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Comme chaque année, des millions d’animaux d’élevage sont relâchés pour être chassés

Élevé dans 1 500 structures à travers la France, le petit gibier subit, d’après l’ASPAS, des conditions de captivité similaires à celles des pires élevages industriels.

C’est le retour de la chasse. Et avec elle des balles perdues, des tirs ricochés, des polémiques  et des lâchers de millions d’animaux élevés dans le seul but d’être abattus…

Depuis la mi-septembre et jusqu’au 28 février au soir, dans la plupart des départements, chasseurs et chasseuses peuvent reprendre le contrôle de leurs terrains de jeu favoris – champs, plaines, forêts – pour effectuer ces « prélèvements » annuels censés nous protéger d’espèces autrement nuisibles ou invasives. Mais d’où viennent les animaux que tirent les chasseurs ? Sont-ils vraiment sauvages ?

Si l’on en croit les chiffres de la saison de chasse 2013-2014, communiqués par l’Office français de la biodiversité (OFB), 22 millions d’animaux seraient tués chaque année à la chasse, parmi lesquels 80 % d’oiseaux et 20 % de mammifères.

Dans le détail, les faisans communs et leur plumage coloré représenteraient 3 millions de victimes, les perdrix rouges et grises 2 millions, les pigeons ramiers 5 millions, les canards et autres anatidés plus de 2 millions.

N’oublions pas les mammifères : un million et demi de lapins, 675 000 ongulés (sangliers, cerfs, chevreuil) et un demi-million de carnivores sont également fauchés, tous les ans, par le petit million de chasseurs licenciés, dont le nombre ne cesse de reculer.

Un couple de perdrix reproductrices en cage – Crédit : Sébastien Arsac

Des populations artificielles

Toutes les victimes ne se valent pas. Si les pigeons ramiers restent bel et bien sauvages, l’écrasante majorité des faisans et des perdrix tirés au fusil – et, dans une certaine mesure, les canards colverts ainsi que les sangliers – sont en fait des animaux élevés en captivité, vendus aux chasseurs pour être relâchés le jour même d’une partie de chasse.

En 2018, l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) a tenté de chiffrer cette pratique. Son enquête révélait alors que 14 millions de faisans et 5 millions de perdrix étaient élevés chaque année, en France, pour le plaisir des fédérations de chasse.

À ces populations « artificielles » s’ajoutent, selon le Syndicat national des producteurs de gibier de chasse (SNPGC), un million de canards, 100 000 lapins, 40 000 lièvres, 15 000 cerfs, 22 000 daims et quelque 40 000 sangliers, dont 20 % finissent dans la nature pour être régulés par les chasseurs, le reste étant abattu dans des enclos privés.

Lire aussi : Le Sénat veut interdire les enclos de chasse

Des conditions d’élevage déplorables

Élevé dans 1 500 structures à travers la France, le petit gibier subit, d’après l’ASPAS, des conditions de captivité similaires à celles des pires élevages industriels. En ce qui concerne faisans et perdrix, il faut distinguer les centres de reproduction et les élevages à proprement parler. Dans les premiers, les oiseaux reproducteurs sont entassés par couple (pour les perdrix) ou par dizaine (pour les faisans) dans des cages exiguës (des « parquets de ponte »), d’où les œufs sont récupérés pour être placés en incubateur.

Une fois qu’ils ont éclos, explique l’APSPAS dans son enquête, « les poussins sont placés à plusieurs milliers d’individus dans un hangar, alors que ces espèces vivent à l’état naturel en petits groupes familiaux ».

La promiscuité entraîne des agressions, des blessures, du stress, que les éleveurs compensent en apposant aux oiseaux des couvre-becs qui les mutilent.

Après une à trois semaines, perdreaux et faisandeaux sont transférés en extérieur, dans des espèces de volières simulant des conditions de vie sauvage – en réalité, note Reporterre, « de longs champs où des filets sont installés à plusieurs mètres de hauteur pour empêcher les oiseaux de s’enfuir ».

Dans ces non-lieux modernes, les mouvements de panique sont fréquents, et haute la mortalité.

« Les conditions d’élevage et le stress de ces oiseaux sont tels, constate l’ASPAS, qu’une quantité invraisemblable de faisans et de perdrix paniqués, cherchant à fuir en s’envolant, se fracassent contre les murs des hangars, ou encore se pendent aux filets des volières. »

À la fin du parcours, les animaux à peine matures sont livrés dans des caisses aux sociétés de chasse – la France en compte environ 70 000, soit deux par commune –, qui les transportent le lendemain sur le site du lâcher, quelques heures avant l’arrivée des « régulateurs ».

Faisan reproducteur mort étouffé en tentant de fuir – Crédit : Sébastien Arsac

Que deviennent les oiseaux ?

Il est difficile de donner une estimation précise du nombre d’oiseaux que les chasseurs parviennent à abattre. Sur les 5 millions de faisans et de perdrix de captivité, il est cependant possible de considérer, avec l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), qu’au moins une moitié est plombée dans les 48 heures qui suivent le lâcher.

Lire aussi : Le Parlement Européen interdit la chasse au plomb dans les zones humides

Les trois quarts des autres, inadaptés à la vie sauvage, meurent durant les jours ou les semaines qui suivent leur mise en liberté, de faim parce qu’ils n’ont pas appris à s’alimenter, de prédation car ils ne savent pas se protéger, ou de maladies.

Entre-temps, ces « repeuplements » subits commettent des dégâts, soit que les animaux d’élevage transmettent leurs pathologies et leurs parasites aux populations sauvages, soit que celles-ci, perturbées par une augmentation brutale de la densité, adoptent des comportements agressifs qui diminuent du même coup leur vigilance aux prédateurs.

Dans une étude parue cet été, deux scientifiques belges ayant étudié six zones de chasse en Wallonie ont également constaté que l’introduction massive de faisans, sur un territoire donné, efface de celui-ci, en quelques jours et de « façon radicale », les populations de reptiles qui s’y trouvent – et qui parfois font l’objet d’une protection.

Autrement dit, les lâchers d’oiseaux entraînent des conséquences sur la faune et la flore locales largement méconnues et qui, à une époque de disparition massive des espèces, devraient justifier une extrême prudence de la part des pouvoirs publics.

Augustin Langlade

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