance organique et une neurodégénérescence similaire à la maladie d’Alzheimer.
« Pire encore, ces granulés ne disparaissent pas d’eux-mêmes. Au fil du temps, ils se décomposent en microplastiques encore plus petits, contaminant davantage le milieu marin et augmentant le risque d’ingestion. Ces minuscules fragments peuvent également absorber des polluants nocifs de l’océan, amplifiant ainsi leurs effets toxiques lorsqu’ils sont ingérés » explique les naturalistes de la RSPB.
L’ingestion de plastique par les poissons pose indirectement une menace sur la santé humaine lorsque nous consommons du poisson. En 2022, une étude révélait ainsi comment ces « larmes de sirènes » transportent des bactéries dangereuses pour l’homme d’un pays à l’autre. Inquiets que les marées dispersent les débris dans la mer, les autorités britanniques suivent de près la localisation d’autres débris plastiques.
« Il est capital pour la sauvegarde de l’environnement que l’épave du Solong soit ramenée à court terme dans un port refuge afin de limiter l’épandage des granulés et autres matières dangereuses à partir des conteneurs calcinés » a réagi l’association Robin des Bois, spécialisée dans la lutte contre la criminalité environnementale, les risques et déchets industriels et les sites pollués.
Malgré les risques environnementaux, le contenu du porte-conteneurs Solong n’a toujours pas été révélé. Son propriétaire allemand, l’armateur Ernst Russ, s’est contenté de nier la présence de cyanure de sodium, suite à des révélations qui l’accusaient.
Quoi qu’il en soit, cet accident remet en lumière les risques environnementaux posés par le transport maritime de conteneurs, souvent perdus en mer sans être déclarés. On estime que des dizaines millions de tonnes de microbilles sont dispersées dans l’océan chaque année, aggravant la pollution plastique.
Le 20 mai 2021, l’incendie et le naufrage du porte-conteneurs X-Press Pearl au large de Colombo, Sri Lanka, avaient « dispersé dans l’océan Indien 78 tonnes de granulés de plastique soit environ 4 milliards de granulés sur la base de 50 millions de granulés par tonne » rappelle Robin des Bois. Aujourd’hui, ces granulés plastique continuent à polluer le littoral et les eaux côtières de l’Indonésie, de l’Inde, des Maldives, de la Somalie et d’autres pays riverains.
Suite à cet accident, l’Organisation Maritime Internationale avait émis des recommandations pratiques sur le transport en bateau de ces granulés, telles que leur emplacement ou leur stockage sur les navires. La question du transport de granulés sera également l’objet de négociations au Parlement européen d’ici la fin du premier semestre 2025.