Pour la deuxième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, près de 250 rassemblements ont eu lieu dans toute la France avec près de 2 millions de participants. A Paris comme à Bayonne, les manifestants étaient encore plus nombreux que lors de la première journée. Pénibilité au travail, précarisation de la population, et lutte pour garder nos services publics sont autant de raisons qui les ont poussé dans la rue.
Pénibilité au travail
Pour la deuxième fois, plus de 10 000 personnes se sont réunies dans les rues de Bayonne ce mardi 31 janvier à l’appel des organisations syndicales. Ils réclament le retrait de la réforme des retraites.
Alors que l’objectif de la réforme est de repousser l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, et d’augmenter le nombre de personnes qui vont devoir cotiser 43 annuités, les manifestant.e.s rappelaient à Macron la pénibilité au travail, et l’impossibilité pour certains corps de métier d’espérer atteindre cet âge.
« A 64 ans, j’aurai 192 trimestres au lieu de 170. Tout le monde va être touché, ce n’est pas normal voilà pourquoi on est là. La pénibilité au travail s’est déjà fortement accentué ces dix dernières années pour les métiers du soin, avec le manque de personnel. Nous devons rester à 60 ans comme âge de départ, comme on le mérite » explique Christophe, 55 ans, agent hospitalier à l’hôpital de Bayonne, pour La Relève et La Peste
En effet, alors que la numérisation et la robotisation sont censées faciliter de plus en plus de tâches professionnelles, la pénibilité au travail a augmenté pour de nombreux travailleurs et notamment les personnes moins qualifiées, ainsi que le pointait l’Observatoire des inégalités dans une note publiée en septembre 2022.
A l’usine ou au bureau, les organisations modernes du travail entraînent de nouvelles pénibilités aux conséquences bien réelles : montée des troubles musculo-squelettiques, maladies cardiovasculaires et dépressions, entres autres.
« Je manifeste avant tout car c’est inadmissible qu’on demande aux gens de travailler jusqu’à 64 ans quand on connaît la pénibilité dans les métiers quels qu’ils soient, que ce soit des métiers sur le terrain avec une activité physique ou sédentaire derrière un bureau devant les ordinateurs. Il y a une réelle pénibilité aujourd’hui au travail avec une très mauvaise reconnaissance, c’est inacceptable d’aller jusqu’à 64 ans. » renchérit Jean-Christophe, 51 ans, énergéticien, pour La Relève et La peste
Beaucoup des manifestants présents ont bien conscience que les métiers les plus précaires seront particulièrement touchés, et certains redoutent même d’être tout simplement capables d’assumer leur poste passé un certain âge comme Lucie, enseignante en petite section à Biarritz, 40 ans.
« J’ai commencé à enseigner à 24 ans. Avec les 43 annuités, je devrais rester en poste jusqu’à 66 ou 67 ans en classe et je pense que physiquement ça va être compliqué. Cette année, j’ai 31 élèves de 2 ans et demi à 3 ans et demi. Ça fait du monde à gérer, aujourd’hui je suis physiquement capable de le faire mais je sais que cela ne sera pas toujours le cas. Ma demande est de pouvoir partir plus tôt. Puis j’adore mon métier mais il y a une vie après le travail et j’ai envie de pouvoir en profiter un peu. » confie-t-elle à La Relève et La Peste
Déconstruction des services publics
Avant même de penser à décaler l’âge de partir à la retraite, certains rappellent que les pensions actuelles sont parfois trop maigres pour assurer un revenu digne aux retraités.
« Je suis là parce que c’est important de manifester pour nos droits. Avant de décaler l’âge de départ à la retraite, il faudrait déjà s’assurer qu’elle permette aux vieux de vivre dignement. Je vois mes grands-parents qui galèrent, c’est compliqué pour eux alors qu’ils ont travaillé toute leur vie » accuse Gina, 17 ans, venue avec sa mère
Souvent, les participants aux manifestations expriment un ras-le-bol général d’une politique macroniste faisant la part belle aux entreprises, au détriment des citoyens qui ne sont pas consultés sur des sujets de société qui vont impacter brutalement leur quotidien.
« Je suis là car j’espère avoir une retraite un jour. Depuis que Macron est arrivé au pouvoir, il n’en a rien à faire de ce que pense le peuple, que ça concerne l’environnement, le travail, le pouvoir d’achat et les retraites aujourd’hui. Donc je manifeste à la fois contre la réforme des retraites et le gouvernement Macron globalement. Je veux non seulement la retraite à 60 ans, mais aussi un SMIC plus élevé » exprime ainsi Manon, 29 ans, auprès de La Relève et La Peste
De fait, le président du Conseil d’orientation des retraites, Pierre-Louis Bras, a souligné que « les dépenses de retraites ne dérap[ai]ent pas », lors de son audition à l’Assemblée nationale le jeudi 19 janvier, mais qu’elles n’étaient « pas compatibles avec les objectifs de politique économique et de finances publiques du gouvernement ».
« En d’autres termes : c’est parce que le gouvernement veut contenir l’augmentation des dépenses publiques à 0,6 % par an d’ici à 2027 qu’il met à contribution notre système de retraites, qui compte pour un quart de ces dépenses » accusent l’économiste Maxime Combes et le journaliste d’investigation Olivier Petitjean
Une accusation confirmée par le Ministre de l’économie lui-même :
« Nous voulons poursuivre la baisse des impôts et des taxes, et pour cela nous devons collectivement travailler davantage, c’est l’objectif de la réforme des retraites et c’était celui de la réforme chômage. Et tout cela va nous permettre de rétablir les finances publiques, baisser, la dette et baisser les déficits » a expliqué Bruno Le Maire au micro de FranceInter
Le projet de loi finances 2023 précise ainsi que « la maîtrise des dépenses publiques permise par la réforme des retraites » doit rendre possible la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), soit environ 8 milliards d’euros par an à terme. Un hold-up social que certains français ont bien compris.
« La réforme des retraites s’inscrit dans un cadre plus large qui est celui de la déconstruction de notre État social et de nos services publics. La santé est à l’agonie, la justice dysfonctionne, l’Éducation Nationale s’enlise, la police aussi. La réforme des retraites est le gage supplémentaire donné aux néo-marchés financiers pour que l’austérité continue à sévir sur nos sociétés. Il est temps qu’on réagisse et qu’on prenne conscience de cette réalité » exprime Patrick auprès de La Relève et La Peste
Le projet de loi sur la réforme des retraites sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 6 février, d’autres mobilisations devraient avoir lieu d’ici-là. A Bayonne, les manifestants sont déjà prêts à se remobiliser.
« J’espère bien qu’on va tenir cette mobilisation sur la durée, quand je vois le monde qu’il y a aujourd’hui, je ne vois pas ce qui va nous arrêter » conclut Christophe d’un air décidé